Critique de la déraison pure

La semaine dernière, Nadia, chroniqueuse pour Rootsisrael, i24, et Times of Israel, a écrit son « coming out ». Elle s’en prend aux juifs qui ont déversé leur haine sur les réseaux sociaux après la découverte des trois corps d’Eyal, Gilad et Naftali (« Nous prétendons être les seuls porteurs d’humanité alors même que l’on déclare, fiers de notre Judéité qui selon nos sages se résume dans l’amour du prochain, que nous sommes tellement meilleurs qu’eux. Car le racisme, quand il vient de nous, est tout à fait humain. » ‘’J’en ai marre de voir que nous sommes devenus des partisans d’un match de foot de bas étage. Que tout ce qui compte est de battre (dans tous les sens du terme) l’adversaire, car nous appartenons à l’équipe des bons, eux celle des mauvais. Des méchants. Des barbares. Des extrémistes. » Partagé plus de 10 000 fois, ce texte a fait le tour du web, chez les partisans et les anti israël. Nous avons décidé de répondre a Nadia…Lire la suite

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Nadia, nous sommes copines depuis bien avant mon arrivée en Israël. Je te connais suffisamment pour te savoir patriote, amoureuse d’Israël, engagée, droite.
Le billet que tu as écrit la semaine dernière « mon coming out », était plutôt bien vu. En effet, suite à la découverte des trois cadavres d’Eyal, Gilad et Naftali, certains membres de notre communauté ont cru que c’était ok de déverser une haine sans bornes sur les réseaux sociaux, donnant ainsi du grain à moudre à nos détracteurs (« vous ne valez pas mieux qu’eux », « toutes les religions se valent », etc…).
Comme toi, j’ai détesté le fait que certaines personnes, qui manifestement ne maitrisent pas la portée des réseaux sociaux, déversent leur colère, leur haine et leur désespoir sur internet. Tu sais, quand Fofana a été arrêté, j’ai rêvé de lui faire des choses avec de la dynamite dans les orifices et de l’acide citrique dans les cavités… sans pour autant l’annoncer sur facebook. Facebook, nous sommes bien placées pour le savoir, est un miroir grossissant de la beaufitude, de la connerie, et des extrémismes en tout genre. Il suffit de lire n’importe quelle rubrique « commentaires » sur un article qui mentionne Israël pour dégueuler son déjeuner.
Alors oui, j’ai détesté que des gens soient assez stupides et inconscients pour expliquer « il faut raser gaza », « il faut tuer les arabes », « on va les exterminer ces cafards ». Je ne dis pas qu’ils ne le pensaient pas, à ce moment là, sous le coup de la colère. Je dis juste que ce sont des gens qui n’ont certainement pas un couteau entre les dents, des grenades dans les poches, et qui sont prêts à entrer dans Gaza pour tuer tout ce qui bouge. Ils ressemblent pour moi aux jihadistes de canapé qui appellent à la destruction de l’état d’Israël depuis un pavillon de banlieue entre deux parties de x box. Ils sont cons, mais pas méchants. Je vais te faire un aveu : moi aussi, ce soir là, j’avais envie que Tsahal rase Gaza sans sommation. Je l’ai pensé très fort, et puis c’est passé. Mais évidemment je ne me suis ni empressée de poster ce genre de choses sur internet, ni intéressée à un port d’armes. J’étais triste, en colère, enragée… mais encore cartésienne.
Alors arrive ton texte. Tu t’adresses à la communauté comme on s’adresserait à l’oncle Bernard qui devient raciste et populiste après trois pastis, et tu leur demandes de la mettre en veilleuse. Pendant ce temps, les soldats qui ont posé en incitant à la haine ont été lourdement condamnés (10 jours de prison, on prendrait bien le même juge pour statuer sur Dieudomachin). Et ton texte se met à tourner, ton texte t’échappe. Je retrouve ton article sur des sites et des profils anti israël, avec des commentaires du style « Vivement qu’Israël devienne digne du judaïsme », ce genre d’amabilités. Tu vois la vidéo de Rachida, musulmane, qui critique sa religion de barbares, et qui se met à faire le tour du monde, fachos en tête, qui disent « ah ben vous voyez, même chez EUX, ils trouvent que c’est des barbares » ? Eh bien tu es devenue notre Rachida. Je n’ai pas vu nos ennemis saluer l’incarcération de nos soldats (faut pas rêver), mais j’en ai vu certains utiliser ton texte comme justification de « vous voyez ? des deux côtés, c’est kif kif bourricot ». Et tu sais, autant je suis pour appeler à l’apaisement autant que faire ce peu, autant je ne me verrais pas bondir sur « l’oncle Bernard » qui se met à raconter des conneries après un enterrement, sous le choc et l’immense tristesse. En terme de timing, je pense que ton coup de gueule est mal tombé.
J’aime ton texte, je n’aime pas ce qu’il est devenu. Je pense qu’il est tombé au mauvais moment (oui tout le monde s’est déchainé ces derniers jours, mais on se maitrise mal quand on assassine trois de nos enfants), et entre de mauvaises mains. Alors la question se pose : qui peut critiquer Israël (à part les juifs et les israëliens ?), et auprès de qui peut-on critiquer Israël ? J’ai tendance à croire que critiquer Israël en public, c’est apporter de l’eau au moulin aux « antisionistes » qui se délecteront du fait que « même les israéliens critiquent Israël ». Ils arrêteront d’écouter dès que tu expliqueras que malgré tout, ce pays, tu l’aimes de toutes tes forces. Aujourd’hui nous sommes confrontés à nos extrêmes : d’un côté une extrême gauche qui dénigre sans vergogne et de manière systématique la politique du pays, et qui se retrouve souvent récupérée par nos ennemis. De l’autre côté, une droite dure qui la joue comme le FN, et qui donne une image désastreuse de notre peuple. 
Et au milieu, il y a nous. Patriotes, critiques, sionistes, plutôt pas bêtes… Et à l’instar d’un vide juridique, il y a un vide médiatique, notamment dans la presse franco israélienne, souvent très marquée sur l’un ou l’autre extrême. 
Nadia, nous devrions fonder un parti !
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SI vous n’avez pas lu le texte de Nadia cliquez ici.
2 comments
  1. Cet article me fait penser à une phrase que j’ai entendu chez Maître Goldnadel : « S’attarder avec clémence sur les méchants, c’est causer du tord au gentils. » Le fait est que la lutte pour la paix en Israël demande beaucoup de sagesse, et beaucoup de force, chaque seconde de gagnée peut sauver des vies, sauver l’humanité, changer positivement la donne mondiale, n’ayons pas le luxe de considérer tout cela comme du divertissement, non, l’embellissement ultime de l’humanité en dépend, si nous perdons, nous précipitons sa chute, et si nous gagnons, hourra, mais ah, encore tant à faire !

    Je suis plutôt en accord avec Sophie, qu’avec Nadia. Tout d’abord pour les résultats. Les résultats qui montrent qu’aujourd’hui Nadia se retrouve dépassé par les événements, sans que cela soit dramatique, comment récupérer le dérapage ? Impossible, déjà une surcharge de travail se crée. Certes elle n’aggrave rien, mais devient malgré elle le support des anti-Israeliens, c’est gênant. L’hyper intégrité à réveillé le monstre qui déjà s’en sert. Le goinfre, ne pas lui tendre de confiture.

    Par contre je comprend Sophie, Elie Wiesel dit, qu’écrire un roman, c’est élever plus haut l’intelligence et pousser plus profondément les sentiments, cette règle vaut aussi pour la vie, règle simple, pure, mais si puissante. Règle très Juive en vérité. Pas uniquement Juive, mais fondamentalement Juive. Nadia dit : « si nous devenons comme les méchants, à quoi bon gagner, tout sera perdu, autant, grand raccourci devenir un peuple Pharaonique » or Nadia dit : « dans la nuit trouvons le jour sans devenir nous même obscur ». Mais ironie, le résultat crée de l’ombre. Et quelle lumière sinon la sienne et notre soulagement.

    J’ai vu récemment une vidéo de football, je n’aime pas particulièrement ce sport mais l’histoire est jolie : l’équipe bleu fait une faute, l’arbitre ne voit rien et pénalise les rouges, la balle va en touche, le joueur bleu alors donne directement la balle aux rouges, mais vraiment, pour laver la faute et être dans la bonne justice, Coubertin dirons nous, c’est joli en soit. Mais immédiatement, l’équipe rouge, grâce a ce ballon, marque un but ! Ouh, ironie et bien justement, l’image d’après c’est l’entraîneur des bleus, l’équipes des bleus qui dans la dignité vont de l’avant, sont honorés d’avoir joué dans la justice, fier d’être honnêtes, le savoir faire pour gagner le match passait par le savoir vivre !

    Hors, là, ce n’est pas un match de football, c’est bien plus important, rien à voir, là, il faut garder le ballon, gagner, parce que gagner c’est faire gagner les deux équipes et la vie toute entière.

    Ainsi, le grand phare de lumière doit parfois laisser place à la petite loupiote intime, car la nuit est profonde, l’étoile du soir, tel un joyaux n’orne pas le calme sain du ciel mais l’épaisseur de l’obscur nous étouffe, il y a urgence, il faut être précis, j’aime cette phrase de Gainsbourg : Il faut penser au peintre japonais qui regarde une fleur pendant trois mois et la cerne en quelques secondes.

    De même, il faut être tout en nuance parfois, car cela est utile et efficace, et surtout ne laisser aucun centimètre de terrain à l’ennemi car il est plus difficile de tuer le monstre que de guérir ses contaminés.

    Un rav m’a dit récemment, ce que femme dit, dieu dit, et bien je vois qu’il est plein de paradoxe a travers vous, en vrais, sur le fond, vous avez toutes deux raisons, l’intègre Nadia, et la stratège Sophie, elle tout autant intègre. C’est la victoire sur le long terme qui compte.

    Et pour Sophie, adorateur de Robert Badinter sénateur ayant aboli la peine de mort, la thérapie et la justice ogresses ne fonctionnent pas, avilissent ce qui pourtant doit être juste, il faut une fin au cycle de violence, celui qui a tué Ilan, a sa place en prison, nul part ailleurs, quand il sortira, peut être, presque sur, nous le tuerons, mais nous aurons tord de le faire. Le temps nous assagira peut être, en tout cas, nous fait réfléchir.

    C’est la première fois que j’écris sur Roots Israel, votre travail est excellent, il a trois grandes qualités, vous parlez à une génération jeune, vous êtes un excellent contre poids médiatique sur internet, notamment Facebook et vous êtes réellement moderne, vous êtes ce qui manquait, bravo, bravo, et 1 000 bravos.

    Le pire du pire est que nous, Pro Israéliens, Pro Sionistes, avons perdu la jeunesse, la jeune génération pleine de la fougue adolescente plonge littéralement dans les bras des (ah même les citer m’écœure, disons : ) cyber-néo-faf-teubé, dans la guerre des mauvais élèves contre les bons élèves les jeunes choisissent toujours les mauvais, d’où le dicton, si à 20 ans tu n’es pas communiste c’est que tu n’as pas de cœur, si tu l’es encore à 40 ans c’est que tu n’as pas de tête. Pour moi, la mission de root Israel est de prouver que le Sionisme est un choix de cœur et de tête. Inutile de s’attarder sur les ennemis déjà convaincus par le mal, mais si capital de ramener à nous et vers le juste les nouvelles générations. Et cela, c’est ce que vous faite à merveille. Montrez aux jeunes générations que le Sionisme est une idée à la fois moderne et très révolutionnaire, dynamique, dissidente, pour le bien et contre le mal, pleine de justice, mais que celle ci n’est pas le luxe fade de l’offuscation adolescente, mais l’efficacité salvatrice, le grand rêve de paradis terrestre, l’humain a le grand potentiel de la perfection intellectuelle et sentimental, que ce potentiel soit norme, quotidien et raison d’être.

    Bien à vous.
    Bisous.

    Laurent.
    PS : dyslexique ayez de l’indulgence avec mon orthographe.

  2. Chère Sophie,

    Je pense que vous avez tout faux. C’est précisément ce type de discours qui encourage la vision d’une « exception israélienne », laquelle ferait l’objet d’un deux poids, deux mesures au sein de la communauté internationale et dans les couloirs de l’ONU aussi bien qu’au comptoir du café du coin. D’une part, on voudrait qu’Israël, et a fortiori le conflit israélo-palestinien, soit traité de manière dépassionnée et moins clivante. En bref, comme n’importe quel autre Etat-nation dans le monde. D’autre part, on appliquerait une censure bienveillante afin de ne pas « apporter de l’eau au moulin » aux détracteurs de l’Etat hébreu ? Non, non et non : car c’est précisément cette bienveillance biaisée qui encourage toute sorte de fantasmes sur les soi-disant privilèges dont jouit Israël auprès de ses alliés occidentaux, dont au premier chef les Etats-Unis. Israël ne doit pas être une « exception », sa vitalité démocratique en dépend !

    Par ailleurs, en se retenant de critiquer la politique israélienne, car c’est plutôt de ça dont il s’agit plutôt qu’Israël en tant qu’Etat, on cautionne d’une manière les choix d’un gouvernement qui ne pourrait que se sentir conforter dans sa posture actuelle. Or, Israël, démocratie balbutiante s’il en est, a besoin avant tout de cette autocritique, plutôt qu’un chèque en blanc de la part de ses citoyens, voire de la diaspora juive. Seule cette autocritique -et une volonté plus ferme de la part de Washington- sera à même de résoudre un conflit enlisé et enfermé dans un carcan réducteur qu’est la vision du gouvernement Netanyahu.

    Quant aux détracteurs, laissons-les parler ! Oui, ils seront confortés dans leurs opinions parfois nauséabondes et continueront peut-être de l’être pendant longtemps. Israël se grandit toutefois d’abriter dans son sein une véritable émulation d’idées contradictoires qui prouvent, à chacun, que d’autres chemins peuvent être empruntés. Et lorsque ces voix contradictoires, nos voix contradictoires triompheront, alors ces antisionistes, dont certains s’avèrent des antisémites notoires, se trouveront ridicules : car oui, c’est aux « patriotes, critiques, sionistes, plutôt pas bêtes… » qu’il revient de prouver qu’un autre Israël est possible, en paix avec ses voisins, bien loin des basses idées de revanche véhiculées ad nauseam en terre sainte.

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