Le vidéo-projecteur s’allume. Sur le mur blanc face à nous apparaît Ariel Sharon, assis à son bureau, drapeau d’Israël à la gauche de l’écran. Calmement, il commence son discours et il prononce ces quelques mots restés dans l’histoire.

“J’ai un rêve. Que chaque juif du monde entier passe une période de sa vie en Israël”.

Fin juin 2005. Paris, dans les locaux du Cercle Bernard Lazare. La totalité des mouvements de jeunesse juifs est réunie pour la soirée de lancement du programme Massa de l’Agence juive qui vise à permettre aux jeunes juifs d’avoir une expérience de quelques mois en Israël.

Près de neuf années ont passé et ces mots d’Ariel Sharon résonnent encore dans ma tête.

Ariel, Arik comme on t’appelle ici en Israël, je ne t’ai jamais rencontré, je ne t’ai jamais serré la main, jamais adressé la parole. Et pourtant, tu me manques.Tu as été detesté, adulé, décrié, salué à travers le monde. Peu importe. Tu me manques.

Je ne parle pas de politique. Je ne parle pas de tes décisions militaires. Je ne parle pas du retrait de Gaza.

Tu manques au juif sioniste de diaspora que j’étais. Les années 2000 étaient des années de sang en Israël et des années de record d’antisémitisme en Europe. Je me souviens d’un sentiment de solitude atrocement douloureux et pesant. Un sentiment que les autorités françaises veulent aider mais n’y parviennent pas. Un sentiment d’abandon aussi, parfois, de la part des corps enseignant à l’école. Un sentiment que ceux qui ne sont pas concernés par nos problèmes ne peuvent pas les comprendre et y sont, finalement, indifférents. Un sentiment de solitude face aux images d’attentats dans les rues de Jérusalem.

Et puis il y avait toi Arik. Toi qui en juillet 2004 a prononcé un discours dans lequel tu appelais tes “frères juifs de France à venir se réfugier en Israël”. Quel scandale. Je me souviens du CRIF dans l’embarras, de Jacques Chirac furieux qui te déclara persona non grata, de Plantu qui se moqua de ton discours dans un dessin…

Certains y ont vu de l’opportunisme de ta part, une gaffe diplomatique. J’y ai vu le discours d’un homme sioniste soucieux de l’avenir du peuple juif.

Aujourd’hui tu as fini par nous quitter et je n’ai jamais pu te rencontrer.

Si avant que tu ne respires tes dernières bouffées d’air, si avant que ton coeur ne cesse de battre j’avais pu te souffler à l’oreille ne serait-ce qu’un seul mot je t’aurais dit : merci.

Merci Arik d’avoir combattu toute ta vie pour le rêve sioniste. Ce rêve d’un Etat juif indépendant.

Ton rêve est le nôtre. Celui de milliers de jeunes qui ont fait le choix de venir vivre ici, en Israël et qui aujourd’hui pleurent la disparition d’un des pères de la nation israélienne.

Je n’oublierai jamais tes mots : “je suis d’abord juif, ensuite israélien”. 

Repose en paix. 

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