Julien Dray, ancien député, l’avait envisagé. Dans son livre Qui est Mélenchon ?, paru il y a quelques mois, il imagine un duel fictif au second tour, un affrontement entre ces deux forces, mais face à Marine Le Pen – une figure dont le rêve présidentiel semble s’être éteint pour de bon ces derniers jours. Sa démarche a inspiré l’écriture de ce scénario, où la fiction donne vie à un récit qui déroule les 72 heures qui suivent l’annonce de la victoire du RN au élections présidentielles de 2027.
Mais derrière cette hypothèse, une vérité palpite, fragile, déchirante. La communauté juive est divisée, profondément. Une partie, poussée par la peur, s’est tournée vers le RN – un vote polémique, brûlant, né de l’explosion des attentats antisémites, d’années où les insultes, les coups et les morts se sont accumulés, face à un pouvoir en place et des partis qui n’ont ni entendu leur détresse ni su y répondre avec la vigueur qu’elle réclamait. Ils ont cru en un RN fort, protecteur, un parti qui promettait de briser ce cycle et d’effacer son passé trouble.
Le scénario, derrière la polémique de dédiabolisation du RN – réelle ou opportune – émet l’hypothèse que derrière l’arbre, se cache une forêt…une forêt plus sombre, un piège que presque personne n’a vu venir. Ce choix, ce pari désespéré, précipite les juifs de France, dans une réalité qu’ils n’avaient pas imaginée : un RN au pouvoir, englouti par une tempête qu’il a lui-même attisée, incapable de tenir parole ; et face à lui, une rage ancienne, ranimée, qui fait des Juifs les coupables de tout, les jetant dans un brasier qu’ils n’ont pas allumé. Ce n’est qu’une histoire, un cri dans l’ombre – mais ses échos résonnent. Et si demain nous y étions ? »
Dimanche 2 mai 2027, 20h03. Second tour des présidentielles, Mélenchon contre Jordan Bardella. Les écrans s’allument, implacables : « Jordan Bardella, 52,3 % ».
Le chiffre s’affiche, irréel, comme un couperet suspendu au-dessus de nos têtes. Dans chaque maison, chaque centre communautaire, chaque synagogue à travers la France, tous sont réunis, les yeux rivés aux écrans. Soudain, les téléphones sonnent…partout ; les mains tremblent, les doigts fébriles s’agitent sur WhatsApp : « Ça va être la guerre civile ! » « Il va y avoir des émeutes partout !!! » « C’est la merde, restez chez vous. » Les mots s’entassent, frénétiques, dans un bourdonnement de peur.
À 20h13, un fracas déchire Belleville – une synagogue, ses vitres qui explosent en éclats scintillants, un cri rauque : « Les Juifs ont voté Bardella ! » La nuit s’ouvre comme une plaie béante, et quelque chose d’innommable s’y engouffre.
À 21h, Jean-Luc Mélenchon apparaît sur X, visage crispé, presque fiévreux : « Ce scrutin est une trahison. Que la rue se lève ! » Sa voix, un grondement sourd, résonne dans les haut-parleurs. Louis Boyard, sur TikTok, hurle, les yeux exorbités : « On ne laissera pas les sionistes et leurs chiens nous écraser ! » Les mots claquent, secs comme des coups de feu, et dans les cœurs, c’est une étincelle sur de la poudre.
Nuit 1 : Les synagogues visées
22h30. La Grande Synagogue de Paris, rue de la Victoire, se dresse encore, majestueuse, mais fragile sous les lampadaires vacillants. Une foule masquée et enragée surgit, les portes cèdent dans un craquement sinistre, les vitraux centenaires s’effondrent en pluie de verre, éclats tranchants qui scintillent sous les flammes naissantes. « La France se libère ! » beugle un type, torche à la main, sa voix noyée dans le vacarme des coups. À l’intérieur, une poignée de fidèles, blottis dans une salle de prière, retiennent leur souffle – les murs vibrent, les prières se brisent contre les hurlements. À minuit, l’odeur âcre de la fumée envahit tout. Le feu dévore les rideaux, les bancs, les âmes. Deux corps, un couple âgé, sont retrouvés dans les décombres, enlacés, figés dans une étreinte muette…
Sarcelles, 23h47. La synagogue Beth Hamidrash, un refuge discret au milieu des tours grises, vacille sous les assauts. Une bande armée de barres de fer s’acharne sur l’entrée – le métal claque, résonne, un écho de fin du monde. Esther Cohen, 53 ans, se tient là, fragile mais droite, un sefer Torah dans les bras comme un bouclier. Une barre s’abat, un craquement sourd, elle s’effondre, son crâne éclaté laissant une flaque rouge sur le sol sacré. Son fils, 15 ans, planqué sous un banc, serre les dents, les larmes brûlantes, le souffle coupé par la peur et la rage. Sur Telegram, Abdelkader Belkacem, prêcheur islamiste , ricane dans une vidéo : « Les Juifs ont choisi leur maître, qu’ils brûlent avec lui ! » À minuit, l’horreur s’étend, une odeur de fer et de cendres dans l’air.
Jour 2 : Les quartiers juifs en feu
8h. Le Marais se réveille, mais pas comme d’habitude. Les rues pavées, d’ordinaire pleines de rires et de pas pressés, sont vides, hantées par un silence qui glace les os. Les volets claquent au vent, les enseignes casher oscillent, solitaires. À 8h40, un rugissement monte de la rue de Birague. Une foule déferle, des ombres furieuses aux yeux injectés de haine. La synagogue des Tournelles, ses murs blancs si familiers, devient une cible. Les cocktails Molotov sifflent dans l’air, explosent en gerbes orangées, les flammes lèchent la pierre, noircissent les vitres. Nathan, 17 ans, un gamin aux boucles brunes, tente de fuir par une fenêtre – ses baskets glissent, son cri s’étrangle. Une lame surgit, six coups rapides, brutaux, son sang éclabousse le pavé, une flaque rouge qui miroite sous le soleil pâle. La scène, filmée, tourne en boucle sur TikTok, des rires en fond sonore.
À 16h, sur LCI, Caroline Fourest, livide, les mains tremblantes, bredouille : « Les autorités sont dépassées, on n’a rien vu venir, c’est… incontrôlable. » Sa voix se casse, un murmure noyé par le chaos. Un député RN, en plateau, bafouille, les yeux fuyants : « C’est eux les responsables…pas nous. Ils refusent le résultat des urnes. » À Strasbourg, 18h, le quartier de la Meinau s’embrase. La synagogue locale, un havre discret, est pillée – les bancs volent en éclats, les livres saints sont déchirés, piétinés dans une fureur aveugle. Une famille, les Lévy, barricadée au sous-sol, entend les cris à travers les murs : « Vous avez voulu Bardella, crevez ! » Les enfants pleurent en silence, les parents serrent les poings, le cœur battant à se rompre.
À 19h, une vidéo circule, portée par Tariq al-Husseini, imam radical : « Les sionistes ont trahi la France. Que leurs temples s’effondrent ! » Sa voix, un venin glacial, électrise les foules. Delphine Horvilleur, rabbin, s’effondre sur RTL, les sanglots hachant ses mots : « On tue nos frères sous nos yeux, où est l’humanité ? » L’horreur suinte, palpable.
Nuit 2 : La traque et l’exode
22h, Sarcelles. La synagogue centrale, déjà blessée, vacille sous un nouvel assaut. Une foule de 300 âmes déchaînées, torches crépitantes et battes en main, hurle une rage brute, animale. David Cohen, 42 ans, père de trois gosses, tente de fuir avec sa famille. Les tuiles glissent sous ses pas, son corps bascule, s’écrase sur le bitume dans un bruit mat, sous les rires gras d’en bas. Sa femme, dans une cave, étouffe les pleurs de ses enfants, les doigts crispés sur leurs bouches, le souffle suspendu.
À minuit, une lettre clandestine circule, griffonnée par 148 rabbins et intellectuels : « Les Juifs de France demandent d’urgence l’asile politique à Israël. » Chaque mot cogne, un glas dans la nuit.
Lille, Paris, Strasbourg, Marseille…un peu partout en France, les synagogues sont prises pour cible. Totalement anéanties, consumées par des flammes voraces, elles ont succombé à des brasiers monstrueux. Aux premières lueurs de l’aube, vers 6h30 le matin, parmi les ruines encore fumantes de l’une d’elles, les pompiers extirpent trois corps, dont celui d’Eden, un enfant de 9 ans… À la radio, son nom, murmuré, déchire les ondes, porté par un sanglot collectif. La France étouffe.
Jour 3 : L’effondrement
7h. Haïm Korsia, grand rabbin, s’effondre sur Radio J. Sa voix, un râle brisé : « Fuyez, sauvez vos vies. » Les routes vers la Suisse et la Belgique se noient sous les convois juifs – des valises jetées à la hâte, des pleurs d’enfants, des pneus qui crissent. À Strasbourg, un barrage surgit, sauvage, impitoyable. Une famille s’arrête, supplie. Cinq corps tombent, dont un bébé de 8 mois, égorgé sous les yeux de sa mère. Son hurlement déchire l’aube, un son qui ne s’efface pas. À Paris, le Marais n’est plus qu’un tombeau – synagogues noircies, fenêtres béantes, verre brisé qui crisse sous les pas.
À 12h, le CRIF hurle pour une protection, un cri dans le vide. Bardella, en allocution, ânonne, les yeux creux : « L’ordre reviendra. » Sa voix flotte, un écho sans poids. À 15h, Le Monde placarde : « La France s’effondre dans la haine. » À 18h, les chiffres claquent : 1758 morts, 5412 blessés, tous juifs. La France, pantelante, fixe son abîme, les mains vides….