[avatar user=”Myriam Edery” size=”thumbnail” align=”left” link=”https://rootsisrael.com/auteur/myriam-edery/” target=”_blank”]MYRIAM EDERY[/avatar]

C’est l’Euro non ? 

On peut parler en jargon « foot » ces jours-ci, sans passer pour une mah’boula et faire en sorte que tout le monde comprenne ton petit délire ?

Bon. Alors allons-y.


 

Israël / France : 3-1.

Il fut un temps, j’aurais diagnostiqué l’inverse. Pas folle à ce point- là tout de même.
J’aurais même parié avec mes bons vieux Francs des pré -années 2000 et misé un beau billet à la tête de Molière sur le score France/ Israël 3-1.
Seulement là, je me vais me raviser. Je vais temporiser, peser, sous-peser, tergiverser avec moi-même pendant des heures même, sur mon petit diagnostic.

Parions donc sur l’évolution globale d’Israël et le « Savoir-vivre » à l’Israélienne contre le « Savoir-vivre » à la Française.
C’est qu’on ne peut plus, raisonnablement, se positionner, en tant que Français (du haut de sa carte orange, de son abonnement Télérama et de sa table réservée chez Lipp des années 80) en « leader du savoir vivre » en Israël, dernièrement.

 

 

« Savoir-vivre ».

« Savoir » : Je sais, je connais, je lis, j’étudie, j’expérimente donc « Je sais ».

« Vivre » : Respirer à plein poumons chaque minute que je suis, chaque instant que « je sais ». Passer plus de temps éveillé qu’endormi dans une journée de 24 heures. Transpirer. Ne pas voir le temps passer. Se battre avec le vent, le soleil, la chaleur, la pluie. Etre debout. Mah shé lo Yihé*.

 « Savoir vivre » en Israël, c’est savoir combiner et accepter les forces d’attraction de ces deux états de fait en simultané et en puissance surdimensionnée.

  • C’est entrer dans une centrifugeuse et subir le chaos, le bruit, le mouvement effréné de cette machine frénétique.
  • C’est en sortir (dé)lavé de tes certitudes, de tes perceptions, de tes convictions.
  • C’est arriver dans ce pays en perpétuel mouvement, en changement incessant. En évolution continuelle et ascendante. En construction permanente.
    Trouver ta place, ton rythme. Entrer dans la danse. Emboiter le pas de cette « Hora »* endiablée, empoigner la main de ton partenaire déjà engagé dans cette ronde saccadée.
  •  C’est savoir que « vivre », c’est respirer d’un bon coup. Croquer dans la vie à pleine dents. Trébucher de ses deux pieds sur les trottoirs de Tel Aviv ou de Jérusalem. Echapper à l’ultime attaque de ceux que tu déranges. Et continuer.

 


 


Il fut un temps, lorsque tu débarquais en Israël depuis la France, tu battais Israël 3-1.

« 1 » parce que tout de même, tu ne pouvais pas dénigrer les progrès et les évolutions notables que tu croisais à chaque coin de rue, chaque « tzomet », chaque route, chaque arrêt.

« 3 » parce que tu savais que la route serait longue encore jusqu’à ce que l’équipe de David rivalise avec celle de Goliath qui arrivait avec toi à l’aéroport de Ben Gurion dans tes bagages, en VIP.

Oui. Quand tu arrivais de Paris tout pourri, formica et ringardos que c’était à l’époque dans les années 70 ou 80 en Israël, tu étais quand même et systématiquement catalogué « VIP » en arrivant en Israël.

Tu arrivais de « Hou’l*». Et pas n’importe quel « Hou’l », s’il-te-plaît : tu arrivais de « Parize, Tzarfat »*.

Il arrivait qu’on te demanda de ramener avec toi des mixers, des sèches cheveux et même des aspirateurs.

C’est pourquoi, même aux tirs au buts, tu assénais ce coup de grâce, presque malgré toi, à l’équipe Israélienne qui jouait face à toi, « à domicile », sans faire beaucoup d’efforts.


Seulement aujourd’hui, les choses ont bien changé.

 

  • Les centres commerciaux et autres supermarchés regorgent de marchandises, de produits, de services et autres trouvailles des quatre coins de la planète. Et ce, de 10h00 à 22h00.
  • Les Hôtels Boutiques, Zimmers et auberges n’ont plus rien à envier aux « Chambres d’hôtes », manoirs et autres domaines de France et de Navarre en terme de déco, de service et d’hospitalité hôtelière.
  • Si à Rome on te demande de « te comporter en Romain », les restaurants Italo-Israéliens ont (presque) dépassé les prouesses du personnel de feu Néron.
  • Les chocolats Deskalidès sont (presque) meilleurs en Israël qu’à Paris ou à Bruxelles. (Oui, c’est Belge, mais même).
  • Le Duty Free Richardson de l’aéroport international de Ben Gurion bat des records en promos sur les rouges à lèvres Mac, les parfums Yves Saint Laurent et le Cognac Martin, et ce, 24h/24.
  • Le Shekem (de l’Armée) sur Ivn Gvirol n’est plus qu’un vieux souvenir.
  • Sarona Market est imbattable sur le service et la qualité de ses produits (même en cas de tragédie …).

 

  • Les voitures sont toutes automatiques. Même celles que tu loues.

 

  • La grande verrière du théâtre Habima de Tel Aviv et son esplanade au jardin japonais te laisse pantois(e) à chaque fois que tu prends un crème au Café Landver de la place.

 

  • Tu peux faire tes courses au Superpharm tout en rechargeant ton Iphone sur ton caddie à presque toute heure du jour et de la nuit.

 

  • Voir Santana, Elton John, Beyoncé, Francis Huster ou les Rolling Stones en concert ou au théâtre en Israël n’est plus une exclusivité Parisienne.
  • Le show de ces icônes de la pop, du Rock et du Cinéma Français se révèle même être une expérience « inoubliable », aussi bien pour le public que pour les stars elles-mêmes.

 

  • Acheter ses capsules Nesspresso en Israël est un acte aussi banal qu’en France.

 

  • Tu surfes en Wifi sur le Safari de ton Iphone depuis le fin fond du désert du Néguev et peux ainsi continuer ta discussion sur Whatsapp avec ton meilleur copain à Paris et en Français.

 

  • Surplomber une ville (et l’horizon) depuis un 53ème étage n’est plus réservé aux cadres et avocats fiscalistes des sièges des grandes banques et officines du quartier de la Défense à Paris.

 

  • Te trémousser comme une folle à la plus grande Gay Pride de la méditerranée comme en plein carnaval de Rio au mois de Juin à Tel Aviv rappelle à tes copains restés à Paris qu’à Paris, il peut faire froid et pleuvoir au mois de Juin, oui oui. Que participer à ce genre de grande manifestation, à Paris, en 2016, est un acte d’héroïsme face aux vieux croutons des mouvements syndicaux entêtés et fidèles à leur poste depuis qu’ils se sont pris un pavé dans la tronche en 1968 sans jamais s’en remettre, que c’est un acte de résistance fort face à la menace terroriste niveau alerte vermeille depuis 2014 en France et à l’Islamisation rampante du pays de ton enfance.

 

  • Arpenter les trottoirs de Dizengoff, le Boulevard Rotshild ou les planches du Namal Tel Aviv en Louboutin ou en Huggs, en portant un Tee Shirt Abercrombie & Fitch et un sac Céline est le B-A BA vestimentaire de toute Tel Avivienne (surtout de Ramat Aviv, Ramat Hasharon, Savion ou Kfar Shmariaouh) qui se respecte.

 

  • Vivre, travailler, faire son shopping sous 16° Celsius à Tel Aviv en plein été n’est plus l’apanage de la Parisienne que tu étais : La Clim a envahi tous les espaces publics et privés où tu évolues en 2016 en Israël. Tu peux donc chopper un rhume à Tel Aviv en plein mois de Juillet « comme tout le monde ».

 

  • Les médias, sites, radios en lignes, chaînes télé (en direct ou en différé), en langue Française animé(e)s par des Français fraîchement arrivés en Israël se multiplient comme des petites halot* chaque jour que Dieu fait et même le journal Haaretz a son édition (magazine) en Français aujourd’hui !
    Le français est devenu la deuxième langue de certaines villes comme Tel Aviv, Raanana, Nathanya, Ashdod et même Ashkelon. Presque avant le Russe et bien après l’arabe ou l’anglais.  Que tu aies fais l’Oulpan Gordon ou que tu aies appris l’hébreu dans le 17ème à Paris avant de faire ton Alya, c’est pas bien grave. Les Israéliens adorent ton accent. Les Israéliennes en sont folles. Seuls ton banquier (et encore ! ils sont formés aux Kits spéciaux « Olé hadash de France ») et le préposé à la Arnona dans la ville où tu habites n’en ont rien à faire.

[La France perd de belles occasions de marquer des buts. Aïe. C’est presque la fin du match.]

 

Ton pari est en train de se concrétiser.

 

Ce n’était certes pas gagné, mais il semblerait qu’à coup d’embourgeoisement, d’ouverture d’esprit, de mégabites et de 4G planant dans le ciel d’Israël, le grand écart entre Parize et Tel Aviv se rétrécisse comme peau de pépite.
Pas un jour sans que tes potes ne sachent ce que tu fais « en temps réel » sur FB live et en Français, bien évidemment.
Pire ! Même ta mère peut intervenir en direct, au milieu de dizaines de commentaires « trop off » de tes fans FB, et te dire (enfin t’écrire) aux yeux de tous, qu’elle n’aime pas ta coupe de cheveux ou que tu as l’air fatigué (« mon fils, ma fille… tu es sûre que tu es bien « là-bas » ? vraiment ?? »).

 

Les joueurs Français ont beau courir après la baballe, faire des dribles de oufs, assurer en défense : je ne suis pas sûre qu’ils aient encore le match en main.

 

On se dirige vers le score : Israël/ France 3-1.
J’ai bien fait de sortir mon Isracard et de parier en ligne sur l’appli « Paris en ligne » développée par mon pote Israélien en bermuda/tong 24h/24 (même chez le banquier) après sa séance de surf au petit matin au Banana Beach – Dolphinarium Surf Club de Tel Aviv.

 

(Paris en ligne Pas « Parize »)

 

 


 

Petit lexique à usage de ceux qui ont du mal

  • « Mah shé lo Yihé »*. : Expression en hébreu. Littéralement : « quoi qu’il soit ». Plus symboliquement : « quoi qu’il arrive ».
  • « tzomet »* : Mot hébreu pour Carrefour, croisement. 
  • « Hou’l »* : En hébreu, diminutif de « Hout’z la Haaretz » : Littéralement : Hors du pays. Sémantiquement : « l’étranger ». Symboliquement : « Tout ce qui est en dehors des frontières jamais définies d’Israël et qui par définition fait rêver et fantasmer. Ca peut aller de la Jordanie, en passant par Paris, New York, Casablanca ou la Corée du Nord. Juste parce que c’est « à l’étranger », hors d’Israël. (Syndrome du besoin d’évasion typique de l’insulaire ou de l’enclavé géographique curieux, voyageur et ouvert sur le Monde).
  • « Parize, Tzarfat »* : de l’hébreu : Paris, France. Le S étant prononcé en hébreu sous forme de « Ze » juste parce qu’il est écrit.
  • « Hora »*  Encore besoin d’une traduction pour ce mot-là ? C’est que tu n’as jamais mis les pieds dans un mouvement de jeunesse ni dans un Kibboutz de ta vie un vendredi soir, ni entendu parlé de la troupe «  Adama » et es passé à côté du film/concept Rabbi Jacob.
  • «halot » : De l’hébreu : Pain de Shabbat au pluriel. Apparentable au mot Français : « petits pains ».

 

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