Il était une fois, il y a quelques milliers d’années, une terre peuplée par des gens un peu chiants, mais bien: les Juifs.

Cette terre s’appelait Israël, et la Bible raconte que des fleuves de lait et de miel y coulaient; cela rendait le processus de la lessive un peu compliqué, car enlever des tâches en rinçant les vêtements dans le lait et dans le miel, vous conviendrez, ce n’est pas simple.

Cependant, comme nous le savons tous, l’herbe du voisin est toujours plus verte et dans le cas d’Israël c’était le lait qui était plus blanc et le miel qui était plus mielleux. Du coup, il y avait plein de monde qui convoitait cette terre parce qu’à l’époque, ce n’était pas du tout à la mode d’être bronzé comme un poulet rôti (ou comme un Français à Tel Aviv le mois d’Août); à l’époque la mode c’était la peau blanche et quoi de mieux que de se baigner dans le lait?

Voilà que tous ceux qui étaient en mesure de mettre ensemble une armée et venir se battre contre les Juifs, mirent ensemble une armée et vinrent se battre contre les Juifs. Or, le lait et le miel ça fait du bien, mais même si tous les Juifs étaient tombés dans une marmite de lait et de miel quand ils étaient petits, franchement, ça n’auraient pas suffi à les rendre invincibles. Et c’est comme ça que, après une douzaine de siècles (siècle plus, siècle moins) de Royaume d’Israël où les Juifs vivaient tranquillement et buvaient paisiblement du lait et  mangeaient insouciants du miel chez eux, une de ces armées arriva à conquérir cette belle terre, faire déloger les Juifs et constater avec regret qu’en réalité, le lait ne blanchit pas vraiment la peau.

C’est de cette manière que la Diaspora Juive commença, et avec elle toute la souffrance (bien connue d’ailleurs) du Peuple Juif: deux milles ans de Guefilte Fish.

Du Guefilte Fish pendant Chabat, du Guefilte Fish pendant Pessah, du Guefilte Fish pendant Rosh Hashana, et pour certains même après Kippour (alors que l’expiation de ses péchés, normalement, c’est avant Kippour et non pas après). Du Guefilte Fish partout et à tout moment.

 

*** A ce point de l’histoire il faut spécifier qu’il y avait aussi des Juifs qui mangeaient du couscous, c’est vrai. Mais vous comprenez bien que quand on parle de Juifs avec des Francophones, c’est toujours des Séfarades dont on parle et nous sommes contre toute forme de racisme et discrimination. Pour cette raison, dans cette histoire qui est notre version à nous, comme le titre le dit si bien, nous parlons de Guefilte Fish et non pas de couscous, et si ça ne vous plait pas, vous faites votre propre site, d’accord? Oh. ***

 

Deux milles ans de Guefilte Fish, nous disions, ce n’est pas simple. Il y en a qui font une crise cardiaque rien qu’à en voir un sur la table une fois tous les dix ans (ce sont les mangeurs de couscous, d’ailleurs, mais nous avons dit que nous ne parlons pas d’eux dans cet article), alors deux milles ans, c’est beaucoup. Il est important que vous compreniez ce facteur, car là réside toute la motivation du Peuple Juif de retourner en Terre d’Israël: l’espoir c’était, en priant tous les ans à Pessah “l’année prochaine à Jérusalem”, qu’en revenant dans notre terre nous cesserions finalement de nous gaver de carpes farcies. Nous croyions que nous retrouverions le lait et le miel.

Et c’est là qu’on s’est fait avoir.

Car cher lecteur, le Guefilte Fish est toujours là, et il est partout. Non seulement ça, mais le réchauffement climatique a fait que les fleuves de lait ont évaporé, et que les chameaux israéliens se sont nourris en léchant tout le miel qui restait. Du coup en 1948, quand le moderne Etat d’Israël a été déclaré, c’est en lançant en l’air des boulettes de Guefilte Fish que les Juifs ont célébré le retour à leur terre après deux milles ans de Diaspora.

Mis à part ce côté un peu décevant de l’histoire, nous souhaitons quand même attirer votre attention vers ce qui peut vraiment être appelé, d’un point de vue historique et anthropologique, un vrai coup de théâtre: avez-vous jamais entendu parler d’un autre peuple qui aurait attendu deux milles ans (DEUX MILLES ANS!) pour retourner chez lui? Deux milles ans de persécutions, de difficultés, de déplacements constants, d’interdictions de pogroms d’inquisition de shoah d’intolérance de shtettl d’autodafé de conversions forcées de ghettos d’humiliations de pauvreté de faim et d’angoisse, mais aussi… deux milles ans de prières, deux milles ans de traditions de Chabatot de synagogues de familles de Brit Mila de mariages de célébration de joie de vivre de souvenirs et de désirs, deux milles ans d’espoir serti dans le cœur de tout Juif et toute Juive qui ait jamais marché sur cette planète: l’espoir de revenir, un jour, en Israël.

Ce jour-là, c’était le 14 Mai 1948.

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