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A la mémoire de Steven Joel Sotloff,
Pour le monde il ne sera qu’un énième journaliste égorgé par l’obscurantisme.
Pour une partie du monde musulman ce ne sera que le sang de l’infidèle qui devait être versé.
Pour le monde juif » qu’est-ce qu’un Juif a été faire là bas? »
Pour moi, c’était mon ami, Steven Sotloff Z »L, rencontré sur les bancs de l’Université.
Septembre 2005: je fais mon Aliyah de France, lui des Etats-Unis, avec chacun notre vision d’Israël et de l’Orient. Nous nous sommes rencontrés alors étudiants au Centre Interdisciplinaire d’Herzliya, le premier jour d’orientation. Il avait annoncé d’emblée la couleur en disant qu’il voulait être journaliste couvrant l’actualité moyen-orientale.
Je me souviens de ses analyses fines, plutôt de « gauche » comme l’on disait avant, mais tout à fait justes comme l’on dirait maintenant… C’est surtout le personnage qui marqua, Steve était imposant, large d’épaule, un côté nonchalant mais toujours sympa, vous saluant d’une poigne ferme avec un petit sourire prêt à lancer une petite blague… une personne qui allait jusqu’au bout de ses rêves.
Nos week-ends d’étudiants et de jeunes nouveaux immigrants étaient famille, soirées, Mais pour Steve c’était la Jordanie, la Cisjordanie, allant jusqu’au bout pour rédiger le bon papier, rencontrant toutes les parties, montrant une éthique totale dans son travail de journaliste. Etre étudiant semblait déjà accessoire.
Puis après avoir passé 6 mois au Yémen, pour apprendre un arabe pur, sans oublier qui il était, un Juif, petit-fils de survivant de la Shoah, il vibra avec ce monde arabe qui voulait se donner un brin d’espoir, Cette vague verte qui devint une déferlante noire.
L’Egypte, le Barhein, la Libye, la Turquie puis la Syrie… il y était pour écrire ce que les gens vivaient, avec l’espoir qu’une page se tourne. Bien que lui même usé, il continuait à l’espérer.
Il m’écrivit le 23 février 2013 dernier alors qu’il était à Homs en Syrie, et moi en poste à N’zérékoré aux confins de la Guinée: « C’est la profession que nous avons tous choisie, et nous en connaissons tous les conséquences. On ne sait juste jamais quand cela arrive. On se sent souvent invincible »
Nous nous sommes revus deux semaines avant son enlèvement, lors d’un court séjour en Israël, tous deux fatigués par nos expériences, heureux d’être à la maison mais avec cette soif de retourner dans ces pays lointains dans lesquels nous avions vécu.
Soif d’écrire pour expliquer, pour raconter, pour dire aux autres ce que vivent les autres. Etre Juif ce n’est pas être passif, subir, c’est se battre, et agir.
Ses dernières paroles ne furent pas les siennes, ses derniers mots écrits dans une lettre transmise en cachette, furent les siens. Ils continueront à résonner dans mon esprit comme je l’espère pour beaucoup d’autres:
«Chacun d’entre nous a deux vies: la seconde commençant lorsque l’on se rend compte que l’on en a qu’une.
Faites ce qui vous rend heureux, soyez là ou vous êtes heureux, foutez vous de ce que les autres disent, ou pensent de vous. Aimez et respectez-vous les uns des autres. Ne vous bagarrez pas pour des futilités. La vie est trop courte. Entourez-vous de gens forts et intelligents. Dinez ensemble en famille.
Sachez que je vais bien maintenant, vivez votre vie au maximum et battez-vous pour être heureux. Je vous aime, et vous me manquez, Je prie pour vous et j’espère vous revoir bientôt. Restez positif et patient. Dieu récompense ceux qui sont patients. Si nous n’avons pas l’occasion de nous revoir encore une fois, peut être que Dieu sera assez miséricordieux pour nous réunir au paradis »