Portrait d’un futur Juif pas errant

[avatar user= »israeltavor » size= »thumbnail » align= »left »]Israel Tavor[/avatar]

Cet été, je marchais dans les rues de Tel Aviv. C’était au début de la guerre. La valse des sirènes avait commencé depuis plusieurs jours, et je suis parti à la rencontre d’une personne.

Il venait en Israël pour la première fois avec l’un de ses amis d’enfance, et c’est la première fois que nous nous rencontrions.

Son nom est Yohann, il a 21 ans et il rêve d’Israël.

Et pourtant rien à sa naissance en 1993 ne l’y préparait. Il n’est pas né dans une famille juive, et c’est justement dans cette famille que va se nouer dramatiquement son destin.

Il y a un problème dans ce foyer et les services sociaux s’en rendent compte.

Ses parents biologiques se voient retirer sa garde alors qu’il n’a que trois mois.

Le verdict est sans appel: mauvais traitements, manque de soins.

C’est là que tout va changer pour celui qui n’avait pas les meilleures cartes en mains à sa naissance.

A l’âge de 9 mois son destin va basculer une première fois : il est placé dans une famille.

C’est Anne-Marie, assistance familiale, qui est en charge du bébé. Et elle va prendre cette responsabilité bien au-delà de ce qui lui est demandé. Au delà des soins, de la sécurité d’un foyer, de la chaleur d’une famille, c’est bien plus que Yohann résume ainsi:

« J’ai connu le bonheur »

Cette nouvelle famille est juive et Yohann va commencer à connaître les traditions et fêtes juives, sans forcer, sans obliger, sans volonté de convertir. Car l’un des traits essentiels de cette famille et d’Anne-Marie est la tolérance. Pas une tolérance théorique, pas celle des discours, mais une pratique réelle, concrète, la tolérance qui n’est pas une simple idée, mais une condition nécessaire et indispensable à la vie, sans angélisme, mais avec exigence.

Juifs, musulmans, chrétiens, athées tout le monde est accueilli et célèbre les fêtes de tous les voisins, et c’est dans cette atmosphère d’ouverture à laquelle Anne-Marie est viscéralement attachée que Yohann est élevé.

Ce judaïsme est celui d’une main tendue permanente, d’une curiosité envers l’Autre.

Yohann souhaite alors devenir Juif. Tout petit il voit les bougies de Hanukka s’allumer, il veut commencer à apprendre l’hébreu, prendre le nom de sa famille d’accueil, aller au Talmud Torah, mais c’est impossible, car il est un enfant placé et non pas adopté.

« Tes parents pourraient porter plainte » lui rappelle Anne-Marie.

A 13 ans alors qu’il souhaite faire sa bar mitsvah, pour cette même raison, elle lui est impossible…

J’arrive près de l’hôtel où je dois le rencontrer avec son ami.

Je le reconnais rapidement: il se déplace avec des cannes… il m’avait prévenu.

Alors que les autres enfants juifs faisaient leur bar mitsvah, à 13 ans le destin se rappelait à nouveau à lui.

Des difficultés à marcher se font sentir.

Le diagnostic tombe: il est atteint d’une maladie génétique rare, nommé Strümpell-Lorrain qui entraîne un affaiblissement musculaire des jambes et une hypertonie musculaire ayant pour conséquence une raideur dans les jambes.

Un chance, elle n’est pas mortelle, comme si Dieu avait décidé que sa vie ne devait pas être plus courte, mais un exemple pour les autres.

Comme une bar mitsvah, cette maladie a sonné aussi pour lui comme un passage direct à l’âge adulte…

Alors que nous marchions dans les rues de Tel Aviv, je me rends compte qu’il se déplaçait presque plus rapidement que moi, comme si aucune des difficultés rencontrées n’allaient l’empêcher d’avancer plus vite que les autres.

Presque un symbole du peuple juif: plus tu lui mets un handicap, plus il avance vite.

Aujourd’hui il est adulte, il a entamé des démarches pour une adoption simple, être enfin membre de la famille qui l’a toujours connu et aimé, entamé aussi une démarche de conversion, pour devenir pleinement ce qu’il se sent: juif.

Il a aussi l’impatience d’un jeune homme « Je voudrais tout faire tout de suite… » mais aussi une sagesse étonnante « … mais je sais que je dois être patient, construire les choses. »

Malgré la guerre qui s’annonçait, malgré les sirènes, il est venu en Israël. Rien ne l’aurait empêché de venir ici pour ce premier voyage. Il voulait voir Jérusalem… il veut y rester, concilier son envie de vivre en Israël, son projet de travailler dans le social, sa détermination, sa profonde joie de vivre, sa foi sincère en Dieu…

Souvent les convertis se demandent s’ils sont à la hauteur de devenir membre du peuple juif.

Certains me font me demander si c’est le peuple juif qui est à la hauteur d’accueillir certains convertis.

Yohann en fait définitivement partie.

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