[avatar user= »sophie.roots » size= »thumbnail » align= »left » link= »https://rootsisrael.com/auteur/sophie-t/ » target= »_blank »]SOPHIE TAIEB[/avatar]
Alors, heureux ?
Oui, quand on fait son aliya, cette question va vous obséder pendant votre installation. Après tout, cela fait des mois que vous préparez votre départ, voire des années que vous en rêvez. Votre sonnerie de portable est la Tikva et vous vous êtes entrainés à manger du houmous au petit dej sous la grisaille tsarfatit. Parfois même, vous avez commencé un oulpan depuis Paris, histoire de gagner du temps en arrivant.
Cela fait des semaines que vous trainez sur « secret tel aviv », le groupe facebook que l’on ne présente plus.
Au début timide, vous avez fini par vous lancer et savez maintenant, dans le désordre et de manière non exhaustive, où attraper un sherout pour Jerusalem, combien coûte le taxi pour l’aéroport, où trouve-t-on le meilleur burger et à quel numéro l’on peut signaler une tortue retrouvée morte face au Manta Ray.
Au début timide, vous avez fini par vous lancer et savez maintenant, dans le désordre et de manière non exhaustive, où attraper un sherout pour Jerusalem, combien coûte le taxi pour l’aéroport, où trouve-t-on le meilleur burger et à quel numéro l’on peut signaler une tortue retrouvée morte face au Manta Ray.
Quelques semaines avant le départ, tout s’accélère. Formalités administratives, préparation du déménagement, « dernier dîner » avec la bande de potes, pot de départ au travail, « dernier goûter chez Angelina », « dernier après midi avec mamie », « dernière soirée mojitos avec les copains »… bref, tout cela a un goût de départ qui approche. Oui, vous savez que vous reviendrez, mais en attendant, toute l’attention est focalisée sur vous et votre nouvelle vie. Vos amis vous bombardent de questions, vous disent à quel point ils vous soutiennent (on zappera ceux qui ne disent pas grand chose et n’en pensent pas moins).
Bref, c’est sur un nuage et des idéaux plein la tête que vous vous rendez à l’aéroport avec vos trois valises.
Au revoir le ciel gris, au revoir la vie de diaspora, au revoir les Charlie, au revoir la perspective de 2017… à vous l’aventure de l’aliya, aliyaventure.
Vous arrivez à l’aéroport dans un état second qui sera immortalisé sur la photo de votre téouda zeout. Tout le monde vous souhaite la bienvenue à la maison. Avec quelques olim, vous faites la queue pour vos premières formalités, on vous met dans un taxi et… bienvenue chez vous.
Alors… heureux ?
Pas forcément au début. Les premiers jours, il faut s’acclimater, retrouver des repères. Vous n’êtes plus en vacances, vous êtes israélien, et vous cherchez du travail.
A moins d’avoir fait quelques années d’oulpan, fort est à parier que vous aller jongler entre les cours d’hébreu, un boulot à mi temps, et des petits extras pour finir les fins de mois. Ce sont donc des journées de 12 à 15 heures qui vous attendent, et ce n’est qu’un début.
A moins d’avoir des amis ici, vous allez arriver et devoir vous reconstituer un cercle. Tout cet amour que vous avez reçu au moment de votre départ est remplacé par un vide qu’il va falloir combler. Avec des israéliens, avec des français… à vous de vous recréer un socle.
A moins d’être très bien organisés, vous allez aussi devoir vous loger. Et c’est souvent plus cher et plus moche que prévu. Vous arrivez avec les standards français… et patatras. Les immeubles anciens sont souvent mal entretenus, certaines parties communes pourraient finir dans « faites entrer l’accusé », et on ne parle pas des annonces sur les sites qui donnent rarement envie du fait notamment que les israéliens photographient leurs appartements « en l’état », linge qui traine et assiettes sales incluses.
Alors… heureux ???
Pourquoi on vous raconte tout ça : loin de nous (vraiment très loin même), l’idée de décourager qui que ce soit. L’aliya est une expérience formidable, qui va vous ouvrir de nouvelles opportunités. Pour certains, c’est carrément une renaissance. Vous allez pouvoir, on vous le souhaite, vous réaliser pleinement dans un pays dynamique, terre d’immigration, qui offre de belles opportunités à qui sait les saisir.
On veut juste vous dire : c’est ok. C’est ok de ne pas se lever tous les matins avec un sourire qui va d’une oreille à l’autre. C’est ok d’avoir des coups de blues. Ca va vous arriver. Parce que forcément des choses ou des personnes de votre vie d’avant vont vous manquer un jour ou l’autre.
Tout comme les mamans victimes de baby blues ont parfois honte, on a croisé des olim qui répètent comme un mantra que « tout va bien » alors qu’on sait qu’ils traversent parfois des zones de turbulences. Rassurez-vous, nous sommes tous passés par là.
Et vous savez quoi ? Ce n’est pas parce que vous allez passer par des moments de blues que vous n’avez pas pris la bonne décision.
Oui, il se peut que quand le technicien d’internet vous plantera pour la 4ème fois, pile le jour où vous devez aller au misrad hapnim, et que votre proprio en profitera pour tenter une entourloupe, vous aurez envie de tout plaquer pour revenir dans votre zone de confort. (On parie que celui qui vous demande « alors, heureux ? » ce jour là s’en prendra une).
Respirez un coup, devenez israélien, et criez plus fort qu’eux !
L’aliya est une révolution. Un acte de courage et de rebellion contre tous ceux qui croient pouvoir dire aux juifs français ce qu’ils ont de mieux à faire.
Votre réussite de l’aliya n’est pas tributaire du coup de blues que vous aurez (ou pas). L’aliya blues fait partie intégrante de l’aliya. Et c’est comme l’hiver en Israël : ça ne dure jamais longtemps, et une fois que c’est passé on en rigole !
(289)