Pardonnez l’expression, mais c’est quand même plus accrocheur que « Je monte », qui me donnent en effet l’impression d’être dans un ascenseur.
Non, il faut vivre avec son temps, et se résoudre aux imprévus d’une immigration unique au monde.
Que signifie ce néologisme tendancieux ? « L’Aliyah est plus grande ». Plus grande que quoi ? Nous y viendrons.
Avant d’être utilisé comme cri de guerre et trainé dans la boue, « Allahu akbar » était à la fois une expression de joie et de détresse. Dans les moments de joie cette prière signifie « Allah est magnifique ». Dans la détresse, c’est se dire « Tout arrive pour une raison » et c’est vrai, l’Aliyah aussi a ses raisons que la raison ignore.
Par exemple, pour quel raison est-il d’usage de débourser quelques dizaines de kopecks à chaque étape administrative ?
Avec tous les problèmes qu’impliquent l’appartenance au judaïsme, c’est quand même osé de nous demander de payer pour en avoir le certificat.
Je me demande si l’étoile jaune était payante. Allez, qu’à cela ne tienne, « Consistoire Akbar » !
Puis bon, faut bien saluer le travail de l’Agence Juive. Quand je raconte mon aliyah à mes amis goys, j’ai toujours l’impression qu’ils entendent « Agence Juive de Domination Sionniste Mondiale ». « Ce n’est pas ce que vous croyez, c’est une organisation qui se charge de rendre notre immigration la plus simple possible ». Pourquoi ? Parce qu’ « Aliyah Akbar », bien entendu !
Malgré un amour assumé pour les pâtisseries enrobées de miel, les plats dégoulinants d’huile et chargés en harissa, la derbouka et les chameaux, je ne suis pas musulman pour un sou, mais je dois confesser une utilisation répétée de cette expression, presqu’onomatopée, semblable au « Hoy !» ashkenaze.
Lorsque l’administration à l’israélienne me fait faire des allers retours entre l’oulpan, la banque et le ministère de l’intégration, je me dis tout bas « Aliyah Akbar ».
Lorsque que je demande mon chemin en anglais et qu’on me regarde comme un paria dont l’audace est de ne pas encore maitriser une langue vieille de plusieurs millénaires, je me dis à moi même « Aliyah Akbar ».
Quand je rentre à 5h du matin dans mon dortoir et y trouve 4 cafards en train de jouer aux cartes sous mon lit, je prend mon insecticide et hurle « Aliyah Akbar » !
« Je défendrai le sable d’Israël, les villes d’Israël, le pays d’Israël » chantait Gainsbourg.
Il a raison, ces aléas de l’Aliyah ne sont rien en comparaison au sentiment d’extasie procurée par cette montée.
Pour un français, on peux réellement parler d’immigration hallucinatoire.
Mais qu’est-ce que ce pays où « sioniste » n’est pas une insulte ?
Où lorsque quelqu’un est en danger 20 personnes s’interposent immédiatement tandis qu’au pays les policiers brûlent avec leur voitures sous le regard indifférent et cynique des smartphones braqués.
Israël, un pays fou où l’on paye par carte sans taper de code, où l’on voit des filles en maillot sur la plage, une mitraillette en bandoulière, où l’on ne travaille pas le vendredi après midi pour préparer le shabath.
Il est certain que dans cette euphorie quotidienne remplis de curiosités, la « re-descente » vers l’Europe serait traumatisante.
Enfin, lorsque je me retrouve dans une classe où sont mélangés Brésiliens, Japonais, Russes, Ukrainiens, Équatoriens, Chiliens, Cubains, Anglais, Américains ou même Kazakhs, je me dis quand même que immigration a quelque chose de magnifique.
Quand je pense à toutes ces différents racines d’ « olim hadashim » qui vont pousser en Israël et donner naissance à autant d’oliviers, de chênes, de génevriers, de pistachiers et de palmiers qui eux même donneront naissance à de nouvelles variétés de figues de barbarie, je me tourne vers le D. d’Abraham et de ses enfants, Isaac et d’Ismaël, les demis-frères soit-disant ennemis, et lui adresse cette louange judéo-arabe : « Aliyah Akbar ».
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