Le monde est de plus en plus tourné vers Tel-Aviv, dont l’innovation et l’avant-gardisme ne cessent de surprendre. Créée en 1909 après le départ des Juifs de Yaffo, la première ville hébraïque a vu sa population considérablement augmenter au fil des années, passant de 120 000 habitants en 1935 à plus de 414 000 aujourd’hui.  Les aliya russes fuyant les pogroms de 1905 et l’arrivée des juifs allemands après l’élection d’Adolf Hitler, des exemples parmi d’autres, expliquent la croissance effrénée de cette population. Une envolée démographique qui n’a pas été sans conséquence pour cette agglomération : l’archaïsme architectural et urbanistique qui  règne encore dans cette cité étant le fruit de ce développement à vitesse accélérée. Mais à présent, Tel-Aviv n’a plus à affronter de vastes vagues migratoires, et la croissance économique israélienne est au beau fixe, une situation idéale pour remédier aux lacunes urbaines qui ont gangrené cette métropole.

Et c’est notamment le domaine des transports qui est dans le viseur de la mairie. Démographiquement dense et dépourvue de moyens de locomotion alternatifs à l’exception des bus, Tel-Aviv est considérablement touchée par le problème des embouteillages. Les nuisances sonores et la pollution atmosphérique en prime.

Prévue depuis les années 1960, la construction d’un tramway a souvent été proposée par la municipalité. Mais la plupart des projets ont été abandonnés faute de fonds suffisants. Une première ligne avait été commencée à la fin de l’année 2011, puis elle aussi abandonnée à la suite de l’annulation de la concession détenue par le  consortium en charge de cette entreprise par le ministère des Finances. Lors de son dernier voyage diplomatique en 2013, François Hollande avait d’ailleurs proposé le service des entreprises françaises pour réactiver les constructions.

Plus révolutionnaire encore, la ville de Tel-Aviv s’est portée candidate pour être la première ville au monde à tester le SkyTran, un projet futuriste de tramway aérien sur 10 kilomètres, ultrarapide et sophistiqué, fonctionnant via un champ magnétique. Prévu initialement pour être opérationnel en 2015, ce système de transport est  cependant menacé d’être retardé de plusieurs années, en raison des problèmes de fonds du PDG en charge du projet, ainsi que de l’exigence de la bureaucratie israélienne. Plus concret, un projet de ligne ferroviaire à grande vitesse, dont l’inauguration est prévue en 2018, est prévu pour relier Tel-Aviv à Eilat.

La métropole  israélienne ne serait alors qu’à deux heures de la cité de la mer Rouge. Plus intéressant encore, une autre ligne TGV est dans les cartons pour relier Tel-Aviv et Jérusalem en 35 minutes. Date de livraison : 2017. Une avancée majeure lorsqu’on sait que ce trajet est emprunté quotidiennement par des milliers d’usagers. A plus  petite échelle mais déjà installé depuis 2011, le système de vélo public Telofan (calqué sur le modèle des Vélib parisiens) fait un véritable carton. Un grand nombre de pistes cyclables ont d’ailleurs été tracées la même année pour l’occasion.


La guerre des tours

Mais la métamorphose la plus visible et la plus impressionnante de Tel-Aviv reste encore son panorama. En effet, cette dernière cherche à se détacher depuis quelques décennies de son image de ville européenne et méditerranéenne, au profit d’une américanisation galopante. Les maisons à deux étages et les petits immeubles  Bauhaus laissent de plus en plus souvent la place à de nombreux gratte-ciel. Ce qui ne manque pas d’irriter les riverains et les associations de défense du patrimoine. Processus amorcé avec la construction de la Shalom Tower en 1965, alors plus haut building du Moyen-Orient, Tel-Aviv s’est vue étoffée (ou défigurée) par  l’édification de nombreuses tours, signe évocateur pour une ville moderne.

Depuis l’inauguration des célèbres tours Azrieli en 1999, symboles du dynamisme économique du pays, près de 17 nouveaux édifices de plus de 120 mètres ont vu le jour dans la ville. La construction de 16 autres bâtiments de plus de 140 mètres a d’ores  et déjà été approuvée par la municipalité. La mairie de Tel-Aviv a d’ailleurs donné son feu vert pour l’édification de la plus haute tour du pays – avec 350 mètres de hauteur – qui sera comprise dans le projet « Keren Hakirya », impliquant la construction de quatre buildings sur l’emplacement d’une ancienne base militaire. Tout  aussi démesuré, la municipalité a également autorisé le projet d’un groupement de promoteurs, visant à construire quatorze gratte-ciel de trente étages non loin du Boulevard Rothschild (à l’intersection des rues Itzhak Sadeh et Menachem Begin), à l’emplacement d’un ancien parking. Ce sera le plus grand projet immobilier  jamais construit dans l’Etat juif.

Cette frénésie immobilière reste cependant à relativiser. Un grand nombre des appartements construits au sein de ces édifices concerne en effet l’immobilier de luxe, un secteur qui connaît un regain d’activité depuis plusieurs mois. Tel-Aviv souffre d’un manque de propriétés haut de gamme dans son marché immobilier,  expliquant les nouveaux projets résidentiels en cours de construction, particulièrement suivis par les acheteurs et les investisseurs. C’est le cas notamment de la tour « Herbert Samuel 10 », en pleine élaboration dans la périphérie sud de la ville ou de la « David Promenade Residence », l’un des projets résidentiels de luxe les plus  prisés de la ville. Sans oublier la « Meir On Rothschild » sur le boulevard du même nom, dont certains appartements ont d’ores et déjà été achetés par de nombreux PDG israéliens. Une situation qui ne fait qu’empirer la bulle immobilière dans la métropole, au grand dam des locaux abasourdis par le niveau exorbitant du prix des  loyers.

Des rénovations en marche forcée

Fin 2013, un journaliste du journal français Libération titrait : « Ce qui saute aux yeux en arrivant à Tel-Aviv, c’est le délabrement de ses façades ». Un constat évocateur pour une ville qui n’a pas encore le loisir de se reposer sur ses lauriers.

Conscient du manque de charme de son centre-ville, Ron Houldai, le maire de Tel-Aviv, a lancé un vaste programme de rénovation des bâtiments de son agglomération, afin de redorer l’image de sa métropole. Cette dernière étant soucieuse de se détacher de l’identité péjorative de « Ville du Sud ». Et c’est avant tout le célèbre  Bauhaus, bâtiment de type allemand, hérité des vagues migratoires fuyant le nazisme, véritable symbole de Tel-Aviv, qui est dans le collimateur de la mairie. Tel-Aviv compte près de 4 000 bâtiments de la sorte, constituant une vaste partie de la métropole communément appelée la « Ville blanche », classée au Patrimoine  mondial de l’UNESCO.

Mais la plupart des immeubles concernés sont délabrés, certains ayant même été détruits car trop proches de la ruine. C’est donc pour répondre à ce phénomène que la municipalité a engagé un vaste programme de rénovation des Bauhaus en 2009. La plupart d’entre eux ont été rénovés ou sont en passe  de l’être. Les rues comprises entre les rues Bialik et Idelson, riches d’habitations construites dans les années 1930, est particulièrement concernée, un musée culturel sur l’histoire de Tel-Aviv devant d’ailleurs être construit à cet emplacement. Dans la même veine, un projet de rénovation du quartier de Névé Tsédek (le plus  ancien de Tel-Aviv) situé au sud de la ville et riche d’édifices de type « Art nouveau », a été voté par la municipalité en 2010. Ce programme entreprend de transformer nombre de vieux bâtiments en appartements, hôtels et commerces, tout en préservant l’architecture et l’atmosphère typique du quartier, notamment en  respectant son style original pour les constructions à venir.

Mais le plus grand succès reste encore le port de la ville. Rénové dans les années 2000, ce dernier est devenu une vaste zone commerciale et de loisirs, le tout englobé dans un design épuré, très apprécié des locaux. Cerise sur le gâteau, cette rénovation a été primée (à l’unanimité) comme meilleur design d’Europe au concours  de « l’European Biennal of Landscape Architecture » en 2010, compétition qui rassemblait 470 projets internationaux. A noter également la restauration du théâtre national d’Israël « Habima », achevée en 2011, véritable succès architectural qui fait la joie des telaviviens, ainsi que le Gan Haatzmaout en 2010. Sans oublier la  dépollution de la rivière Yarkon en 2012, à nouveau ouverte aux tours de barques.

D’autres entreprises de modernisation devraient voir le jour dans la ville ces prochaines années. La promenade du bord de mer dite la « Tayelet » est tout particulièrement concernée. D’importants travaux ont été amorcés en 2013 dans le but de « lier » cette dernière à la plage, via des grandes marches et des zones ombragées.  Plus conséquent encore, le célèbre « Shouk HaCarmel » devrait lui aussi faire peau neuve. Les travaux, lancés dès cette année, devraient permettre de changer la toiture du marché et d’installer un dispositif logistique qui prévoira des zones d’évacuation des déchets. En outre, des appartements et des hôtels seront construits  dans les abords immédiats du souk, ce qui permettra selon Ron Houldai de « préserver le charme et le caractère du lieu, tout en en faisant un site engageant et moderne pour le public ».

Plusieurs millions de shekels ont également été débloqués pour rénover le quartier de Florentine, en proie aux dégradations et à l’insalubrité, à la différence d’un grand nombre de zones voisines. Le projet immobilier du « 4 Florentine », étant un exemple de marque. Dans la même optique, la rue Hamasger, zone industrielle de la  Ville blanche, connue pour ses garages crasseux et ses magasins de matériel informatique, devrait d’ici 13 ans radicalement changer de visage. Les autorités souhaitent en faire une nouvelle zone résidentielle et commerciale de luxe, afin de redynamiser ce secteur délaissé. Enfin, la municipalité prévoit également la remise à plat  de la place Dizengoff décriée pour être le repaire nocturne de groupes punks. L’installation d’un parking souterrain à ce même emplacement est lui aussi soutenu par les autorités, afin de désengorger les rues de la ville. Un projet similaire est également envisagé en dessous du boulevard Rothschild.

Le sud de Tel-Aviv en décalage avec le reste de la ville

La plus grosse tache noire sur le tableau de Tel-Aviv reste néanmoins le retard de développement considérable de la partie sud de la ville, au détriment de la zone nord. Autrefois à l’abri de l’actualité, le quartier de la nouvelle gare de bus est en proie à l’insécurité et l’insalubrité, depuis que cet espace a été désigné comme le  point de chute de l’immigration illégale en provenance d’Afrique de l’Est. Les alentours de la rue Levinski sont à présent caractérisés par des appartements en surpopulation, où vivent entassées plusieurs familles, au grand désarroi des locaux. La vétusté qui y règne choque très facilement le visiteur, ressemblant davantage à ce  qu’on pourrait s’attendre à découvrir dans un pays en voie de développement que dans la « start-up nation ».

Par comparaison, les grands axes du centre-ville paraissent presque futuristes à l’égard du délabrement généralisé qui gangrène ce district. Là aussi, la mairie compte bien y remédier. Selon la journaliste Noémie  Grynberg, depuis 2008, une loi interdit la division des appartements en studios indépendants, afin de désengorger les locations malmenées par la surpopulation. Des agents municipaux ont également été accrédités pour accompagner les policiers lors de visites à l’improviste dans les immeubles, afin d’inspecter les domiciles et  vérifier leur conformité. Depuis 2009, 400 logements ont ainsi été dénoncés. Les propriétaires ont reçu de sérieux avertissements et ont été soumis à de fortes amendes (jusqu’à 150 000 shekels). L’électricité de ces habitations illégales a même été coupée sur ordre de la commune.

Certains des immeubles concernés seront évacués pour laisser place à des constructions plus récentes, dans le but d’y attirer une nouvelle population. Le projet prévoit également d’y aménager de nouveaux commerces et de favoriser la création d’activités urbaines, économiques et artistiques. Dans le quartier proche de  « Shapira », les vieilles bâtisses seront remplacées par de nouveaux logements. Le déblaiement permettra l’élargissement des espaces publics de 17 %. La municipalité a également investi des millions de shekels pour le développement du quartier de Névé Shaanan, situé à quelques minutes de la gare de bus. La redécouverte du  quartier voisin d’« Hatikvah », intéresse lui aussi les investisseurs, désireux de faire de cette zone délaissée, le nouveau Tel-Aviv de demain. Gageons que la Ville blanche de 2030 n’aura plus grand-chose à voir avec celle d’aujourd’hui.

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Sources: The jerusalem Post

http://www.jpost.com/Edition-fran%C3%A7aise/Israel/Tel-Aviv-a-les-yeux-tourn%C3%A9s-vers-le-futur-345011

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