[avatar user= »Lauriane ITOUA » size= »thumbnail » align= »left » link= »https://rootsisrael.com/auteur/l-i-m/ » target= »_blank »]LAURIANE ITOUA[/avatar]
Comme j’en avais marre d’entendre des trucs sur Israël et de me faire des films, j’y suis allée. Le tournage s’est déroulé en mai dernier.
Lieu de séjour : Hôtel Palmhotel, près de la porte de Damas
Rapport qualité/prix : pas cher, mais ne compte pas y dormir (bruit jusqu’à 3h du mat)’.
Hôtes : Arabes israéliens
Autres figurants : gens du monde entier
Repas : pita, houmous, tehina, café turc, chicha et fruits du marché juste en bas (prix de la pastèque à la tête du client)
Ton guide s’appelle Sam, c’est un arabe israélien que tu as rencontré à la Porte de Sion. Il te fait un prix pour visiter Massada, la Mer Morte, Jericho, Bethléhem et Ein Gedi (il hésite à rajouter le Gan Eden) pour 100 shekels. Tu as le droit à ton bain de boue, tu flottes sur la Mer Morte (ça tombes bien tu sais pas nager), elle te pique les lèvres tant elle est salée, évidemment la veille tu t’es égratiné le doigt donc tu souffres ta race, tu vois des gens se baigner en maillot de bain à côté de gens qui se baignent tout habillés.
A Bethléhem, dans l’Eglise de la Nativité, les gens se pressent pour approcher « le lieu », il faut faire la queue longtemps pour descendre un petit escalier minuscule et humide. Les gens sont en pleurs. Certains s’évanouissent. Tu risques l’étouffement donc tu ressors.
Massada restera gravée dans ta mémoire. T’as le sentiment de passer de Secrets d’Histoire à National Geographic tellement c’est beau. Tu ramasses quelques pierres de cette terre rouge, t’as le sentiment d’avoir volé un tableau dans un musée mais tu t’en fous. T’es tellement proche du ciel que t’es sûre qu’Il t’a vue, tu lui fais un clin d’œil, genre : c’est juste un petit souvenir.
Tu passes le check-point dans la voiture de ton guide arabe qui te dit de dire que toi et tes copines vous êtes des amies. Mais on ne vous a rien demandé.
Tu vois ce fameux mur que certains médias appellent « de la honte ». Ce mur qui n’est parfois qu’une petite clôture même si on aime en France y voir la Muraille de Chine. Entre deux « fucking jews» (un avant la frontière et un après), Sam te raconte quelques anecdotes en anglais (il parle cinq langues) et insiste bien sur le fait qu’il n’y a aucun risque à traverser la frontière avec un Palestinien.
A la fin de la journée il t’offre des petits tubes de crème Ahava, te montre comme ta peau sera douce en t’en mettant une noisette sur la main puis tente de t’en vendre un carton qu’il a dans son coffre. Il a une femme, deux enfants, il te montre des photos. Il drague une de tes copines, lui fait la sérénade : ils parlent arabe tous les deux mais visiblement pas le même. Il en profite pour lui vendre deux keffiehs pour 40 euros (vendus 10 à Jerusalem). Tu n’a jamais vu la couleur de l’oasis d’Ein Gedi et pour Jéricho il avait oublié de te préciser que la visite de la vieille ville était payante et non comprise.
A Jérusalem, tu vois des juifs d’Asie au Mur où on ne se « lamente » pas, des arabes chrétiens à l’Eglise de Toutes les Nations, un homme qui se prend pour Jésus (cf. « Syndrome de Jerusalem »), des femmes africaines en pleurs qui chantent en parcourant le Chemin de Croix, des musulmans vendre des Ménorah en cuivre et des Shalom en bois, des soldats multicolores partout sans que tu te sentes en mode « Vigipirate Force Ecarlate ». Des blacks qui étudient à la yéshiva près du tombeau du Roi David te proposent de sortir le soir à Jérusalem (tu refuses, tu ne voudrais pas que ton charme fou les éloigne de la Torah).
Tu papotes peinture avec un orthodoxe dans une galerie d’art dans le quartier juif en t’imaginant qu’un jour tu pourras y exposer tes chefs d’oeuvres, prends thé et chicha dans le quartier arabe, changes de la monnaie dans le quartier arménien, rencontres une femme antillaise venue seule de la cité de La Courneuve à Grigny pour prier. Elle montre une photo d’elle à ta copine et lui dit : « tu la vois ? » Elle répond « qui, vous » ? La femme lui dit : « Non, la Vierge Marie, elle est là à côté de moi sur la photo ». Ta copine ne voit rien mais la dame insiste, elle ne veux pas la mettre mal à l’aise alors elle dit : « Ah oui, j’avais pas vu ! » Le lendemain, on te propose d’entrer dans son tombeau, tu refuses poliment. Le prêtre qui comprend dans ton refus que tu n’es pas chrétienne te demande si tu es musulmane, tu lui dis non, tu ne veux juste pas la déranger.
Tu restes enfermée avec une de tes copines dans la citadelle de la Tour de David parce que tu n’as pas vu l’heure passer, tu étais trop occupée à contempler la vue et à faire des photos. Le gardien est parti et a fermé la boutique sans te prévenir. Il y avait un panneau avec les horaires que tu n’as pas lu. Ca fait plus d’une heure que les visites sont terminées. Tu penses à sauter dans les douves et à escalader les remparts (d’ailleurs tu essayes de grimper sur la porte royale pour décrocheter le cadenas qui fait le double de ton poids mais sans succès). Finalement tu trouves, par miracle, une autre sortie de l’autre côté.
Au Kotel personne ne te regarde de travers, personne ne te demande si tu es juive et ce que tu fais là puisque tu ne l’es pas. Du coup, tu as envie de te fondre au milieu des femmes, de poser ta main sur ses pierres et d’y glisser une prière pour la guérison de quelqu’un que tu ne connais pas. Tu te demandes si quelqu’un lit ces millions de papiers. Tu imagines les prières qui s’y trouvent et tu te revois à 6 ans expliquer à ta voisine de 9 ans (qui veut te casser ton délire) que le Père Noël existe et que si elle ne reçoit pas de cadeau c’est justement parce qu’elle n’y croit pas. Malheureusement, pour ta prière, le Père Noël n’a rien pu faire.
Tu repars de là avec un fil rouge à chaque poignet, trois bénédictions, un mini livre des Psaumes de David que le monsieur de la galerie d’art t’as offert et dans lequel il a ajouté une pelote de laine rouge : de quoi protéger toute ta famille d’Afrique et d’Europe de l’Est.
Un sentiment fort plus qu’une certitude : tu n’oublieras jamais Jérusalem.