[avatar user= »sophie.roots » size= »thumbnail » align= »left »]Sophie Taïeb[/avatar]

Il paraît que vous allez être jusqu’à 6000 à venir poser vos trois valises en Israël pour démarrer une nouvelle vie ! Avant de vous accueillir d’un tonitruant Mazel Tov et d’une soirée de bienvenue (on aime bien les soirées de bienvenue chez Roots, on aime bien aussi les soirées de départ, demandez à nos stagiaires !), nous vous livrons cette réflexion.

Partir de France, après les derniers événements, on peut comprendre. Et par les derniers événements, on ne parle pas que de Dieudonné, Sarcelles, Nemmouche ou Barbes. On parle aussi des 40% de juifs qui cachent qu’ils le sont, on parle aussi du dernier rapport explosif du SPCJ, on parle aussi du sentiment de malaise généralisé, ou encore du nombre de fois où les juifs de France ont voulu casser leur télé ou brûler leurs quotidiens ces dernières semaines.

Par ailleurs, on ne parle pas que de l’explosion de l’antisémitisme. On fait aussi référence au sentiment de morosité ambiante. De la crise inextricable.

De plus, nous faisons référence à l’immense fossé qui s’est creusé entre les juifs de France et le reste de la société, fossé exacerbé par le conflit. Les amis que l’on ne voit plus. Le nombre de fois où l’on préfère ne pas aborder le sujet car « comme ça personne ne se fâche ». Le nombre de fois où l’on a fini par serrer les dents plutôt que de répondre une fois de plus à des allusions fallacieuses au « génocide de Gaza ».

En regardant ces faits, et rien que ces faits, il pourrait apparaître comme évident que la solution qui s’impose est une Aliya massive, ou tout du moins un départ généralisé des juifs de France. Parce qu’il y a aussi le Canada, l’Australie, les Pays Bas, les Etats-Unis… bref si on exclue les pays en guerre, les pays qui ne nous aiment pas, et les pays qui ne vont pas bien, il reste une bonne dizaine de pays au moins tout aussi praticables qu’Israël.

Cet été, de nombreux papiers se sont succédés. Entre d’un côté ceux qui vous exhortent à ne pas avoir peur, ceux qui méprisent vos angoisses et de l’autre ceux qui crient à la panique et au retour des années 40… faut-il prendre la menace au sérieux ou malgré la situation continuer à vivre la tête haute et attendre que la tempête passe ?

Parce que là, vous êtes 6000 à envisager de partir, impossible de passer à côté. Impossible de minimiser le phénomène. Toutes les semaines, nous recevons à la rédaction des demandes de témoignages d’olim ou de futurs olim, pour des reportages et autres JTs nationaux. Récemment, une journaliste de France Télévisions qui prépare un reportage sur des personnes qui s’apprêtent à faire leur aliya nous avouait qu’il était très difficile de recueillir des témoignages, tant les candidats au départ souhaitent rester discrets, anonymes.

Néanmoins, 6000, sur l’ensemble de la communauté,  c’est beaucoup, mais cela reste une infime partie.

Car après tout, ils sont nombreux, les juifs à rester en France. Pas par fatalisme, pas par résignation. Simplement parce qu’ils pensent que le danger même s’il est réel, est marginal. Parce qu’ils savent que la France offre malgré tout des perspectives, là où Israël se prépare probablement à un nouveau conflit. Il y a la barrière de la langue les problèmes d’équivalence des diplômes… Leur raisonnement est que oui, le problème existe et il est là, mais il ne justifie pas de mettre la clé sous la porte et recommencer une nouvelle vie à 4000 km dans un pays qu’ils connaissent soit vaguement, soit que pour des vacances de temps en temps. Fatigués d’être entre le marteau (des juifs qui les poussent au départ) et l’enclume (des antisémitosionistes), ces juifs voudraient juste « vivre normalement », et que l’on arrête de leur brandir leurs origines à tout bout de champ.

Alors avec ça, on fait l’aliya ou on la fait pas ? On se tire de France ? On en arrive même à rêver d’un pays comme l’Allemagne avec une Angela Merkel qui a déclaré devant des milliers de ses concitoyens, juifs ou non, que l’antisémitisme était un vrai combat, et qu’il était intolérable ? On regarde vers Israël, vers le Canada ? 

Ne nous regardez pas, la réponse, c’est vous qui l’avez. Chez Roots, on a décidé de vous laisser prendre votre décision en paix. Non nous n’appellerons pas à l’exode massif des juifs de France. Non nous ne vous rappellerons pas que la vie ici n’est pas un eldorado.

L’aliya, c’est votre décision. Elle n’est pas si lourde de conséquences que l’on veut bien vous le faire croire. Après tout venir s’installer en Israël ne veut pas dire y rester toute la vie. C’est une décision importante, elle va chambouler votre vie, mais elle n’est pas irrémédiable.

Réfléchissez, parlez avec des olim, et prenez votre décision sereinement. Parce qu’au fond de vous, de toutes façons, vous savez.

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