L’antisionisme, raccourci moderne vers l’antisémitisme

Fait rare chez Rootisrael, nous avons décidé republier «  »Je suis Charlie, mais… » et le combat contre l’antisémitisme, de Bernard Maro (Directeur de recherche CNRS membre du bureau de La Paix Maintenant), tribune parue le 1er Juin dans le Huffington Post. Ce texte nous a bouleversés. Bernard Maro, réagit à une tribune dans libération qui a mélangé Shoah, Israël, sionisme, Charlie, et politique.


 

Près de cinq mois après les meurtres de dix-sept personnes par des terroristes islamistes, une partie de l’intelligentsia française s’est déconsidérée en minimisant les responsabilités des tueurs et en dénigrant les victimes au nom d’une solidarité avec ceux qu’elle considère comme les vraies victimes de ces évènements, les vrais damnés de la terre, en proie à « l’islamophobie » (par exemple, voir la double page du Monde du 15 janvier 2015 ou le numéro de l’Obs consacré au livre d’E. Todd).

La portée symbolique de ces assassinats, journalistes, policiers, juifs, massacrés au nom d’une idéologie totalitaire et raciste, semble leur avoir totalement échappé. La réponse apportée par de très nombreux français, de toutes origines, de toutes croyances, qui ont mis en avant leurs points communs et non leurs différences, leur attachement aux valeurs de la République, liberté, égalité, fraternité, leur attachement à la liberté de pensée, leur rejet du terrorisme, du racisme et du totalitarisme, a été calomnié par des intellectuels qui cheminent, certains depuis des années, auprès de représentants de cette idéologie totalitaire, sous sa forme la plus civile, bien entendu.

Cette offensive, qui a culminé avec la parution d’un livre qui prétend être une analyse scientifique de ces évènements mais n’est rien de plus qu’un pamphlet, a conduit à la mise en évidence d’une fracture entre deux gauches qui s’éloignent de plus en plus. Cette gauche des « je ne suis pas Charlie » vient de publier un texte s’intitulant « Combattre l’antisémitisme et condamner la politique israélienne » où elle a réussi à entraîner des signataires dont l’attachement laïc et républicain est évident. Mais que nous dit ce texte, en dehors de son titre?

Tout d’abord, cette tribune débute par une formule étrange: « Ayant accueilli des Juifs victimes de l’antisémitisme et des survivants du génocide perpétré par les nazis, l’Etat d’Israël a le droit de vivre en paix et de voir ses frontières reconnues. » Le droit a l’existence de l’État d’Israël serait donc lié exclusivement au statut de certains de ses citoyens victimes de la Shoah. On entre ici dans une dialectique terriblement perverse qui renforce indirectement le négationnisme: si la Shoah est un mythe, alors Israël n’a plus aucune légitimité. Enfin, à la fin de la guerre, l’État d’Israël ne pouvait pas accueillir les survivants, vu qu’il n’existait pas. Ce sont eux, parmi d’autres, qui ont contribué à le créer. -au nom d’un idéal largement antérieur à la Shoah.

Le titre nous dit « combattre l’antisémitisme », mais il n’est fait mention de l’antisémitisme dans le texte que sous cette forme: « Nous sommes préoccupés, en France, par la montée de l’antisémitisme et des autres formes de racisme, et nous les combattons. Mais nous nous élevons aussi, avec force, contre tous ceux qui se servent de l’argument de l’antisémitisme pour refuser de critiquer la politique désastreuse menée par Nétanyahou. » Comment le combattre ? Rien n’est dit. En fait, le problème est lié à l’utilisation de l’argument de l’antisémitisme par les partisans de Nétanyahou. Rien sur l’antisémitisme du Hamas et de certains groupes pro-palestiniens (ni d’ailleurs sur celui de l’extrême droite traditionnelle), cet antisémitisme qui se diffuse en France au nom de la Palestine, cette haine qui tue des juifs parce qu’ils sont juifs.

En revanche, en ce qui concerne la condamnation de la politique israélienne, les choses sont claires. Même s’il y est fait état de certaines divergences: « Nous demandons aussi que cesse toute poursuite contre les militants qui appelleraient au boycott des produits israéliens (nous soulignons), même si certains d’entre nous ne sont pas favorables à un tel boycott. » Cela légitime toutes les formes de boycott, ne le limite pas aux produits des colonies et encourage le boycott et le harcèlement d’artistes et d’universitaires simplement parce qu’ils sont israéliens ou parce qu’ils vont se produire en Israël.

Ce texte, qui utilise, du bout des lèvres, le paravent de l’antisémitisme, afin de n’attaquer qu’une des parties en cause dans ce conflit, n’est pas un véritable appel à la paix ni une analyse politique de ce conflit, mais une tribune partisane, qui, malgré son titre, ne tient pas compte de ce qui s’est passé au mois de janvier et dont on pouvait penser que le manichéisme qu’elle exprime avait disparu. J’aimerais conclure par cette phrase de Camus: « Lorsque la violence répond à la violence dans un délire qui s’exaspère et rend impossible le simple langage de raison, le rôle des intellectuels ne peut être, comme on le lit tous les jours, d’excuser de loin l’une des violences et de condamner l’autre, ce qui a pour double effet d’indigner jusqu’à la fureur le violent condamné et d’encourager à plus de violence le violent innocenté. »


http://www.huffingtonpost.fr/bernard-maro/je-suis-charlie-lutte-contre-antisemitisme_b_7468156.html

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