[avatar user= »Dov Maimon » size= »thumbnail » align= »left »]DOV MAÏMON[/avatar]

Les billets politiques sont fournis par des chroniqueurs indépendants. Les opinions, les faits et tout le contenu des médias qui y sont présentés représentent uniquement les auteurs, et à ce titre n’engagent qu’eux-mêmes.

Ce texte a été publié en avant-première sur le site Rootsisrael.com, la veille de sa publication officielle sur le site du CRIF.


 

Les français d’Israël – et en particulier ceux qui ont immigré de France durant les quinze dernières années – ont en grande majorité souhaité la réélection de Benjamin Netanyahu. Déçus par l’attitude des politiques français face à l’islamisme et l’antisémitisme, beaucoup voient en Bibi un dirigeant politique charismatique doté d’une capacité à affirmer avec une assertivité rare la cause d’Israël à la face du monde et savent que ses concurrents en politique n’ont pas cette compétence exceptionnelle. De plus, comparant la réussite de l’économie d’Israël face à la faillite de l’économie française, ils ne comprennent pas pourquoi la plupart des médias israéliens et analystes politiques sont tellement critiques envers celui qu’ils considèrent à juste titre comme un héraut du peuple juif.

La résonnance entre les immigrants français et la rhétorique droitière

Plus généralement, frustrés  par des années d’influence politique extrêmement limitée en diaspora, les nouveaux immigrants apprécient souvent la rhétorique droitière israélienne qui paraît plus rigoriste et claire que le discours en « flou artistique » des politiciens de la gauche israélienne. Après des années de précaution langagière sur les sujets sensibles et d’évitement d’expression d’opinions pouvant être interprétés comme un manque d’allégeance à la communauté nationale, le nouvel immigrant – nouvellement possesseur d’un passeport israélien et donc enfin membre du groupe ethno-religieux majoritaire et souverain dans un état-nation bien à lui – apprécie le discours sans équivoque et sans circonvolution des politiciens de droite. C’est vrai qu’entendre Benjamin Netanyahu dire ses quatre vérités au Président Obama et se faire ovationné longuement par le congrès américain est d’une satisfaction narcissique rare pour tous ceux qui ont dû à un moment ou un autre de leur vie professionnelle avaler des couleuvres et n’ont pas pu ou su trouver les mots pour exprimer leurs intuitions les plus profondes sur la justice du combat d’Israël et du judaïsme. Pour dire les choses crûment, je dirais donc que la rhétorique droitière apporte une sorte de compensation narcissique au juif nouvellement rentré de deux mille ans d’errance. Et en effet quel que soit leurs pays d’origine les nouveaux immigrants votent proportionnellement plus à droite que les israéliens plus anciens. Souvent, ce sera quand les immigrants verront leur propres enfants partir à l’armée qu’ils commenceront à mieux comprendre les réticences des israéliens envers les discours va-t-en-guerre. 

Les analystes politiques de l’histoire de l’état hébreu, savent que rhétorique et pratique ne vont pas toujours ensemble et que ce sont les gouvernements « de gauche » qui ont réussi parfois sans heurter les grandes puissances à faire avancer les intérêts sécuritaires d’Israël là où les gouvernements de droite se sont mis à dos les grandes puissances. La maturité politique du sionisme c’est de savoir sa place de superpuissance régionale mais acteur secondaire dans la cour des grands de l’échiquier international, de faire usage de diplomatie et de savoir derrière un discours plus consensuel au niveau international veiller aux intérêts nationaux. Cela tous les chefs politiques israéliens le savent de par leurs années de contacts avec l’administration américaine et c’est le b.a.-ba que ne comprennent pas toujours les nouveaux immigrants aspirant à juste titre à une politique claire et sans équivoque en matière de géopolitique.  

Je vais essayer de présenter ici pour ces nouveaux venus en Israël et pour leurs coreligionnaires de la métropole, quelques-unes des inquiétudes des « israéliens plus anciens » et notamment celles des analystes issus de la gauche israélienne. Mon but n’est pas de prendre parti dans ce débat mais de nuancer les accusations d’accusation de manque d’enthousiasme patriotique qu’on entend parfois parmi les israéliens « néophytes » envers les sabras et les immigrants plus intégrés. 

 

Le parti-pris anti-Netanyahu des médias israéliens

Si ce blog a une motivation d’éducation politique et je ne suis pas sûr qu’il en ait une, celle-ci consisterait à expliquer que le patriotisme n’est pas l’apanage de la droite israélienne. Malgré les perspectives différentes et les inévitables ordres du jour personnels, l’immense majorité des dirigeants politiques israéliens est consciente des enjeux sécuritaires et aucun d’eux n’est prêt à mettre en danger la sécurité de son pays pour une gloire personnelle passagère. Il est possible que les anciens soient en effet quelque peu épuisés par les guerres successives et que les nouveaux venus vont rajouter un patriotisme renouvelé – ça a été le cas des immigrants russes – mais quoi qu’il en soit il est important de ne pas mépriser les critiques de ces généraux qui en savent autant que le premier ministre israélien sur les dangers militaires qui guettent l’état hébreu et pourtant prônent une approche différente de la sienne. 

Voici donc un premier fragment d’analyse : 

Treize jours ont passé depuis les élections israéliennes et les inquiétudes sur les implications politiques de la réélection de Benjamin Netanyahu se sont confirmées. 

Les États Unis se sont désolidarisés d’Israël à l’ONU sur une première décision qui peut en annoncer d’autres et pourraient pour la première fois laisser l’Europe imposer ses intentions de boycott économique de l’état hébreu. 

Pour les analystes gauchisants israéliens, Benjamin Netanyahu pourrait voir pendant son mandat la réalisation de ses deux plus grandes hantises. L’Iran atteindrait le seuil de l’arme nucléaire et la communauté internationale imposerait contre son gré à Israël un état palestinien non désarmé aux frontières de 1967.  L’élection de Netanyahu aurait été en quelque sorte une victoire à la Pyrrhus. 

Le Président Obama aurait pu considérer les déclarations de Benjamin Netanyahu sur la caducité de son soutien à une solution à deux états comme un propos électoral. Mais il en a décidé autrement. Il a préféré considérer que cette déclaration est celle qui est pertinente, positionner le premier ministre israélien comme réfractaire à la résolution du conflit et s’engager dans un modèle de pressions politiques et économiques. La communication difficile entre Jérusalem et Washington est également perçue par les analystes gauchisants israéliens comme une perte d’influence sur le dossier critique iranien. 

On peut reprocher beaucoup de choses à la gauche israélienne et on peut douter du succès des accords d’Oslo mais on doit reconnaître que la rhétorique pacifique a permis à Israël de se consolider grandement et d’éviter de se mettre à dos les gouvernements occidentaux obsédés par le conflit israélo-palestinien. 

Le discours clair du premier ministre à la veille de sa réélection sur son rejet d’une solution politique [avec les acteurs palestiniens existants et dans le contexte géopolitique moyen oriental instable que l’on connaît] a plu à son électorat mais a mis dans l’embarras un grand nombre de politiciens européens qui se plaisent à s’accorder en privé avec ce constat mais qui ne peuvent en public soutenir un tel discours sans se mettre à dos un électorat pro-palestinien et se créer au sein de populations musulmanes pleines de ressentiment des problèmes de politique intérieure. 

Si au moins Netanyahu n’avait pas obtenu un score aussi sensationnel, il aurait pu dire à ses partenaires de droite qu’il est obligé de continuer un processus de paix contre son gré. Mais son succès l’enferme. L’alternative serait ce gouvernement d’union nationale qui permettrait de ne pas se froisser avec les pays occidentaux et de continuer d’éviter les boycotteurs obsédés par l’obsession anti-israélienne. 

Quelles que soit la validité de ces critiques, il faut les replacer dans leur contexte post-électoral de refus d’acceptation de l’échec du camp de la gauche. Un gouvernement de droite à l’israélienne n’est jamais vraiment radical et notre nouveau-ancien premier ministre, champion de la politique politicienne, saura manœuvrer avec les acteurs internationaux et fera avancer au mieux les intérêts de l’état hébreu et du peuple juif. Par ailleurs et malgré leurs rhétoriques pro palestiniennes, les américains et les européens ne vont pas non plus, si vite que ça, se mettre à mal avec le seul état stable de la région. On ne sait pas quelles seront les positions des futurs présidents américains et français envers israel mais les choses évoluent vite et il semble assez probable que la plestinolâtrie a fait son temps et que de moins en moins d’opinions publiques – même en Europe – soutiendront inconditionnellement dans les années à venir les régimes arabes corrompus du Proche Orient.

Dans ce pays qui respire l’énergie, chaque jour apporte un nouveau développement et les choses prennent leur place globalement – en tout cas jusqu’à présent – dans une direction assez positive. 


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