Les Juifs contrôlent le monde… Mais ne savent pas se contrôler entre eux. Les Juifs contrôlent le monde, dit-on. Ce serait sympa. On pourrait, par exemple, transformer tous les MacDo et les rendre tous Cacher ; et on se ferait une orgie d’hamburgers. Mais hélas, les Juifs ne contrôlent pas le monde.

Pire que ça, les Juifs ne contrôlent même pas qui est Juif, et ce que Juif veut dire. Enfin si, tout le monde essaie, mais nous ne sommes visiblement pas très doués. La preuve, il y a tellement de types de Juifs différents, qu’il faut qu’on vous fasse une liste.

Pour commencer, les Juifs se divisent entre Ashkénazes et SépharadesLes premiers, issus d’Europe Centrale et Orientale, et les seconds de l’Espagne (à la base) et des pays arabes (ensuite). Au milieu, comme une botte plantée dans le continent, l’Italie : les Juifs italiens, en effet, ne sont ni Aské ni Sef, car ils ont développé leur propre rituel à eux, étant donné qu’ils se trouvent dans la terre des pâtes depuis plus longtemps que les pâtes mêmes (deux mille ans, jour plus jour moins). Sinon, il y a aussi les Juifs Ethiopiens, ainsi que les Juifs Indiens (Cochin, Bnei Israel, Bnei Menashe, Bnei Ephraim, et d’autres), les Juifs Chinois (Kaifeng) et les Juifs de partout ailleurs. Mais au delà de toutes ces différences ethniques, chez les Juifs on n’est pas d’accord sur la pratique non plus.

En effet, il y a pas mal de courants différents du Judaïsme, et il n’est pas du tout simple de trancher entre l’une et l’autre. Essayons quand même de faire un peu d’ordre :

– Les Ultra-orthodoxes : ceux qui ont l’air vraiment très juif. Genre, habillés en noir avec chapeau Borsalino (ou en fourrure) les mecs, habillés pour aller au ski même en été avec perruque et/ou cheveux couverts (parfois c’est la perruque même qui est couverte pour ne pas créer de doutes). Ils sont très, très croyants et font en sorte que toute leur vie tourne autour de la Torah et de ses preceptes. Certains d’entre eux ne reconnaissent pas Israël car ils voudraient que ce soit le Messie qui nous ramène à la terre de nos ancêtres, mais il ne faut pas généraliser: même à l’intérieur de ce courant, il y a des sous-courants.

– Les Orthodoxes: ce sont la version light de la catégorie précédente. Ils sont croyants mais ne souhaitent pas s’isoler du reste du monde. En Israël ou ailleurs, on les reconnait par une kippa au crochet coloré et des habits modernes mais couvrants, cheveux inclus pour les femmes (mariées). Leur vie est généralement un mélange de religion et de modernité: ils suivent rigoureusement les préceptes mais trouvent la manière de le faire tout en ne renonçant pas au monde occidental.

– Les Massortis: les traditionalistes. Ils suivent quelques préceptes, pas tous et pratiquement jamais les mêmes. Alors on vous raconte pas la galère pour trouver deux Massortis qui font exactement les mêmes choses. Il y en a qui vont à la syna pendant Shabbat, mais en voiture. Il y en a d’autres qui ne mangeront pas de viande non-cacher, mais mangeront quand-même des plats cuisinés dans un restaurant non-cacher. D’autres encore ne mangeront pas de produits lévités pendant Pessah, mais n’éviteront pas les crevettes. Bref, c’est un peu chacun à sa sauce, chacun dans le respect de ce que lui parait important.

– Les Reformés: courant assez récent né en Europe à la fin du XIXème siècle, il est, aujourd’hui, surtout répandu aux Etats-Unis où plus de la moitié des Juifs se définissent réformés; il y en a de plus en plus en Europe aussi.

1/ Première grosse différence avec les courants vus jusque là: les Réformés considèrent que même un enfant né de père juif et de mère non-juive est juif.

2/ Deuxième: les mariages mixtes (juif avec non-juif) ne sont pas interdits.

3/ Troisième: les femmes peuvent faire tout ce que font les hommes (rabbinat inclus).

4/ Quatrième: l’homosexualité est acceptée et même les mariages homosexuels sont célébrés.

Bref, les Réformés sont très libéraux (certains diraient “trop”), et reste à voir comment ce courant évoluera dans le temps. Pour l’instant, le coté orthodoxe et le coté réformé ne se voient pas trop de bon oeil, et les Traditionnalistes au milieux font un peu de trait d’union entre les deux. Les” Transdenominationals” – ceux qui refusent une étiquette. Ils voient leur Judaïsme comme un mélange des différents facteurs de tous les courants, et ne souhaitent pas être définis par une seule dénomination.

Il y en a surtout aux États-Unis mais pas seulement.

– Les Reconstuctionnistes :  c’est le courant juif le plus tardivement créé et aussi celui qui compte le moins d’adhérents. Fondé en 1968 aux États-Unis par le rabbin Mordechai Kaplan et Ira Eisenstein, le mouvement reconstructionniste définit le judaïsme comme la culture religieuse en constante évolution du peuple juif. Le Divin est toujours présent dans le cœur humain et il est à l’origine du désir d’accomplissement spirituel et moral, se concrétisant dans les processus qui y mènent. A la différence des autres courants, différentes représentations de la divinité sont acceptables, ce qui rend ce courant assez inacceptable à son tour aux autres juifs.

Les “hozrei bitshouva” – ceux qui étaient laïcs et sont devenus religieux. Souvent très religieux, voire TRÈS réligieux. Ils ont trouvé la foi et essaient de la vivre jusqu’au bout, ce qui les rend normalement très strictes dans la pratique (et parfois un peu intolérants envers ceux qui n’ont pas fait leur parcours, mais sans généraliser).

– Les “Datlashim” – l’inverse des Hozrei Bitshouva. Ceux qui étaient religieux (voire TRÈS réligieux) et ont abandonné la pratique. Les Datlashim se caractérisent dans la plupart des cas par une incohérence systématique, car ils n’arrivent quand même pas à TOUT TOUT abandonner. Genre un Datlash pourrait mettre ses Tefillin avant de manger ses oeufs au bacon au petit dej. Un autre pourrait ne rien faire toute l’année, mais se rendre quand même à la syna pour Kippour.

Bref, il y a quelque chose qui les fait ressembler aux Massortis, sauf que les Datlashim normalement méprisent un peu la religion et les religieux (ici aussi, sans généraliser quand même).

– Les feministes – il y en a un peu dans tous les courants, demandant plus de droits pour les femmes que ce soit à l’intérieur du cadre de la loi religieuse, ou à l’extérieur. Les Femmes du Mur en Israël sont un exemple parfait de mouvement féministe qui regroupe tous les courants juifs à son intérieur.

Cela dit, n’oubliez pas que pour deux Juifs il y a trois opinions: même à l’intérieur de ces courants, il est difficile de trouver deux Juifs qui soient d’accord sur tout. Ce qui rend la vie d’un Juif très riche en polémique et discussions. C’est d’ailleurs pour ça que nous n’avons pas le temps de dominer le monde, et que les MacDo resteront non-Cacher omnia secula seculorum.

Si vous voulez vraiment un hamburger, soit vous venez en Israël et vous allez dans un resto Cacher, soit vous choisissez un courant qui vous permette de manger non-Cacher tout en gardant votre bonne conscience. Allez, vous n’avez qu’à faire du shopping religieux!

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