[avatar user= »yaaahhh » size= »thumbnail » align= »left »]YORAM SALAMON[/avatar]
Texte publié pour la première fois le 13 mars 2013 (l’action et les chiffres mentionnés sont à situer à cette date. Depuis le groupe est à ce jour passé à 6679 membres et le 90ème est passé)
Il y a quelques jours, j’ai reçu une notification Facebook de l’un de mes contacts, Mathias V. : « Tu sais que tu as été aux EEIF quand…« . J’avais déjà vu depuis quelques semaines ce type de groupe exploser sur facebook. Du genre, » Tu sais que tu as été à Maimo quand… », « Tu sais que tu as été à Yabné quand… »…Mais bon, en tant que Lillois d’origine, ces groupes m’étaient restés totalement hermétiques, et j’avoue n’avoir pas ressenti une once de curiosité à me pencher sur le sujet. Mais là…c’était différent…
Ce groupe a réussi l’exploit en quelques semaines, de réunir plusieurs générations d’anciens des EI qui ne s’étaient ni vus, ni connus, ni reconnus, ni adressés la parole depuis des dizaines d’années, chacun y allant de sa petite anecdote en continuant la phrase qui intitule le groupe…Ce n’est pas 5, ni 100, ni 1000 personnes qui se balancent des souvenirs, mais à l’heure à laquelle j’écris 5265 anciens EI qui se rassemblent autour d’un fabuleux feu de camp virtuel.
Voilà 2 jours, que je passe mon temps à lire les posts, les commentaires des posts, les commentaires des commentaires des posts, à regarder les photos qui parfois remontent jusqu’à 30 ans en arrière. Et c’est vraiment du lourd. J’ai moi-même contribué à gonfler ce groupe de quelques unes de mes anecdotes qui ont recueilli beaucoup plus de likes aujourd’hui sur Facebook qu’à l’époque des faits, ou elles m’avaient plutôt valu un appel au mât…
Avant de continuer plus loin, je m’aperçois que je parle, je parle, mais il se peut que toi lecteur, peut-être exilé depuis tant d’années dans un autre univers, au Qatar, ou encore pire au BBYO, tu ne saches pas ce que signifie EEIF.
Il y’a deux façons d’éclairer ta lanterne pour t’aider.
1. La version Wikipédia
Les éclaireuses et éclaireurs israélites de France (EEIF) sont une association scoute française d’éducation juive, reconnue d’utilité publique. La devise du mouvement est : « pour le Bien, toujours prêts ! », son slogan : « Bâtisseurs d’identités depuis 1923, une aventure à vivre et à transmettre… ». L’association compte plus de 3 500 membres, dont 800 animatrices et animateurs bénévoles âgés de 17 à 25 ans. Le mouvement compte 55 groupes locaux sur l’ensemble du territoire national, qui organisent 60 camps d’hiver et d’été chaque année en France et à l’étranger.
Tu m’accorderas qu’on avait jamais aussi bien marketé un mouvement scout depuis que le scoutisme existe. Publicis ou DDB ont du travailler sur l’affaire c’est pas possible autrement.
2. La version : » Tu sais que tu as été aux EEIF quand… »
Et c’est là l’utilité de ce groupe. Ce groupe, c’est presque comme une private joke, comme quelque chose que de toute manière tu ne pourras pas comprendre si tu n’as pas mis au moins une fois un pied dans le mouvement. Mais ne le prends pas mal…c’est pas d’ta faute..peut-être celles de tes parents qui n’ont pas été assez persévérants lors de ton premier jour, en te ramenant à la maison, parce qu’ils n’en pouvaient plus de te voir te rouler par terre en hurlant à la mort pour ne pas rentrer chez les Bats. S’ils avaient persevéré, aujourd’hui non seulement tu comprendrais la suite de ce texte, mais ta vie aurait peut-être radicalement changé. Tes amis ne seraient pas tes amis, ta femme ne serait pas ta femme, tes enfants tes enfants…et ainsi de suite.
Enfin bref, si malgré tout tu décides de continuer ces lignes, tu auras été prévenu, et ne t’étonnes pas de te sentir après, tel un ashkénaze en plein milieu d’un office de Shabbat dans la Synagogue Tunisienne De Paris du 17 ème .
Les EI, c’est genre un truc qui même si t’es plus dedans, ne te quittera pas jusqu’à ton dernier soupir. Grâce aux Ei, je peux dire aujourd’hui sur cette page que j’ai :
- – gardé mes meilleurs souvenirs de vacances.
- – appris à construire des tables, des chiottes, des tables, des chiottes…
- – appris que moi qui n’aimais pas le poisson, je pouvais aimer les sardines et les thons.
- – appris à rouler une pelle, voire plus si affinités quelques camps plus tard.
- – fixé le regard d’une fille à travers les flammes d’un feu de camp.( Céline Ankar si tu me lis)
- – joué le début de « jeux interdits » à la guitare…je m’en souviens encore aujourd’hui…d’ailleurs c’est la seule chose que je sache faire avec une guitare…enfin musicalement parlant.
- – appris qu’avoir un tique dans la peau n’était pas forcément une tare.
- – appris à me servir d’une boussole et compris ce que me disait le gars en face de moi quand il me parlait d’azimut 180°
- – rencontré la femme avec qui j’ai eu 2 magnifiques enfants, alors que je ne savais pas qu’elle serait un jour ma femme, et qu’à l’époque les seuls mots que je lui avais adressé était » en fait t’es sympa »…(Fanny Feldmann si tu me lis 🙂)
- – appris des tas de chansons que mes gosses m’entendent fredonner parfois devant eux en me prenant au mieux pour un has been au pire pour un fou. (cf : Et le matou…, J’étais dans un Chateau fort…, aux Champs-Elysées, ma belle Gazelle…etc etc)
- – laissé une larme s’échapper de mes yeux en chantant d’une voix solennelle le chant du soir en compagnie d’une centaine d’autres EI.
- – compris pourquoi il y’a des foulards que je garde encore à 38 ans dans mon armoire, même si je ne les porte jamais.
- – compris que ma chambre que j’ avais quitté sans aucune larme 3 semaines avant le camp, était l’endroit le plus confortable du monde, et que la bouffe de mes parents la meilleure de tout l’univers.
- – persuadé mes enfants en les emmenant à leur première journée EI, que moi aussi un jour, à l’âge de 7 ans je me suis roulé par terre pour ne pas aller aux EI, que j’ai quitté 14 ans plus tard.
- – pleuré systématiquement quand je quittais des gens que je n’avais connu que 3 semaines ,mais dont je n’ai plus jamais voulu me séparer pour la vie…même si la vie nous a séparé…
- – organisé un resto, moi Zadek fidèle, dévoué et loyal à mon équipe le jour du 17 Tamouz.
- – décidé qu’une explo était aussi sympa en auto-stop qu’en voiture, malgré ce que pouvaient prétendre les animateurs.
- – compris que les animateurs étaient des être humains comme les autres, avec leurs peurs, leurs angoisses, leurs failles, remarquées notamment lors d’un retour d’explo avec mon équipe (j’étais Zadek), pour lequel nous avions organisé avec 3 villageois une fausse inspection du Ministère de la Santé et des Sports.
- – tapoté en vain sur Google ou Facebook, encore 20 ans après le nom de la fille dont je suis tombé éperdument amoureux une nuit sur le pont d’un bateau qui nous ramenait du camp de Suède (Alexandra Cohen de Cagnes-sur-Mer), si tu me lis…)
- – défoncé de manière tout à fait conventionnelle la tête de certains animateurs que je ne pouvais pas encadrer, à la Sioule de Shabbat.
- – me faire défoncer de manière tout à fait conventionnelle la tête par certains animateurs qui ne pouvaient pas m’encadrer, à la Sioule de Shabbat. (Franck Attia si tu me lis)
- – considéré que le Nutella, le thon, la confiture abricot/fraise et le pain étaient des aliments de première nécessité, voire de premier secours.
- – compris le sens même de l’effet Placebo quand je sortais de l’infirmerie du camp géré par une infirmière qui avait fait des études de « Placébos ».
- – compris que même le minimum religieux pouvait atteindre le maximum de mon seuil de tolérance.
- – trouvé que des gens que je ne trouvais pas beaux en début de camp pouvaient très bizarrement l’être devenus après 3 semaines passées ensemble.
- – compris que « flotter » n’était pas forcément un comportement passif…et qu' »être flotté » pas forcément une faute de grammaire française.
- – ressenti une boule dans la gorge en découvrant qu’un de mes animateurs était capable de reprendre « Stairway to Heaven » de Led Zepplin à la guitare. (Emmanuel Weiss si tu me lis)
- – regretté d’avoir arrêté mes correspondances entretenues pendant 3 ans avec ma meilleure amie de camp, que je n’ai plus jamais revu depuis, et que si c’était le cas je lui dirais bien que je ne suis qu’un con d’avoir disparu comme ça (update : depuis cet article, nous nous sommes retrouvés…Rachel Seban Chiche si tu me lis 🙂).
Bon et la liste est longue et quasi infinie tu t’en doutes. Sur le groupe elle n’arrête pas de s’étendre au fur et à mesure que celui-ci intègre de nouveaux membres…enfin d’anciens membres pour être précis. Je suis d’ailleurs curieux de connaître sa capacité d’accueil d’ici quelques semaines. Je ne peux indiquer l’adresse de la page, car il est « fermé » , et l’entrée de celui-ci ne peut se faire que par cooptation. Mais si tu n’en fais pas encore partie, et que tu es un ancien, ne t’inquiètes pas, il y a fort à parier, vu la viralité du mouvement, que tu reçoives d’ici quelques jours, au pire quelques semaines, la p’tite notification qui te perdra…
Une certitude; ce groupe est bien plus qu’un recueil d’anecdotes… Les EEIF est un vieil homme, un vieil homme dont la puissance et le dynamisme sont restés indemnes malgré les années. Un vieil homme qui fêtera cette année ses 90 ans… (http://www.facebook.com/EEIF90ans) .
P.S : à l’heure où je finis ce texte, le groupe est passé à 5305 membres…