[avatar user=”Shira_Hamidou” size=”thumbnail” align=”left” link=”https://rootsisrael.com/auteur/shira/” target=”_blank”]SHIRA[/avatar]

Ne cherchons plus le canard boiteux de la diplomatie internationale au sein de l’Union Européenne. Certes, d’autres nations européennes se distinguent régulièrement par la bêtise abyssale de leur diplomatie, mais la Suède combine depuis quelques temps un amateurisme, une médiocrité, et une ligne de conduite désastreuse non seulement pour elle-même mais pour les affaires du monde. Est-elle vraiment le pays débonnaire généralement dépeint ?

La Suède a été le premier état de l’Union à reconnaître officiellement et sans concertation un Etat de Palestine. Le spectacle qui nous a alors été offert était celui d’une nation, à priori démocratique, qui offre un blanc-seing à un Etat encore dirigé pour moitié par un mouvement appelant à l’extermination des juifs où qu’ils soient et à l’annihilation d’Israël. Ce constat, la soudaineté de la décision prise par la Suède doivent nous faire nous interroger sur les intentions réelles de la Suède, nous inciter à pousser le raisonnement plus loin, et à dépasser le simple stade de la perplexité. Pourquoi ce soutien adressé en parti à un mouvement qui affirme clairement sa volonté d’assassiner des civils israéliens? Pourquoi si soudainement ? Rien en diplomatie n’est fait au hasard, et toutes les conséquences d’une action sont en général étudiées au millimètre avant que cette action ne soit décidée. Evidemment, la Suède savait qu’en sortant cette initiative de nulle part, celle-ci serait perçue comme une hostilité ouverte à l’égard d’Israël, et évidemment, la Suède n’aurait pas pris cette initiative si son but n’avait pas été de prendre une décision volontairement hostile à l’égard d’Israël.

Mais cette décision, outre l’hostilité volontaire qu’elle porte à l’égard d’Israël, n’est également rien d’autre qu’une mesure propre à susciter la discorde, le conflit, à souffler sur les braises plutôt qu’à chercher l’apaisement, à entretenir l’étincelle plutôt qu’à apporter une contribution pour la paix. En reconnaissant un Etat de Palestine dans l’état actuel des choses, en incitant les factions les plus extrêmes de Palestine à se passer des négociations avec leurs voisins israéliens, en les incitant à déclarer leur indépendance unilatéralement sans même que rien ne soit négocié, en court-circuitant le dialogue israélo-palestinien, cette décision n’est de nature qu’à jeter de l’huile sur le feu et à pousser les deux parties à ne pas se parler.

Dès lors, il apparaît évident que l’initiative suédoise est mauvaise également pour les Palestiniens. Les naïfs (je ne parle pas de ceux animés par la haine du juif, mais des naïfs de bonne foi) qui penseraient que la Suède a ici fait preuve d’un acte de soudain et pur amour pour le peuple palestinien ne doivent pas se leurrer. Pas seulement pour la manière dont sont traités les Palestiniens et autres minorités arabo-musulmanes en Suède, traitement dont j’ai pu être témoin lors des années où je vivais au Danemark et où j’étais souvent en Suède. Etant moi-même en partie issue du monde arabo-musulman, l’initiative suédoise ne me leurre pas et la vérité m’est évidente.

C’est le choix de la violence contre Israël qui a engendré des années de malheur et de chaos pour le peuple palestinien ; c’est le refus obstiné du dialogue, du partage, qui a empêché toute possibilité pour le peuple palestinien de vivre en paix aux côtés de son voisin et lui a donné à la place des années de guerre. Ce sont les kidnappings, la prise pour cibles de civils israéliens, les roquettes sur Tel Aviv, l’utilisation de civils palestiniens comme boucliers humains, les tunnels ayant pour seul but d’assassiner des civils qui ont causé la guerre et plongé le peuple palestinien dans le désespoir. L’artifice de l’argument de la « colonisation » ne tient plus : lorsqu’au risque de s’aliéner une partie de sa propre population Israël a décidé le démantèlement de ces « colonies », la réponse qu’ils eurent fut : le Hamas. Suivre l’exemple de Gandhi pour le peuple indien, ou de Mandela pour les Sud-Africains (même si la situation n’est en rien comparable), et non celui du Hamas. Ceux qui en Palestine l’ont compris et aspirent à cette vie en paix aux côtés des Israéliens sont plus nombreux qu’en Occident et les pseudo-sympathisants de la cause palestinienne qui appellent à la « lutte » et à la violence depuis leurs canapés douillets sans comprendre grand-chose de ce dont ils parlent. Et le soutien apporté en partie au Hamas par la Suède à travers cette initiative est un poignard dans le dos au peuple palestinien réellement épris de paix, hostile au Hamas, et loin d’aider les Palestiniens, ce soutien au Hamas va dans le sens de son malheur et de la spirale de la violence.

Très loin de sa réputation débonnaire, il est difficile d’avoir le souvenir d’un pays ayant une image aussi flatteuse par rapport à la réalité.

En se penchant sur les relations passées et présentes de la Suède et sur l’attitude de ses gouvernements et de sa diplomatie, c’est à une vérité bien plus trouble que l’on est confronté. Des faits qui entrent en concordance avec la décision récente de la Suède, et avec son hostilité à vis-à-vis d’Israël.

En 2008, avec le tout aussi débonnaire président Ahmadinejad à la présidence de l’Iran, le président de la Commission des Affaires Etrangères du parlement suédois a trouvé bon de rappeler que l’Iran avait «  le droit à une technologie nucléaire civile » et qu’il souhaitait que « des moyens diplomatiques soient employés pour trouver une solution qui soit acceptable pour les deux parties »[1]. En 2009, la Suède prit la tête des pays opposés à des sanctions plus strictes contre l’Iran. Peu avant déjà, en 2003, la Suède et l’Iran avaient signé à l’initiative de la Suède un mémorandum1, précisant que la Suède soutiendrait l’adhésion de l’Iran à l’OMC en échange de projets suédois industriels, miniers, et de télécommunications en Iran.

La manifestation du 10 janvier 2009 organisée par le parti actuellement au pouvoir en Suède, le parti social-démocrate, fut une manifestation officiellement organisée en « soutien à Gaza ». Pourtant, au cours de cette manifestation, des drapeaux du Hezbollah seront brandis, et devant l’ambassade d’Israël qui fut le point final du cortège, des drapeaux israéliens seront brûlés, et des croix gammées exhibées. Mona Sahlin, alors présidente du parti social-démocrate suédois était à la tête de ce cortège, alors qu’étaient également présents des personnalités suédoises telles que Jan Eliasson, ancien Ministre des Affaires Etrangères et Président de l’Assemblée Générale des Nations Unies, ou Wanja Lundby Wedin, présidente de la Confédération des Syndicats de Suède[2]. Depuis, d’autres manifestations du même type eurent lieu en Suède, à travers l’échiquier politique.

Quant aux liens de la Suède avec le Hamas, ils ne semblent pas non plus être nouveaux ; en mai 2006, déjà, l’Europe voyait perplexe la Suède devenir le premier état de l’Union Européenne à accorder un visa à un ministre officiel du Hamas (Atef Adwan). Göran Persson, premier ministre d’alors défendit en conférence de presse la décision d’accorder un visa à Adwan, alors qu’Adwan déclarait : « cela correspond à la volonté du peuple suédois. Ils respectent les droits de l’Homme »[3].

La droite suédoise n’est pas en reste. Je ne parle pas là de l’extrême-droite de Suède, (nom du parti : « Les Démocrates de Suède »), l’une des plus puissantes d’Europe, où le philosémitisme ou l’arabophilie ne sont pas vraiment à la mode, mais bien de la droite dite classique. En janvier 2009, la Suède est à la tête de la présidence tournante de l’Union Européenne et s’apprête à céder sa place à l’Espagne. Des jours ultimes de pouvoir qui vont voir la Suède user de tous ses ressorts diplomatiques et de tous les efforts possibles pour établir un contact avec le Hamas, et convaincre Miguel Moratinos, (alors Ministre espagnol des Affaires Etrangères) de le faire lors de la présidence espagnole. Des activités dont prend rapidement connaissance Benjamin Netanyahou, qui formule alors une plainte publique devant ces volontés suédoises d’ouvrir un dialogue avec le Hamas au nom de l’Union Européenne. Des échanges qui intervenaient dans un contexte déjà tendu par l’affaire de l’Aftonbladet, tabloïd local qui avait écrit que Tsahal se livrait à du trafic d’organes de Palestiniens (affirmation qui se révèle évidemment être un canular monté de toutes pièces peu après). Les vives plaintes et protestations israéliennes ne susciteront aucune réaction de la part du premier ministre de droite Fredrik Reinfeldt, pas plus que de sa Ministre de la Justice, la charmante et blonde Beatrice Ask, qui décida de ne pas lancer d’enquête sur le tabloïd et estima que l’article de l’Aftonbladet « ne constituait pas du racisme » et ainsi était « légal »[4].

L’islamophobie est tout aussi omniprésente en Suède. En témoignent la place toujours occupée par les mouvements néo-nazis dans le pays, et les nombreux blogs qui fleurissent et qui appellent à toutes sortes de réjouissances à l’encontre des musulmans. J’en ai sélectionné un parmi tant d’autres, qui a aussi le goût exquis d’être afrophobe, celui de la journaliste Ingrid Carlqvist. Comme l’affirme très justement la journaliste suisse Mireille Valette dans l’article qui lui est consacré, « après l’islamophobie, la Suède invente l’afrophobie »[5]. Une afrophobie donc, qui a même valu à la Suède de se faire rappeler à l’ordre en décembre 2014 par les Nations Unies, lesquelles ont adressé au pays un avertissement pour le traitement des Suédois d’origine africaine, et la montée spectaculaire des crimes de haine envers ces derniers et les Africains. Les constats des experts de l’ONU furent les suivants : « Nous nous inquiétons de ce que la possible inaptitude du gouvernement suédois à combattre les injustices envers les Suédois d’origine africaine puisse créer un sentiment de défiance vis-à-vis des représentants de la loi, et puisse les décourager d’appeler à l’aide lorsqu’ils sont victimes de crimes ou d’abus »[6]. Ils ajoutent : « Les Suédois d’origine africaine et les Africains vivant en Suède font l’objet d’actes de racisme et sont le groupe le plus vulnérable de la société suédoise. La communauté africaine de Suède fait l’objet de discriminations à cause de l’absence d’accès équitable à la justice, de la discrimination raciale, et de l’inaptitude à enquêter sur et à poursuivre les crimes de haine »6. Selon Jallow Momodou, vice-président de European Network Against Racism (ENAR), les Suédois d’origine africaine sont «  des citoyens de seconde zone » et l’afrophobie est « très répandue » en Suède6. Omar Mustafa, président de l’Association Islamique de Suède, fait le même constat[7].

Nous aurions pu prendre bien d’autres exemples, anecdotes ou récits, comme le choix de la Suède d’exposer publiquement l’œuvre d’un artiste en 2004, une œuvre représentant une mare de faux sang avec au milieu la photo d’une kamikaze palestinienne. Mais tout cela nous ramène à cette décision suédoise de reconnaître la Palestine, et qui subitement, nous paraît plus claire. Cela nous ramène à l’interview récente de l’ambassadeur d’Israël en Suède Isaac Bachmann par Helena Groll sur la radio publique Sveriges, laquelle demandait à I.Bachmann s’il ne pensait pas que « les Juifs avaient une part de responsabilité » dans les tueries de Paris et de Copenhague[8]. Une décision qui, sans nul doute, n’est faite ni par passion pour les Palestiniens, ni pour contribuer à la paix, et qui n’aide pas les Palestiniens. Une décision qui tient ses racines dans le soutien qu’a toujours apporté la Suède aux formations politiques les plus extrémistes, sombres, et à une hostilité et une malveillance à l’égard d’Israël dont la cause reste trouble.

Alors que j’assistais à un tournoi de tennis à Stockholm, mon voisin, un Suédois on ne peut plus blond et convaincu de ce qu’il affirmait me disait que chaque Suédois avait, au fond de lui, « la conviction d’appartenir au meilleur peuple du monde ». Des propos par ailleurs partagés par beaucoup de ses compatriotes, comme j’ai pu le vérifier, parfois sous des apparences de fausse humilité, voire d’altruisme envers les pays du tiers-monde. Le débonnaire scandinave est tout sauf débonnaire. Ce qui serait plus grave si nous avions, somme toute, affaire à autre chose qu’un nain diplomatique.

 


[1] http://www.irantracker.org/foreign-relations/sweden-iran-foreign-relations

[2] http://gudmundson.blogspot.fr/2009/01/swedish-leading-social-democrats-in.html

[3] http://archive.totallyjewish.com/news/sweden-grants-visa-to-hamas-official/

[4] http://www.haaretz.com/print-edition/news/netanyahu-accuses-sweden-of-trying-to-reach-out-to-hamas-1.267058

[5] http://www.lesobservateurs.ch/2014/05/24/vallette-16/

[6] http://www.dailysabah.com/europe/2014/12/10/un-slams-sweden-over-increasing-afrophobia

[7] http://www.thelocal.se/20150102/swedens-islamophobia-is-getting-stronger

[8] http://www.europe-israel.org/2015/02/une-journaliste-suedoise-impute-aux-juifs-la-responsabilite-de-lantisemitisme-lambassadeur-disrael-lui-repond-du-tac-au-tac/

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