Quand une étudiante parisienne en architecture propose de réhabiliter la Tahana Merkazit de Tel Aviv

Cet article est issu du mémoire de fin d’étude d’Olivia Weizman, 23 ans, originaire de Paris, et diplômée en Architecture à Montréal.

Saviez-vous que la Tahana Merkazit est la seconde plus grande gare routière au monde ? Que son architecte, Ram Karmi ne l’a visitée qu’une seule fois, le jour de son inauguration, en août 1993, 26 ans après la pose de sa première pierre ?

Difficile de lui en vouloir…et vous ? avez-vous déjà pris la peine de vous y aventurer, que ce soit pour prendre le bus, pour s’y perdre ou pour admirer le street art Tel-Avivien.

C’est parce que cet immense éléphant blanc de 230 000m2 écrasé au milieu du quartier de Neve Shan’an est si intrigant et unique, que j’ai décidé de proposer de le réhabiliter pour mon projet final de maîtrise en architecture.


D’emblée, la gare présente plusieurs problèmes à diverses échelles : celle son emplacement dans la ville et dans son quartier, mais aussi des problèmes liés à l’édifice  lui-même.
Comme en témoignent les photos des alentours de la gare, on s’aperçoit que son créateur n’a pas du tout tenu compte de l’environnement dans lequel elle s’implantait : des habitations délaissées, des populations défavorisées, des sans-abris, des immigrés dans une situation précaire…
Et pourtant, ce sont ces mêmes populations qui y ont crée leur propre monde, un monde un peu délabré certes, mais néanmoins dynamique, et en contraste total aux populations du Nord qui ne s’en approchent quasi jamais.

Credit: Moshe Shnabel Scholarship Foundation
Photo : Roy Boshi
Photo : Roy Boshi
Photo : Shai Davis
Photo: Aviram Valdman
Shai Davisx

La première étape d’intervention sur cette gare consistait à redéfinir les sols qui l’entourent, ainsi qu’à enrichir son espace public.
Le bâtiment étant une construction fermée,  il me paraissaît important d’y créer une connexion avec la ville.
C’est pourquoi,  je décidais que le rez-de-chaussée et ses espaces extérieurs adjacents devraient offrir à la ville un grand espace accessible à toutes formes d’évènements urbains ou d’installations artistiques, un peu comme à Beaubourg à Paris.

Une autre de mes intentions consistait à créer un  programme de repeuplement des espaces intérieurs pour la plupart abandonnés. Il me paraissaît donc important que je comprenne qui étaient les usagers de la gare, ainsi que les habitants du quartier. J’ai pu m’étonnerd’ y observer une population d’une grande diversité culturelle et sociale. J’ai aussi constaté réel phénomène de gentrification du quartier. Derrière ce mot barbare, se cache la description d’un phénomène urbain par lequel des personnes plus aisées s’approprient un espace initialement occupé par des habitants ou usagers moins favorisés. Ainsi, j’ai pu y voir en nombre,  de jeunes israéliens avec un style de vie qu’on pourrait qualifier de« bohème ». La gare est d’ailleurs vue par quantité d’artistes et de photographes comme un lieu d’expression libre. C’est cet aspect de la gare que je souhaitais conserver et mettre en valeur, sans en dénaturer son architecture brutaliste. (Le brutalisme désigne un style architectural d’origine anglo-saxonne qui est issu du modernisme. Il connut une grande considération entre les années 1950 et 1970. Puis il condensa sur lui une grande impopularité : c’est sous ce nom que l’on rassembla toutes les constructions « laides » en béton. …)

Avec un auditorium de 800 personnes, imposant volume en bois repérable depuis la rampe d’autoroute, l’implantation d’un centre artistique au sein de la gare, me paraissait donc être un programme idéal.

Place publique vue depuis la rampe de bus, croisement rue Levinski et rue Tsemach David, là où se trouvent actuellement les shirouts)
Entrée par le centre d’art, rue Levinski

Une des intentions première de l’architecte était que la structure de béton soutenue par des poutres triangulaires (formant une infinité d’étoiles de David),  se propage sur tous les étages. Il me paraissait là aussi important que je mette en valeur cette structure spectaculaire.
Tout d’abord, en la projetant du sol avec un nouveau pavage triangulaire comme on peut le voir dans les perspectives extérieures ci-dessous, mais aussi en créant des incisions sur les dalles, du rez-de-chaussée jusqu’au toit, permettant ainsi de découvrir toute la structure, et de créer une porosité verticale, que des escaliers en treillis parcouraient.

Perspectives intérieures avec auditorium en bois
Photo archive de la construction de la gare avec sa structure triangulaire
Photo de maquette avec structure découverte et escaliers treillis noirs

Enfin, je découvrais un aspect historique peu connu du quartier de Neve Shana’an remontant à sa création. 
400 immigrés Juifs s’étaient réunis en 1921 pour acheter des terres, suite aux révoltes qui avaient lieu à Yaffo. Pendant la phase d’édification du quartier, un concours d’urbanisme avait été lancé. Le projet retenu proposait de bâtir des rues qui formeraient une Ménorah, en réponse aux rues en croix dans les colonies allemandes du quartier de Sarona

Cette Ménorah fut totalement écrasée par la construction de la gare en 1963.

Mon intention pour le projet était de lui rendre à nouveau vie en faisant construire deux immenses verrières fixées sur un nouveau toit végétalisé. Les verrières seraient alignées aux rues voisines. En journée,  elles apporteraient de la lumière naturelle à l’intérieur de la gare jusqu’à son rez-de-chaussée, et la nuit, la lumière intérieure apportée par l’édifice à l’extérieur projetterait de la lumière aux rues dont le tracé forme encore cette Ménorah.

Toit végétalisé avec verrières éclairées.
AVANT
APRES
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