[avatar user=”Nissim” size=”thumbnail” align=”left”]Nissim Sellam[/avatar]

Oui, c’est à toi que je m’adresse aujourd’hui. Toi que chez nous, nous appelons Goy. Je sais parfois qu’il peut t’arriver de mal le prendre.

Tu n’aimes pas ce terme, pour toi il est péjoratif, mais sache que pour nous, le mot Goy signifie Peuple ou Nation. Les Goyims sont les peuples et les nations, ils sont l’humanité toute entière dont nous faisons tous partie, et je ne veux pas que tu penses qu’en t’appelant ainsi je me sens supérieur à toi. Je ne le suis pas. Ceux qui t’ont laissé penser ça, les pauvres, n’ont rien compris.

A l’heure ou je t’écris je suis en Israël à Tel-Aviv. Il y a quatre ans que j’ai fais mon “Alyah”.

Juif Français, j’ai quitté la terre ou je suis né, la maison de mon père. Pourtant jusqu’à ce jour, je me suis toujours autant senti français que juif, autant juif que français, l’un n’allait pas sans l’autre, et à juste titre car il n’y a jamais eu en moi de concurrence entre ces deux identités. Je dis bien en moi. Car durant les dernières années de ma vie en France, j’ai justement ressenti que d’autres faisaient cette distinction à ma place. J’ai eu le sentiment que la France, qui m’avait jusque la considéré comme n’importe quel citoyen, n’était plus en mesure de garantir ma liberté de penser, de respirer et d’exister, en tant que juif français. C’est à ce moment que j’ai compris à mon tour ce que 70 ans auparavant mes grands parents avaient pu ressentir, à une époque ou la France avait choisi de dénoncer, de brimer, puis de déporter d’autres Français sous prétexte qu’ils n’étaient pas des “Goyims”.

Parfois nous les juifs, on vous gonfle avec notre Shoah, comme si nous avions été les seuls à souffrir, mais en réalité la mémoire de la Shoah n’est pas seulement notre propriété, elle t’appartient aussi. La Shoah c’est le drame de l’humanité toute entière, au même titre que le génocide arménien ou rwandais, elle n’est pas moins à toi qu’à moi.

WeArtNY (un projet artistique qui met en lumière les derniers gardiens de la Mémoire) est le reflet de ce sentiment. En cette journée internationale de la Shoah 2014, voici quelques photos de personnes qui auraient pu être tes grands parents aujourd’hui,  et qui parce qu’ils ont survécu, me permettent à moi de t’écrire et à toi de me lire.

Bien à toi.

Nissim Sellam, un Juif Libre

 


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Moshé, Juif de Salonique. Il a survécu à Auschwitz. Il a passé toute sa vie à raconter et à transmettre son histoire et ce qu’il a vécu dans les camps de la Mort. “Jew suis un Phénix” est l’idée exacte qu’il se fait du but de son existence depuis l’après-guerre.

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Gabriel, enfant caché pendant la guerre. Il a raconté à WeartNY toutes ses années pendant lesquelles il n’a cessé de se terrer…jusqu’à pouvoir enfin voir le jour librement. Cependant, lors de son interview, il raconte comment même après la Shoah, il a du user à plusieurs reprises de ses poings pour se défendre de l’antisémitisme…

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Lutek, enfant il a survécu au Dr. Mengélé. Une infime partie de son histoire est racontée dans le film “la liste de Schindler”. Il n’a cessé de vivre les années d’après guerre jusqu’à aujourd’hui avec épicurisme et légèreté. Le doigt d’honneur sur la photo exprime pour lui une idée simple : “Je suis toujours là, et je t’emmerde”…

 

 

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