Le Adva Center a publié la semaine dernière des chiffres alarmants dans son rapport sur « l’égalité et la justice sociale en Israël ». En 2012, les disparités salariales, notamment entre les différentes communautés en Israël (Ashkénazes, Mizrahim et Arabes) sont toujours aussi larges… inchangées depuis 12 ans !

D’abord, les inégalités de revenus restent conséquentes. Le salaire mensuel des magnats du TASE s’élève à la modique somme de 285 000 shekels (oui, oui vous avez bien lu, MENSUEL) alors qu’en moyenne le salaire d’un Israélien est de 9018 shekels. Sans parler du salaire minimum qui ne s’élève qu’à … 4300 shekels et représente 30% de la population. En effet, l’indice de GINI (mesurant les inégalités sociales) d’Israël est l’un des plus hauts des pays de l’OCDE :

 

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 (Source : OCDE)

 

C’est aussi le pays où la pauvreté relative affecte le plus la population, à hauteur de 21% en 2010 et en forte croissance (un peu moins de 15% en 1995), derrière le Mexique, contre 11% pour la moyenne des pays de l’OCDE :

 

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 (Source : OCDE)

Ensuite, les disparités de salaire entre les différentes communautés sont édifiantes.  On a la chance d’être dans un pays qui ne nie pas les différences communautaires (ici, un Arabe israélien est un Arabe israélien, pas « un citoyen issu de la diversité ». La DIVERSITÉ, quoi.), alors utilisons cela pour travailler sur nos inégalités ! Le salaire moyen des Ashkénazes (dans les villes) – définis dans l’étude comme ceux nés en Israël de parents originaires d’Europe et des Etats-Unis, laissant flous le cas des Juifs français, majoritairement sépharades, et des américains d’origine Perse – est 42% au-dessus de la moyenne nationale, alors que celui des Mizrahim (dans les villes aussi) ne dépasse que de 9% ce salaire. Ne parlons même pas des Arabes israéliens (villes et campagnes confondues), toujours bien derrière, qui gagnent 34% de moins que le salaire moyen national.

 

Comment nuancer ces chiffres ?

–       D’une part, les populations urbaines ont des revenus plus élevés que les populations rurales, ce qui permet d’expliquer en partie le chiffre concernant les Arabes (je dis bien, en partie).

–       Ensuite, les salaires ne sont pas comparés dans un secteur professionnel particulier. Ce qui serait intéressant de savoir, c’est la proportion de cadres/artisans/commerçants etc. de chaque communauté pour comprendre mieux les disparités.

–       Enfin, pour comprendre pourquoi les Ashkénazes ont de meilleurs salaires, on pourrait vérifier quelle est leur proportion dans les universités, dans quel domaine etc. Et l’influence comparée des mères juives ashkénazes et sépharades dans la réussite académique de leurs enfants. Et toc.

–       Au final, quelle est la part réelle de discrimination dans ces chiffres ?

 

Alors moi aussi j’adore parler de la « startup nation », de l’essor technologique miraculeux de notre Terre Promise. Mais est-elle profitable à quelqu’un d’autre qu’aux 1% des plus riches ? Malgré des indicateurs macroéconomiques toujours au beau fixe (un taux de croissance à 3,2% en 2012, les IDE les plus hauts du Moyen Orient etc.), les ménages israéliens semblent déconnectés de cette croissance.

 

La vérité, c’est que la-terre-où-coule-le-litre-de-lait-à-7-shekels et où quand-quelqu’un-pisse-une-startup-pousse, c’est surtout un mirage. Rien n’est plus dur que de vivre confortablement, surtout quand on ne s’appelle pas Goldbergsteinfeldski…mais Abitboulkobza. Quand on creuse encore un peu, on peut même déconstruire le mythe du faible taux de chômage qui fait tant rêver nos amis français : extrêmement bas à l’échelle nationale (5,8%), il représente en revanche 15 à 30% de la population active dans les villages Arabes, et entre 10 et 15% dans les autres villes pauvres.

 

A qui la faute ? Selon les experts de l’Adva Center, les politiques économiques du gouvernement sont insuffisantes. Il ne s’attaque pas au problème sérieusement, ne prend que des demi-mesures comme le comité Trajtenberg sur le cout de la vie (encore un « BERG ». Coincidence ? Je ne pense pas ! Heureusement que je suis juive et ashkénaze moi-même, sinon on me prendrait pour une antisémite…). Adva prône la mise en place de mesures sociales plus ambitieuses pour palier les inégalités de croissance. Moi, j’ajouterai, une redistribution plus juste des richesses. Une valorisation des zones périphériques (même si les efforts du gouvernement pour développer le Sud ne sont pas négligeables). Poursuivre les politiques de baisse de prix et de régulation des concentrations. Et puis, s’il vous plait, un peu plus d’affirmative action, pour tous les bronzés (pas ceux du mois d’août) !!

 

 

 

 

 

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