[avatar user=”israeltavor” size=”thumbnail” align=”left” link=”https://rootsisrael.com/auteur/israeltavor/” target=”_blank”]ISRAEL TAVOR[/avatar]
C’était la réunion à ne pas manquer. La réunion durant laquelle les franco-israéliens allaient ENFIN se réunir et être influents.
Comme, sans doute, les 247 autres initiatives précédentes…
Souvent, j’y croise Dov Maimon, le plus motivé. Il est le directeur du JPPI (Jewish People Politic Institute, une sorte d’annexe d’institut à faire fantasmer le moindre antisémite en mal de Protocoles des sages de Sion) à Jérusalem, où se déroulait cette fameuse réunion du lancement du Think Tank du lobby francophone en Israël.
J’aime bien Dov. Y’a un côté Don Quichotte chez lui se battant parfois contre des moulins à vent… dont je fais sans doute parti.
On allait sans doute parler des mêmes sujets: comment intégrer mieux les migrants de France… Jobs, langues, jobs, politique, jobs, intégration, jobs… et jobs.
J’en connais un rayon… mon Alya ne m’as pas enrichi financièrement, loin de là, et en un an, j’ai cessé de compter le nombre de boîtes par lesquelles je suis passé.
À cette réunion, j’allais y voir quelques visages connus de la micro-société franco-israélienne dont le terrain de jeu est Facebook, l’enjeu périphérique est essentiellement celui de l’égo, et l’essence même est “comment réussir sa putain d’Alya”.
Mais de Raanana, où j’habite faire le trajet jusqu’à Jéru où se déroulait la rencontre… bof.
En même temps, j’étais curieux. Mais pas une belle curiosité, non, plus malsaine, celle de voir si tout cela n’allait pas finir en concours d’égo surdimensionné.
Et surtout, je voulais m’assurer qu’il y aurait bien un buffet…
Je contacte Steve, qui partait aussi de Raanana en voiture avec sa femme. Il me prend à 16h30 en bas de chez moi, et direction Herzliya pour récupérer Myriam Shermer, journaliste avec qui j’ai eu mes heures de gloires fanées sur i24news, où, il faut bien l’admettre, je ne disais pas grand chose d’intéressant.
« Je me demande si y’aura un buffet » dis-je à Myriam.
« Moi aussi, j’ai super faim ».
Je suis content qu’elle soit là, de ce côté on est sur la même longueur d’onde. Quoique, face à mon désintérêt de la chose publique, elle me disait la veille « y’a un moment, va falloir que tu te positionnes ». J’ai pas envie.
Steve et sa femme sont fraîchement débarqués de Paris, environ six mois, et leur volonté de s’engager me renvoie à ma propre paresse, sans honte pourtant.
Après avoir cherché à tâtons dans les chemins du campus de l’Université de Jérusalem, nous sommes tous les quatre avec une demi-heure de retard dans la salle.
Myriam et moi disions à nos deux compagnons de voyage « Vous inquiétez pas, c’est Israël, ça n’aura pas commencé. ». C’était oublié qu’on allait à une réunion avec des français… et ils avaient déjà commencé. Une petite trentaine de personnes réunies.
Coup de bol, on arrive au bon moment, à la fin du discours de Binyamin Lashkar.
Myriam aime bien Lashkar.
Moi je trouve qu’il raconte n’importe quoi et qu’il communique mal… en fait, c’est ça, il a besoin d’un dir’ com’ avec lui. En même temps, il rentre exactement dans la définition de « meilleur ennemi »… J’adore m’opposer à ce qu’il raconte, souvent car ça se justifie, mais aussi pour la beauté du geste sportif, ça doit être mon côté Roger Federer.
J’ai toute de suite répéré le buffet… Des sandwichs! Coca, café, quelques jus de fruits. Tout le monde est assis et je regarde devant chacun s’ils ont déjà pioché dans la bouffe. Si oui, je peux aller directement attaquer, si non, ça m’emmerde de passer pour le morfal qui se jette sur la nourriture.
Je crois avoir repéré un reste de sandwich devant quelqu’un… mais c’est tout. Aller au buffet ou ne pas y aller, Zatizeukouèchtione.
Moi qui venais pour une bataille d’égo, je suis déçu. Quelle surprise de voir chacun si disposé à écouter l’autre. Si je veux me mettre en avant, je risque de passer (encore) pour un con… En même temps, c’est ce que je fais de mieux.
Alors que chacun parlait à son tour et que je rêvassais en me grattant mon début de barbe hipster, tout en me demandant si je devais la raser ou la laisser pousser comme Dov, je fus sorti de ma profonde réflexion par Virginie évoquant les élections de janvier et le manque d’infos données aux olim: « Vous vous rendez compte, dit-elle, j’ai du appeler Israel Tavor quand j’étais dans l’isoloir pour savoir si je devais voter Kahlon ».
Mon nom avait été cité… ouf.
Mais ça ne réglait pas ma problématique « buffet ». Heureusement, Marco, qui est tout de même le seul mec de gauche qui donnerait envie à des mecs de droite de voter pour lui, s’était levé vers le buffet, je profite de l’appel d’air pour choper un sandwich.
« Y’a quoi dedans ? » On aurait dit du poulet mais avec du fromage bulgarit… Impossible, pas casher. J’imagine que Dov est taquin, mais pas à ce point. Ah non, ce que je pensais être du poulet était en fait des champignon. C’est bon, ça, les champignons frais.
Alors que je m’étais rassis et que je tentais piteusement d’attirer l’attention de deux ou trois personnes, Dov relança mon nom dans une liste de trois ou quatre personnes dont il aimerait entendre l’avis.
Moi? Un avis? Alors même que je m’efforce d’en avoir absolument aucun! Je fais l’étonné…
Je sens pourtant que mon public m’attend et je ne peux l’abandonner.
J’essaie de réunir quelques idées vite fait. Je me souviens que quelqu’un a parlé des juifs éthiopiens qui, bien que moins nombreux, ont eu plus d’influence, et hop, ça sera première question « Comment ils ont fait? » … Pour la seconde, elle est plus vicieuse, mais dans un style différent et sur des méthodes différentes. J’avais déjà assisté à une réunion sur l’intégration des français en Israël y’a quelques mois, avec cette impression que l’on va de réunion en commission avec le danger du syndrome de la réunionnite … et voilà ma seconde question.
Je retourne prendre à manger avec mes deux questions en tête. Entre deux bouchées je lève la main, me mets debout et pose mes deux passionnantes questions. J’écoute vaguement les réponses et me rassois pour finir mon sandwich.
Comme toujours, c’est l’après réunion qui fut aussi (si ce n’est plus) intéressante. Enfin rencontré Noémie et Elizabeth en vrai, confirmer avec Niko (qui nous a appris son changement de prénom en Nitay) la bouffe que l’on doit se faire, Marco qui m’invite pour une journée dans son kibboutz où j’ai vraiment envie d’aller, évoquer avec Binyamin son ego et un peu le mien…
Myriam, au moment de son intervention (comme quoi, j’ai tout de même écouté ce qu’il se racontait), avait dit une chose juste: il ne va sans doute rien ressortir concrètement en terme d’action de cette réunion, mais au moins on s’est rencontré, et c’est déjà pas si mal.
Je suis reparti avec un autre « chauffeur », David Tibi, dentiste qui n’arrive pas à exercer son métier…(cf : sa lettre à BIBI) toujours la fameuse question de l’équivalence des diplômes. Mais loin de s’apitoyer sur son sort, en roulant , il m’a parlé des communautés juives en France, vivant en banlieue, les plus fragiles, qui n’ont pas les moyens de faire l’Alyah et qui ne demandent qu’une chose, pouvoir venir. La manière dont il parlait d’eux m’a touché… Une réelle inquiétude pour ceux qui sont restés « derrière ».
Je n’ai donc pas eu le droit à la bataille des chefs que pourtant tout le monde voyait arriver, et je suis plutôt content de m’être trompé. Ce n’est peut-être que partie remise?
En tout cas je serai là au prochain buffet… et je retiens l’idée du sandwich bulgarit/champignon.
…
Ce texte devait se finir ici. J’étais moyennement content de ma conclusion « buffet ».
Par conscience, je l’ai envoyé à Dov Maimon, histoire de vérifier si ça ne lui posait pas de problème et il m’a écrit cette réponse qui conclut de manière bien plus appropriée mon article, et qu’il m’a autorisé à reproduire:
« Ne me demande pas mon avis, écris ce qui te semble bien. Je te fais totale confiance. On est des fransaouis merdeux qui n’ont rien réussi à faire bouger dans ce pays alors célébrons l’humour et l’autodérision. C’est notre force. »
A bon entendeur…
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