Il faut que je vous fasse une confession. Je suis une maniaque. Quand j’ai entrepris d’écrire cette rubrique, il y a quelques semaines, je regardais des films au gré de mes envies. Je continue toujours à le faire, mais d’une façon légèrement plus obsessionnelle.
Ces derniers jours, j’ai décidé de voir tous les films d’Eytan Fox, un des réalisateurs israéliens les plus connus, notamment à l’étranger. Il y a une semaine, je n’avais vu qu’un seul des … films réalisés par Eytan Fox. Aujourd’hui, j’en ai vu quatre autres, plus son film de fin d’études et j’ai revu celui que j’avais vu au cinéma à sa sortie en 2004 : Tu marcheras sur l’eau. Et puisque je le mentionne, je me dois de faire une petite remarque, qui m’a été soufflée par mon meilleur ami, le plus grand critique de cinéma de l’histoire : pourquoi les distributeurs français se sentent-ils dans l’obligation de traduire le titre d’un film israélien sur un mode 10 commandements ?! Le titre du film en hébreu se traduit par « Marcher sur l’eau » ; de même, le film (pas de Fox celui-là) sorti en 2009 dont le titre original signifiait « Les yeux grand ouverts » a été traduit par : Tu n’aimeras point. On n’est pas un peu dans le ridicule là ? Heureusement qu’ils n’ont pas fait ça pour chaque film israélien sorti au ciné en France, sinon on aurait une liste longue comme le bras de titres de films du genre :
Tu seras soldat et pédé
Tu vivras dans une bulle
Tu iras à Eilat et tu retomberas amoureux
Tu participeras à l’Eurovision
Bon je m’arrête aux films de Fox, c’est mieux pour ma santé mentale et la votre, accessoirement.
J’ai donc vu la quasi-totalité des films de Fox, et mon verdict est le suivant : il n’est certainement pas le plus grand cinéaste de tous les temps, mais il a le mérite d’exister, de faire des films divertissants et de traiter de sujets qui, personnellement, m’intéressent. Petites fiches sur chacun de ces films :
Yossi et Jagger – 2002
L’homosexualité à l’armée et la mort des jeunes soldats : deux sujets lourds mais très importants en Israël. Apparemment ce film serait un des films cultes du cinéma gay et à juste titre. Même si, comme toutes les minorités, les gays apprécient simplement quand on aborde des sujets qui les touchent, ce film réalisé en 2002 ressemble tout de même à un Brokeback Mountain israélien avant l’heure. Une des premières scènes du film se termine en effet – après une bataille de boules de neige un peu ridicule – par un gros plan sur un baiser langoureux entre Yossi et Jagger, tous deux en uniforme. Une image très forte, surtout il y a plus de 10 ans, dans un pays où la religion et les tabous qui en découlent tiennent une place centrale.
La surprise du film : Amiel !!! Amiel de Hatoufim (Assi Cohen) est dans ce film !!! Furieuse envie de le serrer dans mes bras car c’est la première fois que je le revois après Hatoufim et pour moi, il sera toujours Amiel.
Les scènes : Vous l’aurez compris, le baiser dans la neige. Mais aussi, lorsque Jagger (attention, je dévoile quelque chose !) meurt et qu’Amiel (et oui, je l’appellerai toujours Amiel) comprend quelle était la relation entre le soldat mort et son commandant. Très touchant. Enfin, pendant la « Shiva » chez les parents de Jagger, Yossi choisit de ne rien dévoiler et de laisser les parents penser que Jagger avait une petite amie. Scène très dure où l’on ressent la douleur de Yossi et, à travers lui, celle de ces hommes et femmes qui se sentent obligés de se cacher.
L’acteur : Ohad Knoller (Yossi). J’ai découvert cet acteur dans la série Srugim et depuis, je l’ai vu dans beaucoup de films d’Eytan Fox. A ce jour, si on me demandait qui est le meilleur acteur israélien, je dirais Ohad Knoller et non pas Lior Ashkenazi, le plus connu.
Ne pas le voir si : Vous êtes un homophobe forcené.
Tu marcheras sur l’eau – 2004
Des nazis, du Mossad et du Lior Ashkenazi. Que demander d’autre ? Sans doute une fin plus fine.
Le plus de ce film : Lior, sans hésitation. Ses yeux violets, son humour, son accent quand il parle anglais, son incarnation parfaite de l’Israélien type, sublime, désagréable et cynique.
La surprise du film : Rafik, le barman palestinien homo qui drague le jeune Allemand, n’est autre que l’atroce Abdallah de Hatoufim (Yousef « Joe » Sweid). Dur de se concentrer ensuite sur le personnage qu’il incarne ici.
Ne pas le voir si : Vous êtes un homophobe forcené, un ancien nazi ou amoureux/se de Lior Ahskenazi (risque de décollement de la rétine).
The Bubble – 2006
Tel Aviv, ses jeunes, ses fêtes, ses homos, ses cafés cultes, ses manifs, l’amitié entre Juifs et Arabes, tout y est. Oui mais tout y est jusqu’à l’excès. Il faut que vous le sachiez, ça faisait plusieurs années que je rêvais de voir ce film, donc mes attentes étaient très hautes. On ne peut pas dire que j’ai été totalement déçue mais j’ai vraiment le sentiment qu’Eytan a tout misé sur ce film et plutôt que de s’en tenir à un sujet précis comme dans Yossi et Jagger, il a voulu parler de tout, au point d’aller beaucoup trop loin. Le début est pas mal, on croit à leur histoire, le film est plaisant à regarder. Mais, sérieux, (attention spoiler !) était-il vraiment obligé d’aller jusqu’à l’attentat suicide de l’amoureux palestinien ? Est-ce bien réaliste ?
La phrase : « Donc c’est comme ça que les Juifs embrassent ». J
L’acteur : Toujours le même, toujours Ohad Knoller, et ce malgré l’apparition éclaire du grisonnant-mais-toujours-aussi-canon-Lior et de la prestation sans faute de Yousef « Joe » Sweid dans le rôle d’Ashraf. Bon, je sais que ce n’est pas politiquement correct, mais je m’en fous je le dis quand même : il n’y a qu’un seul acteur arabe qui accepte de jouer dans les séries/films israéliens ??? Attention, je ne m’en plains pas, Yousef est un acteur formidable, mais ça devient un peu embarrassant au bout d’un moment, non ? En même temps, vous me direz, il n’y a certes qu’un acteur arabe, mais on peut aisément dire qu’il n’y a que trois ou quatre acteurs israéliens. D’ailleurs, à quoi bon écrire leurs noms de famille ? Désormais nous les appellerons Ohad, Lior, Assi, Yousef et… euh… non c’est tout.
Ne pas le voir si : Vous êtes un homophobe forcené.
Yossi – 2012
Yossi est la suite de Yossi et Jagger. Une dizaine d’années après la mort de Jagger, on voit Yossi, à la vie sentimentale éteinte, reprendre doucement goût à la vie en rencontrant Tom, un jeune soldat (incarné par un Oz Zahavi parfait). Yossi est selon moi, le meilleur des films de Fox. Ohad Knoller (Yossi) est toujours aussi juste, extrêmement touchant, on ressent son mal-être et sa peine comme s’ils étaient en nous. C’est à la fois l’histoire d’un retour à la vie, d’un deuil qui n’en finit pas, d’une solitude terrible, et en même temps une comédie romantique réussie.
L’acteur : Encore et toujours Ohad Knoller. Mais Oz Zahavi n’en est pas moins excellent et joue à merveille le jeune et beau mec légèrement aguicheur, charmant et sophistiqué. On a d’ailleurs très envie que l’histoire fonctionne.
La scène : Il y a de très belles scènes entre Yossi et Tom, et une scène très dure entre Yossi et les parents de Jagger à qui il avoue la vraie nature de la relation qu’il avait avec leur fils avant sa mort, mais une des scènes qui m’a le plus marquée est celle où Yossi se retrouve chez un bellâtre rencontré sur Internet. Ce dernier est imbuvable et met Yossi dans une situation très désagréable, révélant ainsi tous ses complexes, toute sa souffrance et la grâce de son jeu d’acteur.
Le plus : La chanson de Keren Ann « Lo dibarnou od al ahava ». (teaser avec la chanson sur ce lien)
Ne pas le voir si : Vous êtes un homophobe forcené.
Bananot / Cupcakes – 2013
Alors là, on sort du cadre. On sent que Fox a voulu se faire plaisir en changeant de registre. On est dans une histoire très légère, colorée, réconfortante et sincèrement, on passe un très bon moment. Un groupe de voisins-amis un peu à la dérive se réunit comme chaque année pour soutenir Israël à l’équivalent de l’Eurovision et se retrouve par hasard être le groupe sélectionné pour représenter le pays l’année suivante. C’est drôle, gai, original, à voir surtout en cas de déprime.
Le plus : La chanson, qui ne vous lâche pas plusieurs heures après le film.
Ne pas le voir si : (Attention SUSPENS intense) Vous êtes un homophobe forcené et n’avez aucun sens de l’humour ou du second degré.
Bon avant de vous laisser pour retourner à mes activités israéliennes, je vous laisse avec mes conseils du moment :
Les films à voir : Omar et Bethléem. Je n’en ai vu aucun des deux mais ce sont les deux films événements du moment, et je n’aime pas ne pas savoir de quoi il s’agit. J’imagine que vous aussi. Alors on y court !
La série à regarder : Perso, je rattrape mon retard et je regarde des séries plus anciennes en DVD, mais je suis aussi via Internet, la nouvelle série « Lihiot Ita ». Les acteurs sont beaux, on est immédiatement plongés dans l’histoire et on a très très envie qu’il se passe quelque chose entre Amos et Noah.
La musique à écouter : Evidemment, Arik Einstein. Nous sommes tous en deuils et n’avons d’autre choix que de l’écouter. Au risque d’être flagellé en place publique. Je n’ai pas besoin je pense de vous faire des recommandations. Je vous dirais simplement que Ani ve Ata est la première chanson que j’ai apprise en oulpan et que ses paroles et son air restent gravés dans mes premiers souvenirs de vie en Israël. Si vous en avez marre d’Einstein et de pleurnicher, vous pouvez écouter Eyal Golan avant qu’il ne soit en prison et que ça devienne aussi embarrassant que d’écouter le dernier album de Bertrand Canta.
Le livre à lire : Le dernier livre de Zeruya Shalev est sorti il y a peu en version anglaise. Le français pas encore. Si vous lisez l’hébreu ou l’anglais je ne saurais que trop vous recommander de le lire. Sinon, vous pouvez lire en français ses premiers livres, vous ne serez pas déçu. Je vous en dirai plus sur cette auteure très talentueuse dès que j’aurais moi-même lu le dernier.
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