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Le lundi 15 septembre, au Quai d’Orsay, s’est ouverte une conférence regroupant une trentaine d’Etats, sur la situation en Irak.

Cette conférence, co-présidée par François Hollande et Fouad Massoum, le président irakien, a débuté, au matin, pratiquement en même temps que les vols de reconnaissance de l’Armée de l’Air.

Depuis le 8 août dernier, les Etats-Unis attaquent les forces djihadistes de l’Etat Islamique (EI) en Irak, aussi par les airs. L’armée française a, quant à elle, déjà envoyé du matériel militaire aux forces kurdes (et certainement des forces spéciales, comme l’évoque un reportage de Vice News, disponible sur youtube), et ce, dès les premières semaines de l’offensive de Daech (acronyme de l’EI en arabe).

Que tu suives les médias israéliens en hébreu ou en français, tu as appris la semaine dernière que B. Netanyahu allait participer à l’effort international contre Daech. Espérons que cela ne concerne que les activités de cet organisation en Syrie.

Des experts du dimanche pourraient penser que puisque Daech est présent en Syrie et en Irak, il faut le combattre partout où il se trouve. Je pense qu’ils ont tort, et je vais essayer  de te le démontrer, à toi, mon ami lecteur.


La situation syrienne.

En Syrie, s’affrontent les forces gouvernementales soutenues par le Hezbollah, aidées par des «conseillers militaires» iraniens, pour reprendre une expression du Grand Satan au début de la guerre du Vietnam, d’une part, contre, d’autre part, l’Armée Syrienne Libre (ASL) et Daech.

Concernant les Syriens ayant fui leur pays depuis le début de la révolution, on estime qu’ils sont plusieurs centaines de milliers: les pro-Assad se sont réfugiés au Liban; quant à ceux qui ne de kiffaient pas trop de se faire bombarder à l’arme chimique, ils ont pris la direction de la Turquie, pour la plupart.

Les civils Syriens qui sont restés, par conviction, ou parce qu’il leur a été impossible de s’en aller, sont des chiites et des allaouites, dont fait partie le clan Assad. Sont aussi restés des chrétiens et des sunnites baasistes, relativement laïcs, mais surtout corrompus jusqu’à la moelle par la dictature mise en place par le père de l’ex-ophtalmo londonien.

Tous ceux-là, soutiennent majoritairement le régime, sans oublier des Druzes n’ayant pas trouvé refuge en Israël et encore fidèles à leur chef d’Etat.

Parmi les civils qui sont restés, on compte des sunnites traditionalistes, voire laïcs, qui bien que non-combattants, soutiennent la révolution. Les autres pensent que le meilleur Etat possible doit être le califat.

Dans tout cela, je ne mentionne pas les kurdes et à peine le Liban…

Le rapport avec l’Irak?


En Irak.

«L’Irak est perdu. C’est l’Iran qui l’a gagné».

C’est sur cette phrase que s’ouvre le deuxième chapitre de «Iran: l’irrésistible ascension» (Folio documents, 2008), le livre de Robert Baer, ancien chef de région de la CIA au Moyen-Orient, aujourd’hui journaliste spécialisé de cette région pour le Washington Post et le Wall Street Journal, notamment.

Au Nord, c’était pas les corons, mais bien les Peshmergas kurdes qui contrôlent leur région et qui, en échange d’une vraie autonomie, ont accepté de demeurer Irakiens.

Sinon, hormis les tribus sunnites, la majorité de la population est de confession chiite. Les minorités yazidies et chrétiennes sont prises, elles, entre le marteau et l’enclume.

Ainsi, dès la chute de Sadam, quand les guerres interconfessionnelles ont éclaté, les Américains ont du faire appel à la médiation iranienne pour rétablir un semblant d’ordre interne. Cette médiation a débouché sur la main-mise de la République Islamique sur l’Irak.

Il y a deux semaines, Daech a été stoppé à quelques kilomètres de Bagdad, et aujourd’hui, les combattants djihadistes continuent de reculer en Irak, mais défendent âprement leurs positions. Contre qui?

Si l’on fait abstraction du Kurdistan irakien, littéralement coupé du reste du pays, il faut bien reconnaître que ce ne sont pas des soldats issus des tribus sunnites, beaucoup trop versatiles dans leurs successives allégeances depuis l’invasion il y a 10 ans, mais des troupes chiites soutenues par d’autres venues tout droit d’Iran, qui font reculer Daech.

Ce lundi, comme le rapporte le journal Le Monde, le vice-ministre des affaires étrangères iranien M. Amir-Abdollahian a déclaré: «La République islamique d’Iran n’attendra aucune coalition internationale pour lutter contre le terrorisme et fera son devoir», en précisant que la guerre contre le terrorisme devait passer par un renforcement des gouvernements irakiens et syriens.


Le jeu de l’Iran.

L’Iran n’a pas été conviée à cette conférence pour la paix et la sécurité en Irak. Et pour cause, cela aurait ruiné toute la communication des politiciens occidentaux autour de ce sommet international qui tente de camoufler à l’opinion ce qu’il en est vraiment.

T’inquiètes, ce n’est pas une théorie conspirationniste.

Comme d’habitude en relations internationales, il s’agit de mettre bout à bout les pièces d’un puzzle géant.

Tout d’abord, nous voyons que Daech, dont le but est d’étendre son califat, combat surtout des alliés (certains diraient les marionnettes) du régime iranien.

Ensuite, tout démocrate digne de ce nom s’émouvrait à juste titre devant le sort réservé à l’ASL et aux Kurdes, sans parler de toutes les victimes innocentes dont les minorités persécutées.

Une autre pièce majeure de ce puzzle: cette taqqya (la dissimulation, le mensonge)  que même Tariq Ramadan ne nie pas dans la pratique chiite. On peut alors mieux comprendre cette dépêche du Figaro qui rapporte que les Etats-Unis ne coordonneront pas leur intervention en Irak avec les Iraniens, mais que la conversation diplomatique continuera dans le cadre des futures négociations sur le nucléaire iranien.

Après avoir lu dans l’article du Monde, mentionné plus haut, les propos de M. Massoum où il avoue que des soldats iraniens combattent depuis les premiers jours de l’offensive de Daech en Irak, on peut se demander si les déclarations tonitruantes d’Ali Khamenei contre les Américains et leurs alliés, n’ont pas pour but de brouiller les pistes, tout comme l’absence de l’Iran à la conférence internationale de Paris.

Intervenir en Irak, tu as compris où je voulais en venir, c’est fournir à l’Iran et à sa politique régionale les moyens technologiques militaires nécessaires afin de soutenir ses troupes au sol. En d’autres termes, les avions et les drones occidentaux protègent le pré-carré iranien en Irak, dans l’espoir de convaincre les ayatollahs de renoncer à l’arme nucléaire.

Parfois, il faudrait écouter Tariq… Mais ce n’est que mon humble avis.

 

L’intérêt des Occidentaux.

Il est simple et double; négocier avec l’Iran une sortie de crise en consacrant son empire diplomatico-militaire qui englobe le Liban, la Syrie et l’Irak, tout en détournant l’attention de l’opinion plongée dans une crise qui est devenue existentielle en Europe.

Une précision: avec la situation ukrainienne, il est certain, que le gaz iranien est plus que bienvenu pour les Européens, d’où la nécessité de reprendre des contacts cordiaux avec Téhéran.

Ce faisant, il est évident que cette pseudo-stratégie immole les démocrates syriens sur l’autel de la stupidité, tout comme elle abandonne les Kurdes à la tutelle iranienne en Irak en empêchant toute possibilité de création d’un Etat kurde indépendant.

Je sais aussi que tu n’as pas oublié les minorités, qui, pour survivre, devront toujours endurer un statut d’infériorité sociale, notamment les chrétiens abandonnés des occidentaux.

C’est alors que je pose cette question, presque ingénue: pourquoi intervenir en Irak dans ces conditions? Ne pouvions-nous pas nous concentrer sur le seul Kurdistan? Une aide humanitaire, militaire et diplomatique ne leur aurait pas été bénéfique si elle venait de pays démocratiques?

Aucune chancellerie occidentale, manifestement, n’avait pris en compte la possibilité que le fondamentalisme sunnite allait se tourner contre le fondamentalisme chiite. Maintenant que cela arrive, nous faisons l’erreur de prendre partie pour l’un des deux, au lieu de les laisser se neutraliser.


Et Israël dans tout ça?

La montée en puissance de Daech implique une triple menace pour Israël; sur la frontière libanaise, le Hezbollah annonce son intention de se rappeler aux bons souvenirs de la population israélienne; le long de la frontière syrienne, les islamistes de Daech ne peuvent se priver du plaisir de projeter des missiles sur le Golan. Au Sud, des groupes nouvellement affiliés à Daech, eux, non plus, ne peuvent passer à côté de l’opportunité de tuer quelques Israéliens.

Mais, objectivement, le Hezbollah et Daech sont en pleine guerre. Ils n’ont pas le temps, ni l’envie immédiate de mêler Israël à leur conflit. D’ailleurs, même s’ils faisaient le mauvais calcul de reproduire les conditions de la guerre civile au Liban, ils se heurteraient à un  gouvernement israélien ayant déjà tiré les enseignements de la guerre de 1982 et de l’occupation du Liban-Sud, sans parler de l’opération de 2006.

Dans le Sinaï, Israël est obligé de compter sur la collaboration des autorités égyptiennes pour neutraliser les islamistes, ce qui ne devrait pas poser de problème particulier.

Israël doit donc se borner à sécuriser ses frontières; l’aviation et l’artillerie seront suffisantes, ainsi que des unités spécialisées contre les infiltrations, notamment par des tunnels, d’où qu’elles proviennent.

Il est temps qu’Israël mette ses alliés objectifs occidentaux devant leur responsabilité, puisqu’ils ne peuvent s’empêcher de donner des leçons de démocratie et d’humanisme à Jérusalem, pardon, Tel-Aviv.

Les Occidentaux auraient pu faire la démonstration de leur méthode plus «proportionnée» et plus «humaine» afin de protéger les démocrates syriens qui combattent pour leur liberté, et de réduire à néant l’influence de l’Iran et de Daech sur le Liban et la Syrie.

De plus, un Kurdistan indépendant aurait permis de mettre la Turquie face à ses responsabilités en tant que membre de l’OTAN, tout en limitant la sphère d’influence iranienne. Ainsi, les Occidentaux auraient été en position de force pour les négociations sur le nucléaire. Cette menace et ses implications sont beaucoup plus dangereuses que l’EI.

Les Etats occidentaux ont choisi de concentrer leur intervention en Irak, et non dans la zone Liban, Syrie, Turquie, Kurdistan, en cela, ils ont démontré leur ignorance crasse du Proche et Moyen-Orient. Ils ont ainsi préféré les ayatollahs aux démocrates et aux persécutés.

A Israël d’éviter ce piège iranien.

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