C’est l’histoire d’un Palestinien qui prend l’avion. Et tout d’un coup il voit le signe des toilettes qui dit « occupé » et se met à hurler « De la rivière à la Mer, les toilettes seront libérées! »

 

Cette blague est du comique palestinien Adi Khalefa, qui prétend être le type de Nazareth le plus drôle… depuis Jésus. 

Car dans un article du Washington Post du journaliste Joel Warner et du professeur Peter McGraw, on découvre tout un pan de la société palestinienne basé sur l’humour… et même sur l’auto-dérision, eh ouais ! 

Le travail de l’anthropologue Sharif Kanaana consiste justement à réunir les milliers de blagues palestiniennes dont celle-ci sur la manière dont les Palestiniens voient leur avenir:

Tous les chefs d’état rencontrent Dieu les uns après les autres, en demandant quelque chose pour leur pays et la réponse de Dieu est « Pas tant que tu seras en vie » … finalement Arafat demande que son peuple soit libre et Dieu répond « Pas tant que JE serai en vie ».

 

Pour autant les Palestiniens se considèrent moins drôles que les Egyptiens, qui ont une telle réputation que durant la dictature de Nasser, une unité spéciale des renseignements était en charge de surveiller les blagues sur le gouvernement et pour le coup ce n’est pas une blague. 

Mais le plus étonnant pour l’observateur est l’existence de « Watan ala Watar » (La patrie sur un fil), cette émission de TV satirique, dont la présence sur une chaîne publique palestinienne ne l’empêche nullement de taper sur tout le monde: politiciens palestiniens, négociateurs israéliens, Ben Laden, Barack Obama.

Un de leurs sketchs présente un juge islamiste à Gaza faisant de l’oeil au journaliste présent dans le tribunal… Et ce programme remporte un véritable succès avec 60% de Palestiniens déclarant aimer cette émission, soit bien plus que n’importe quel parti politique.

Est-il surprenant de trouver de l’humour chez les Palestiniens? Si l’on considère que l’humour naît dans les situations difficiles, absolument pas. 

Selon Mcgraw et et son collègue Warren, l’humour surgit dans une chose qui semble anormale et dangereuse, tout en étant paradoxalement, normale et rassurante.

Un calembour peut ainsi briser les règles de grammaire… tout en faisant sens, et une blague salace se joue des tabous tout en pariant sur la manière dont une société se libéralise.

Et si cet humour prend sa source dans les difficultés et les tourments, il n’est alors pas étonnant de voir une sorte d’affiliation quasi-naturelle avec l’humour juif, avec un aspect sombre, sardonique… et plein d’auto-dérision.

On pensera également à la série israélienne de l’arabe israélien Sayed Kashua, Avoda Aravit que certains rapprochent plus de l’humour d’un Woody Allen qu’autre chose… ce qui explique sans doute pourquoi la série a eu presque plus de succès auprès des Juifs israéliens que des Arabes israéliens.

Cet humour palestinien témoigne-t-il donc d’une forme de mise en place d’une plus grande ouverture? Un récent sondage mondial montre que 93% des Palestiniens ont des préjugés antisémites… Existe-t-il un humour palestinien qui se moque de leurs propres préjugés contre les Juifs?

A suivre…

 

adapté de http://www.washingtonpost.com/opinions/the-west-bank-is-hilarious/2014/04/11/4ee3422a-c020-11e3-b195-dd0c1174052c_story.html

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