[avatar user=”Elisabeth Rozen” size=”thumbnail” align=”left” link=”file”]ELISABEtH ROZEN[/avatar]

Il y a encore quelques années, le Nord d’Israël, c’était pour moi une destination sympa où passer un week-end en tsimmer. Pas plus. Je m’extasiais sur les paysages verts et sur la beauté du pays, mais je trépignais le samedi soir pour rentrer retrouver ma ville fiévreuse et bien aimée: Tel Aviv. Son bruit, son énergie, sa vie débordante. Tel Aviv, je crois que j’aurais pu y passer ma vie, mais au lieu de ça j’y ai rencontré l’amour et j’y ai fondé une famille. Et c’est là que tout a commencé. Doucement mais sûrement, la ville a commencé à perdre de son attrait.

Avec un seul enfant, tout restait relativement facile. J’étais séduite par le côté “kids friendly” de la ville et j’en profitais sans vergogne, du bébé-nageur au Namal aux jardins fleuris d’Habima, en passant par les défilés de poussettes sur Rothschild. La ville toute entière me semblait peuplée de jeunes parents, qui continuaient tranquillement leurs vies de telavivim avec un leur bébé sur le dos. Le doute cependant s’insinuait: Tout ce qui m’avait tellement attirée dans la ville, son éclectisme, son énergie, son insouciance et sa liberté, tout cela collait un peu moins avec mon nouveau cadre de vie.

A la naissance de mon deuxième, la vie dans la Ville Blanche s’est encore un peu plus compliquée. Trop cher, trop petit, trop de bruit, trop de voitures, trop de folie … Mais je me suis accrochée, en amoureuse invétérée, j’ai casé mes gosses sur mon vélo, un devant et un derrière bien sanglés dans leurs sièges, et j’ai tenté de pousser les murs de notre trois pièces en continuant à chanter les louanges de ma ville bien aimée.

Mon cher mari avait de son côté un rêve de gosse: Vivre dans une maison perchée sur une colline, en Galilée. Et il commençait à en parler de plus en plus souvent. Le genre de rêve qui m’angoissait terriblement. “Moi? Vivre en haut d’une montagne? Loin de tout? Mais pour quoi faire? Ecoute mon chéri, je viens de Paris, j’ai fait mon Alyah, l’aventure de ma vie je la vis déjà, alors maintenant je ne bouge plus d’ici…. Et si jamais on DOIT bouger, alors pourquoi si loin?” Jusqu’au jour où, par amour (beaucoup) et pour le goût de l’aventure (un peu), j’ai cédé. On a passé un deal avec mon cher et tendre: un an d’essai, en Galilée. A lui de nous trouver le coin idéal pour notre petite famille (il est israélien, c’est sympa de se reposer sur lui de temps en temps). Il nous a dégotté une liste de yichouvim dans une très belle région de la basse Galilée: Misgav.

Et c’est comme ça que je me suis retrouvée un beau jour dans une maison avec un grand jardin et une vue de fou sur les collines, au beau milieu d’un Yichouv Kehilati (village communautaire). C’est un peu comme si on m’avait déposée dans un tsimmer en me disant: voilà, tu es arrivée, mais attention à Motse Chabbat, tu ne rentres pas chez toi: Maintenant, tu vis ici.

Et oh surprise, deux ans plus tard, j’ai l’impression d’avoir gagné au loto en tentant l’aventure et j’ai moi-même du mal à y croire mais je n’ai aucune envie de revenir vivre à Tel Aviv. Je vais essayer de vous expliquer pourquoi.

Avant tout, même si ce n’est pas ce qui m’a motivé pour bouger, le fait de vivre dans un endroit d’Israël où les yichouvims juifs sont une minorité alors qu’on est ici à l’intérieur des frontières du pays, n’est pas pour me déplaire. Et pour yom haHatsmaout, j’accroche mon drapeau bleu et blanc avec encore plus de fierté. Je me dis que notre présence dans cette région a un réel sens pour l’avenir du Pays.

Mais surtout, plus égoïstement, je l’avoue, la vie par ici est très chouette et beaucoup plus facile!

La vie dans la Nature

Evidemment c’est un facteur très important. Ce qui frappe quand on vit perché sur une colline c’est la proximité avec la nature. J’emmène mes enfants au gan avec les yeux scotchés sur les montagnes environnantes, les trajets quotidiens se font dans des paysages bibliques, bref, j’en prends plein les yeux, chaque jour, et pour l’instant je ne m’en suis pas lassée. Le calme qui règne ici est majestueux, naturel. J’ai passé les premiers jours allongée dans un hamac sous un olivier en écoutant le chant des oiseaux. En soirée, après le boulot, il suffit de quelques bougies, d’un verre de vin et d’une guitare pour se sentir arrivés au paradis.

La vie en communauté

La grande vraie surprise de ce changement de vie c’est celui là. On a choisi de vivre en yichouv kehilati, c’est-à-dire en village communautaire. Non, cela ne signifie pas habiter tous ensemble sous une tente enfumée par du narguilé. Ici, chacun a sa propre maison, avec sa vue sur les collines et la vallée.

Mais la vie quotidienne est gérée par la communauté, par le biais de comités où les gens se portent volontaires: sécurité, éducation, culture, etc…. Un conseil régional chapeaute l’ensemble des yichouvim de la région et assure les infrastructures. C’est très chouette de se sentir acteur de son environnement. Dans mon yichouv, on est environ 90 familles. Autant dire que tu connais rapidement tes voisins. Beaucoup viennent du Centre, comme nous, avec une envie de vivre autrement. On fait les fêtes ensemble. On s’entraide en cas de galère. Les gens sont là les uns pour les autres. Quand j’ai accouché de ma troisième en début d’année, par exemple, les gens du Yichouv m’ont apporté à tour de rôle des repas pour toute la famille pendant deux semaines. Pour m’aider et souhaiter la bienvenue à la petite. Très appréciable. Et c’est comme ça pour chaque nouvelle naissance. C’est comme si on offrait un cadre permettant à la bonté des gens de s’épanouir. Je pense que ce qui est le plus agréable pour moi c’est cette sensation d’appartenance. Le fait de vivre vraiment les uns à côté des autres, de voir nos gosses grandir ensemble, de saluer vingt personnes à la moindre balade dans le yichouv, et de savoir à peu près qui ils sont. Et j’adore le fait que ce soit à la carte. On peut choisir le degré d’implication dans la vie du yichouv selon l’envie. Un peu, beaucoup ou pas du tout, et personne ne viendra alors nous déranger.

La vie autrement

Moi qui m’imaginais être une citadine jusqu’au bout des ongles, j’ai compris, je crois, au fil des mois, que la fièvre de Tel Aviv de laquelle j’étais tellement dépendante n’était pas vraiment la mienne, et que faire taire ce bruit continu laissait la place à d’autres choses très jolies également. Je n’ai plus d’AMPM en bas de l’appartement où faire une course à minuit, d’ailleurs je n’ai même pas de makolet à moins de 10 km, mais j’ai appris à faire du pain, et même des sushis (oui, on a rapidement compris qu’on pouvait oublier les livraisons). On mange –beaucoup- moins au restau, mais on fait –beaucoup- plus de tyoulim. On prend le temps de se poser, de cuisiner, de faire pousser des fruits dans le jardin…de vivre quoi. La proximité avec les autres est également une petite révolution. Moi qui pensait que la solitude faisait partie du package, j’ai rencontré avec un grand plaisir –et très facilement- de nouvelles personnes, très chouettes, qui sont rapidement devenues des proches.

Pour conclure, je ne pense pas que ce mode de vie m’aurait convenu lorsque j’ai débarqué en Israël, et je ne suis pas non plus certaine qu’il me conviendra dans quelques années… mais voilà, je voulais apporter mon témoignage à ceux qui ont des envies d’ailleurs sans savoir si c’est possible ici en Israël. La réponse est oui! Il y en a vraiment pour tous les goûts dans notre petit pays aux mille facettes.

Aujourd’hui quand je reviens à Tel Aviv, c’est toujours avec beaucoup de plaisir. Je retrouve ma ville de cœur le temps d’un week-end, je me fonds dans son anonymat (tout relatif) et je cours de droite à gauche en profiter au maximum, mais le samedi soir, c’est avec un grand plaisir que je reprends la voiture en direction du Nord … impatiente de retrouver mes douces montagnes de Galilée.

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