Le peuple d’Israël est, en matière d’amour, à la croisée des chemins entre l’orient et l’occident… pénétré, soutenu et élevé par l’idée divine et la cohésion nationale en même temps que, continuellement, en proie aux influences idolâtres, turpitudes, perversions et autre dépravations du monde drainées par le va et vient des mouvements d’alyot et de yeridot (montée et descente du pays)… ce qui va faire de lui, un israélien lambda.
C’est-à-dire, capable d’être, tout à la fois, cet adorable macho oriental capable de chanter son amour dans un micro version mizrahi avec des tremolos dans la voix et toute la nostalgie envoûtante qui remonte en droite ligne du temps de l’expulsion des juifs d’Espagne, de remplir la chambre de sa copine de roses et de petits cœurs rouges pour son anniversaire, rejeton bâtard d’une impossible alliance entre Don Quichotte, Roméo et Don Juan, d’être cet éternel enfant qui va jouer au foot et à la playstation avec ses potes le samedi soir, mais également ce père idéal qui le vendredi matin emmène les enfants au gan, qui va avec eux au jardin l’après-midi et y règle les problèmes de queue pour la balançoire, nonchalamment accoudé derrière ses raybans tout en louchant sur le décolleté de la voisine enceinte de six mois qui aide sa gamine à descendre du tobogan, celui, tellement sportif et bien foutu, qui fait du vélo avec eux le samedi au Parc Hayarkon, le même israélien qui fait le kiddoush du vendredi soir après être revenu de sa synagogue de quartier où il s’est rendu, comme à son habitude, en jean et baskets… mais ce sera aussi ce petit trans moulé dans son jean qui vous propose des pulls verts et jaunes au rayon femme de chez Fox, tout en vous faisant des yeux doux, même lorsque vous êtes accompagné par votre femme.
Il y a aussi cet israélien au cheveux longs qui quelque soit son âge et quelque soit le temps qu’il fait est appelé par la mer, dans sa combinaison bleue ou noire, son galchan (surf) sous le bras, sans oublier évidemment ces immenses russes qui roulent des mécaniques tout en sortant avec des clones de Mila Kunis, ces petits éthiopiens respectueux qui vous laissent vous asseoir dans le bus à leur place, ces religieux noirs-froums-doss qui évitent votre regard et leurs alter égaux dati leoumi aux kippots de toutes les couleurs qui lisent le journal dans le train en vous décochant des sourires colgates à la caprice des dieux, sans parler des soldats, des policiers, des marines et de l’aviation qui friment à mort dans leur uniforme, sachant très bien que vous n’êtes qu’une pauvre petite proie à l’accent français… mais, attendez une seconde, essayons d’organiser tout cela qui ne ressemble pour l’instant qu’à un gros tas de clichés informe. Par quelques grands traits de pinceaux d’abord et ensuite par une analyse plus centrée sur l’origine de ce concentré d’amour qui déborde dans tous les sens, à l’image d’une bonne platée de houmous-trina au zatar et aux pignons-paprika.
Les israéliens ont des valeurs. Le mariage, les enfants, la famille. Le chabat, observant ou non. Les fêtes qui ponctuent le calendrier juif et sont toujours le moment des cadeaux, des bonnes bouffes et de la rigolade. (ça ne vous rappelle pas une poignée d’irréductibles bien connus ?). Les israéliens sont fiers, droits et moraux sauf quand ils décident que non, pas ce soir. Les israéliens ont fait l’armée, ce sont des hommes, des vrais… en effet… et cela tient peut-être à la femme en face, car, et les israéliennes me direz-vous ?
Des formes, des formes et encore des formes. On est en plein dans un pays méditerranéen, il fait chaud, beau 360 jours sur 365, la mer est partout sauf à Jéru… et on vit dans un pays qui aime la vie ! Qui aime les enfants ! Où procréer est une mistva et un commandement… aussi on fait l’amour du nord au sud, des pentes enneigées du Hermon aux collines arides du Néguev et on fait refleurir le désert en permanence… vous entendez ces cris de joie ? c’est l’éternel recommencement du monde qui a lieu chaque chabat et plus, notemment pour les habitants de TLV, et qui témoigne encore et toujours de ce lien d’amour entre un dieu et son peuple, un homme et sa femme, un peuple et sa terre… euh, une seconde, j’en étais où ? ah, oui, les israéliennes… les formes… ce que je me tue à vous dire c’est qu’ici on pratique AHAVAT ISRAEL, l’amour du prochain… et le premier prochain de l’homme, c’est… sa femme ! et sa femme lui rend bien, ezer kenegdo, vous connaissez ?
C’est celle qui est « l’aide contre lui », c’est-à-dire l’israélienne, j’explique. Il y a deux types d’israéliennes, les naturelles, souriantes, simples, agréables, qui ont poussées là comme des fleurs sauvage sur les collines de Galilée, l’archétype de la femme-sœur, et puis il y a celle qui est trop maquillée, trop habillée, à la moue boudeuse, qui fait genre sautez moi tout de suite illico et qu’on en finisse mais en fait qui cherche l’amour et qui se fait toujours avoir, ça généralement ça lui passe avec l’armée, et puis il y a celle-là qui n’est pas commode d’emblée, qui donne des ordres, qui ne se laisse pas marcher sur les pieds, qui crie ce qu’elle pense, qui mène de front mari, travail, enfants et préparation du chabat, avec brushing et les fameuses raybans, et puis celle qui se plaint en permanence qu’il n’y a pas assez de mazgan en pinçant les lèvres comme cela, et celle qui s’est déjà fait refaire les seins quatre fois mais c’est pour Doudi, il aime ça, et celle en jupe longue qui grignote ses chips en lisant des tehilims dans le tram, et celle qui remet sa perruque en poussant un peu son voisin du coude, et celle-là qui revient du shouk son caddie plein à craquer qui prend toute la place dans le monit shirout et cette autre qui sent toujours les cookies qu’elle vient de cuisiner, et celle-ci qui ponctue toute ses phrases de « kapara, nechama, enayim cheli ! » (mon sacrifice, mon âme, mes yeux !)… euh, bref, ça fait plus que deux types là, mais bon.
C’est toujours pas clair. Les israéliennes sont possessives, jalouses, fières, dures et pudiques, si si, à leur manière. Elles aussi, elles roulent des mécaniques en uniformes avec leur arme en bandoulière et leurs raybans, elles aussi, elles roucoulent avec le type de la macolette et sourient provocativement au maitre-nageur, au prof de judo de leurs enfants et au mec de la maafia (pas mafia, maafia, la boulangerie, mais c’est tout comme). Elles ont des valeurs, elles sont femmes jusqu’au bout des ongles jusqu’à leur string léopard et leurs tongs rose fluo et leur jogging fushia du vendredi matin. Elles n’ont pas honte et elles aiment se faire obéir. Tapez Golda Meir, Hanna Senech, Ofra Haza, Pnina Rozenblum sur Google, vous verrez…
Bon, ce n’est toujours pas vraiment organisé… Israël est une société qui découle de deux modèles apparemment antithétiques : la bible et le kibbouts, remixez Pour Sacha et Les Dix Commandements et vous n’y serez pas encore… deux modèles pas si antithétiques que cela finalement, tout dépend si vous regardez les choses de l’intérieur ou de l’extérieur du tracteur… disons que l’organisation des 12 tribus dans le désert, c’était déjà un sacré kibbouts ambulant… d’un côté on a Avraham et Sarah qui s’enfuient de chez les idolâtres en chantant « ani ve ata mechane et aolam » (toi et moi, on va changer le monde), ensuite Sarah rigole en écoutant et répond effrontément au Créateur lui-même pour masquer sa trop grande joie (pudique on vous a dit) tandis que les commentateurs essaient de nous faire croire qu’elle était le modèle du genre la petite maison dans la prairie dans la tente, mais c’était surtout l’as du démontage-remontage, manger sur le pouce et tilloul à rallonge, le chemin est encore long avant la terre promise mais « hiyé tov, ken, hiyé tov » (ça ira, oui, ça ira) ! après ça a été Itsraak, le Rimbaud du peuple juif, à moitié dans les nuages après sa quasi-chrita sur le Mont Moriah et voilà ty pas que Rivka tombe du chameau quand elle l’aperçoit, revenant de méditer dans les champs, son talith au vent et sa petite kippa sur le côté, au ralentit… et que dire de Yaakov qui revenant sur les lieux de l’amour de ses parents, découvre auprès du fameux puit les yeux envoûtants de Rahel, et ses forces décuplées par l’amour et la passion « forte comme la mort » du Chir a Chirim, soulève l’immense pierre du puit, chasse les bergers puis embrasse Rahel passionnément et enfin se met à pleurer… et Léa qui l’aimera à travers toutes ses maternités, obstinément, se répétant sans doute « ne réveillez pas l’amour avant qu’il ne le veuille », et pleurant jusqu’à s’abîmer les yeux… alors ne vous étonnez plus quand je vous dis que nos israéliens ont des valeurs, qu’ils sont pudiques, sensibles et romantiques… autant que faire se peut pour un cactus en plein désert environné de chacals qui rêvent d’en faire leur petit déjeuner… d’ailleurs le Zohar dit de Rivka qu’elle était « une rose parmi les épines », une rose qui n’avait pas la langue dans sa poche… et qu’Itsraak serait la feuille qui l’envelopperait, la protègerait, la caresserait jusqu’à ce qu’elle donne le fruit tant attendu… alors ne vous étonnez plus de trouver ici des enfants rois, des papas poules et des mères lionnes… ça remonte à pas mal de temps déjà… ce peuple à la nuque raide qui sait en même temps rire, pleurer, s’embrasser, se défendre, se protéger, s’aimer, prier et enfanter…
Et à cela, veuillez maintenant ajouter la cerise sur la katsefet, la bougie sur le gâteau, les débuts de l’état d’Israël et l’organisation de la société sur le modèle des kibboutsims… ah le kibbouts et l’éveil de l’amour dans les bottes de foin, les corps dévoilés dans la sueur et le travail de la terre, les petites sources d’eau où il fait bon de vivre son amour et la promiscuité de ce tout petit espace ou l’on connaît tout sur tout le monde et ou, fatalement, les couples, les hommes, les femmes, s’échangent, tournent, passent dans les champs d’oliviers… ainsi font font font… l’armée fera le même genre de rapprochement physique, où, entre deux mines qui sautent on s’embrasse contre un mur, et le cœur tremble pour l’autre quand on le voit s’avancer à découvert entre deux obus de mortier qui sifflent, rajoutez encore à cela les différentes vagues d’alyots et de cultures qui drainent le sépharadisme, sa générosité et sa chaleur, l’européanisme avec ses dérives, ses complexes et ses tourments… l’américanisme avec son puritanisme et ses cocas, le témanisme avec ses djah’noun, son cœur d’or et son avarice proverbiale (c’est tellement pas vrai !)… et, au fond de tous, cette petite lueur divine qui brûle en chacun de trouver un jour « ahoti, yanati, tamati » « ma sœur, ma colombe, ma parfaite »… ne lisez pas « tamati, ma parfaite » mais « teomati, ma jumelle » et c’est là, dans une lumière « trop belle pour n’être que celle du soleil » (merci au slogan de l’agence juive) que se joue l’avenir de l’humanité, l’équilibre du couple, où dans l’amour et le respect d’un autre qui doit devenir non plus le « baal », le maître, le possesseur mais l’époux, le mari « ichi », le complément de « icha », sera engendré une société d’hommes et de femmes capables de paix… c’est en marche… hum, tu rêves là, me direz-vous (ça tombe bien le midrach raconte que « la femme est issue du rêve de l’homme »), illuminée entendrais-je, religieuse siffleriez-vous, racoleuse, mystique, messianique… bah, alors j’en prend le droit, à la houtspa (effronterie), car j’habite en Israël, le kibboutz galouyot des nations, le rassembleur des exilés, là où l’amour se joue en pleine lumière et où la pudeur s’habille d’un voile transparent, le voile dont le marié recouvre la mariée, sous la Houpa (lieu sanctifié du mariage juif), pudiquement, fièrement, pour marquer à la fois la proximité et la séparation qu’il y a entre eux, pour revendiquer la différence et l’identité de chacun, dans son unicité.
Chir a chirim, le Cantique des Cantique écrit par le roi Salomon, est le secret de l’histoire de l’amour entre Israël et les nations, entre les hommes et les femmes, entre Dieu et son peuple, et c’est violent, douloureux, passionné, érotique, et en même temps pudique, contenu, réservé, poétique, nostalgique, déchiré… comme un pot de kotedj, comme la première pluie, comme le kotel a maaravi, c’est Israël quoi, quelque part entre la bible et le kibbouts, sur l’échelle de l’histoire et ça se joue ici et maintenant, avec des hommes, des femmes, des chiens, des chats ( plein de chats) et des enfants.
D’ailleurs mon fils m’appelle, c’est l’heure de manger.
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