Quand on prépare son Alyah, on jette encore plus de choses qu’après une rupture avec son mec. 
On fait du tri pour savoir ce qu’on garde, ce qu’on balance, ce qu’on donne, ce qu’on vend. Meubles, fringues, ustensiles, pantoufles en forme de Gros Minet (ne me faites pas croire que je suis la seule à en avoir) (je vous vois).
Mais s’il y a bien une chose dont il est difficile de se débarrasser, c’est de son appartement. Comme mon propriétaire comptait sur moi pour trouver un remplaçant, j’ai donc rédigé une petite annonce que j’ai diffusée sur Facebook en mode public pour toucher un maximum de monde et ainsi mettre toutes les chances de mon côté.

Contre toute attente, la publication de cette annonce a été un succès encore plus énorme que le dernier concert de Johnny Hallyday au Stade de France. 33 Likes, 38 commentaires, 14 partages, 22 messages privés, 4 nouveaux amis, des coups de fil en pagaille, des promesses de cadeaux, de produits de beauté, des bonbons et une demande en mariage, mais bon ça, ça n’a rien à voir.

Faire un choix parmi toutes ces candidatures étant aussi dur que d’ouvrir un paquet de noix de cajou et n’en manger qu’une seule. J’ai dû m’armer d’une sacrée dose de sang-froid et d’objectivité sans laquelle j’aurais dit oui à tout le monde et aurais été à la tête d’une véritable arche de Noya humaine contemporaine. Ceci étant, le concept aurait pu fonctionner (Darren Aronofsky, si tu m’entends, je suis joignable sur ma ligne privée).

Les potentiels nouveaux locataires, en tant qu’êtres doués de raison et, accessoirement prêts à tout pour habiter dans ma future ex humble demeure, ont su se montrer très engageants, persuasifs et gentils avec moi, limite trop. Mais le sucre rose et les bons sentiments qui collent ne me dérangent pas, j’en fabrique moi-même des quantités industrielles tous les jours. Non, ce qui m’a frappée et étonnée, c’est que tous ces gens, des Français non juifs (comprendre biberonnés aux opinions très “subjectives” des médias hexagonaux) – se sont montrés soudainement hyper sionistes. Une drôle de surprise à laquelle je ne m’attendais pas. Je pensais lire des réactions plutôt négatives concernant mon choix de destination, qu’on me dirait « Ah bon ? Mais c’est dangereux ! », « T’as pas peur, c’est la guerre, là-bas ! », « Tu vas faire l’armée et massacrer toi aussi du Palestinien ? » ou « Tu es folle de faire ça ». Mais non.

Une ancienne collègue de travail qui, après un « Wahou ! » qui veut tout dire, m’a affirmé qu’elle avait peur devant « la montée des délires anti-juifs » en France, que c’est « effrayant et très blessant » et qu’elle « espère vraiment que tout ça va s’apaiser ». C’est touchant, c’est mignon. Mais elle ne partira pas avec moi pour autant. D’ailleurs, je viens de voir qu’elle a finalement trouvé un appartement.

Un pote de pote s’est montré encore plus enthousiaste que Patrick Sébastien avec un contorsionniste pékinois dans Le Plus Grand Cabaret du Monde. Dans ses messages, c’était une avalanche de « Cool », de « Oh la la la » et de phrases copieusement arrosées de points d’exclamation. En fait, il a confondu Alyah à Jérusalem et Gay Pride à Tel Aviv. Mais c’était rigolo. À la fin, il m’a même dit « Bisous bisous neshikot ».

Un ex-camarade de promo a été moins gai mais pas moins compréhensif et un poil alarmiste, me disant « J’ai des contacts sympas si tu le souhaites en Israël », « Mes parents y sont allés récemment », « Tu me donnes envie de repartir de France », « C’est le Frankistan aussi » et « Je vois tout, t’inquiète, je connais les mentalités étriquées et le conditionnement par la peur ». J’ai pris un Prozac après avoir fini avec lui.

Tout ça pour quoi ? Pour que je retienne finalement le dossier du meilleur pote du mec de ma sœur qui est vraiment dans la galère. Car comme le disait la pub pour Magnum : La vie est une question de priorités.


Auteur : Noya

Avant, j’étais parisienne et je m’appelais Laëtitia, mais ça, c’était avant. Si je viens vivre en Israël, ce n’est pas pour le jus de mangue et la limonana, c’est parce que mon coeur et ma tête me le dictent. Et pour une fois que ces deux-là sont d’accord, je ne pouvais décemment pas laisser passer l’occasion.

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