Les Français en Israel. Ils m’inspirent souvent un fort sentiment d’attirance-répulsion que je ne m’explique pas vraiment mais que je ne crois pas être le seul à ressentir . Est-ce à mettre sur le compte du fait qu’ils me renvoient à ma propre image d’immigré français qui ne sera jamais israélien au même titre qu’un sabra ? Est-ce parce que je leur reproche souvent d’appartenir à un même moule dont je serais le premier à faire partie?
Quoi qu’il en soit j’ai eu envie de m’entretenir avec ceux qui paraissaient malmener certains clichés, réels ou pas.
Le premier de la liste étant Nitay Kimron.
J’ai connu Nitay à Mihvé Alon en 2007, il s’appelait alors Niko Gewelbe. Nous étions tous deux de nouveaux immigrants arrivés en Israel depuis 2 ans et nous sommes retrouvés dans la même promotion de cet oulpan militaire à la discipline stricte, passage obligatoire avant d’intégrer Tsahal pour qui ne parle pas encore hébreu.
Je ne crois pas qu’il m’en voudra si je disais que sans éprouver la moindre hostilité l’un envers l’autre nous ne nous inspirions pas non plus une sympathie réciproque spécialement forte. Ceci explique qu’après ces quelques mois passés côte à côte, lorsque chacun intégra son unité respective, au delà de rares rencontres fortuites dans les rues de Tel-Aviv qui appelaient une respectueuse mais brève poignée de main nous n’avons pas gardé le moindre contact.
Des années plus tard et grâce à Mark Zuckerberg l’enchanteur je découvre que Nitay est devenu le conseiller politique d’une députée Israélienne. Quelques photos de lui à la Knesset sont visibles sur sa page Facebook. Ce n’est pas comme si je me réveillais un jour et que mon légionnaire était devenu premier ministre mais personnellement je ne connais pas d’autres Français arrivés ces dernières années et qui ont réussi à pouvoir se rendre utiles auprès de politiques israéliens. Je lui imposai un rendez-vous.
Je rencontrai Nitay et sa copine dans leur appartement à Yafo.
Lui, politicien du Likoud est en couple avec une francophone clairement de gauche. Je leur demande si cela n’est pas une source de disputes et ils me répondent que non.
Déçu, je mets leur parole à l’épreuve en les poussant subrepticement à aborder le sujet de l’évacuation de la localité d’Amona sur lequel ils sont en parfait désaccord mais avec un calme et un sourire agaçants.
Je demande à Nitay de me raconter son histoire israélienne. Il commence par me parler de son service militaire qu’il décrit comme difficile. Je savais qu’en ce qui le concerne il avait rejoint après Mihvé Alon l’unité Golani, j’ignorais qu’il avait participé à une guerre, Oferet Yétsuka ( Plomb durci ) où le Hamas emporta plusieurs de ses amis. L’un d’eux s’appelait Nitay, l’ancien Niko Gewelbe lui rendra hommage lorsqu’il décidera d’adopter officiellement ce prénom tout en hébraïsant son nom de famille pour abandonner celui qu’il considère désormais appartenir à la diaspora.
En 2010, 30 kilos en moins et deux années et demi après avoir rempli ses obligations militaires Nitay Kimron intègre l’université de Bar Ilan tout en reconnaissant avoir alors comme niveau d’hébreu celui d’un ahs de Golani ( que ceux qui ne comprennent pas ce mot fassent leur Aliya et ils ne le comprendront que trop tôt).
Cela n’empêche pas notre brave homme d’obtenir un diplôme de sécurité nationale ( l’équivalent de Science-Po) tout en s’investissant pleinement dans le militantisme politique. En une année il devient le directeur du club du Likoud de l’université pour intégrer ensuite le bureau des étudiants et y obtenir un poste clé. C’est d’après lui un passage quasi obligatoire pour qui veut se lancer en politique . Il en fera son terrain d’entrainement et y nouera les liens nécessaires pour la suite.
Progressivement Nitay obtiendra des postes à responsabilité grandissante jusqu’à parvenir à la Knesset en tant que conseiller politique. Si je ne lui ai pas posé directement la question, nul doute qu’il ne compte aucunement en rester là.
Quand je me regarde je me désole, quand je me compare je me console. Il n’est pas dit que cette expression soit très vraie concernant la situation de Nitay et celle de certains autres olim qui peinent parfois (souvent?) avec l’apprentissage de la langue ou pour trouver un travail représentatif de leurs capacités.
Selon lui « partir en Israel le plus tôt possible » est une des clés de la réussite, notamment parce que l’armée est un formidable outil d’intégration mais aussi parce qu’il décrit comme “une très grande chance” que d’avoir pu étudier en hébreu à l’université même s’il reconnait volontiers faire bien plus de fautes qu’un israélien né ici et qu’il en sera toujours ainsi . « Les jeunes qui envisagent de monter en Israel et qui repoussent toujours à plus tard font une erreur. Chaque nouvelle étape de la vie, le mariage puis les enfants rendent les choses un peu plus difficiles ».
Nitay terminera par une métaphore qui séduira ou pas: « Immigrer en Israel c’est comme devenir handicapé. C’est peut-être dur comme comparaison mais c’est comme ça, ne pas parler la langue et ne pas connaître la mentalité est un handicap. Or il y a deux sortes d’handicapés. Celui qui va se morfondre et qui va grossir sur son fauteuil en pensant qu’il n’y a rien à faire ou celui qui va s’entrainer tous les jours pour être plus fort. C’est ça que je conseille, s’entrainer plus que les autres. C’est ce que j’ai fait et que je continue à faire ».
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