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On les appelle les Canaanites.

Et si vous n’aviez encore jamais entendu parlé d’eux, c’est tout à fait normal… Ce sont un peu les cousins cachés et honteux des juifs sionistes.

Tout commence en 1939 lorsqu’un premier mouvement de jeunesse hébraïque est créé. Mais c’est surtout avec la fondation du « Comité pour la coalition de la jeunesse hébraïque » en 1942 par Yonatan Ratosh et Gor Horon que l’idée canaanite prend son modeste envol. Ratosh, de son vrai nom Uriel Hailperin est né a Varsovie, dans une famille sioniste et son père va l’élever, lui et ses autres enfants en hébreu, lui permettant de maîtriser la langue avant même de poser le pied au Moyen-Orient.

Ce mouvement va dès ses origines créer suspicion et moquerie.

Le terme de Canaanites d’ailleurs vient du poète israélien Abraham Shlonsky, qui utilisait ce mot pour les désigner avec une certaine ironie, en référence au pays de Canaan.

Les Canaanites souhaitaient en fait séparer le Juif de l’Hébreu. Ils considéraient que le juif en tant qu’être lié à la Torah pouvait donc être juif aussi bien à New York, à Paris, à Casablanca ou Moscou.

En revanche, c’était très différent pour eux car ils se définissaient comme “Hébreu”.

Ratosh et ses compagnons avaient un mépris pour le juif, et souhaitaient que le juif redevienne un hébreu, et pour eux l’hébreu n’etait pas lié à la religion, mais à la langue et à la terre.

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Dans cette définition de “l’hébreu”, lié à la terre et la langue, on retrouve une réelle proximité avec certains mouvements d’extrême droite en Europe.

Ce mépris du “juif” se manifestait pour un dédain pour le yiddish et les coutumes juives. La religion juive était en fait perçu comme une sorte de détournement, de perversion de la culture hébraïque originale qu’ils voyaient comme païenne.

Ils prônaient un retour à une de forme paganisme moyen oriental, pas tant d’un point de vue religieux que culturel. Ils n’ont donc jamais vraiment créé un culte religieux païen.

Ils souhaitaient plus simplement replacer l’hébreu dans son contexte moyen oriental original, organiser une grande union des sémites en Orient, uniquement sur la base d’une origine commune, d’un socle mythologique commun, de langues proches.

L’Islam et l’Arabe, dans cette lecture de l’Histoire, subissaient la même critique, avec le même mépris pour le monothéisme musulman, mais avec l’idée d’un rapprochement dans cette perspective sémite.

C’est ainsi qu’ils utilisaient par exemple la philologie, l’étude des langues, pour montrer la proximité de l’hébreu avec des langues anciennes comme l’ougaritique, et démontrait que les hébreux de la part la langue avait plus en commun avec leur voisin païen qu’avec le judaïsme monothéiste.

Afin de séparer l’hébreu du judaïsme, ils allèrent même jusqu’à proposer l’utilisation pour l’hébreu de l’alphabet romain.

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Politiquement, à l’origine, il s’agit d’un mouvement à la périphérie du Sionisme, proche de la droite, voir même plus… Ratosh, par exemple, sera un temps membre du parti révisionniste de Jabotinsky… mais ce dernier l’en exclura a cause de son extrémisme.

Un de ses membres, Amos Kenan qui deviendra écrivain et sculpteur, fera parti du Lehi.

On peut les qualifier tout à la fois de sioniste de droite, dans leur volonté d’établissement d’un état hébreu… Mais dans le même temps, ils auront des attitudes antisionistes, et lors du congrès sioniste de 1951, ils distribueront des tracts antisionistes.

La raison de se retournement? Pour eux Israël, avec des symboles juifs, l’étoile de David, la Menorah est à l’opposé de la vision canaanite, ce qui est résumé par cette formule: Israël doit être hébreu et ne doit pas être une solution à la question juive.

Plus le temps passera, plus les anciens membres se tourneront vers la gauche, et un certain pacifisme, dans la lignée de leurs idées sur l’union des populations du Moyen-Orient. Cette union des peuples de l’Orient n’est pas vue comme une union de forces opposées, mais comme un seul peuple séparé qui soit se réunifier.

D’un point de juif et même d’un point de vue hébraïque, fort heureusement leur influence politique sera quasi nulle.

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En revanche leur influence culturelle sera bien plus marquée.

Dans les arts, dans la sculpture, dans la littérature surtout, car pour eux la langue hébraïque est un outil de travail formidable.

Ils vont publier des revues, telles que le journal Aleph de 1948 à 1953.

On peut aussi citer des artistes comme  Yitzhak Danziger , le romancier Benjamin Tammuz, l’écrivain Amos Kenan, le romancien et traducteur Aharon Amir, l’intellectuel et linguiste Uzzi Ornan. ou Avraham Melinkov. (Statue de Tel Hai) Yehiel Shemi (statue Adam BeArava).

On est dans un art peu académique, avec une approche stylisée, proche de l’art moderne et de l’art primitif, en opposition à l’art réaliste.

Quand Picasso va chercher son influence en Afrique, on voit ces artistes hébreux la chercher dans l’art ancien du Moyen-Orient.

Cependant ce mouvement sera très critiqué, par de grands auteurs, comme Shlonsky que l’on a cité précédemment, mais aussi par Nathan Alterman qui sera très sévère avec eux.

Si politiquement, peu de choses ont survécu dans ce mouvement, on ne peut pas s’empêcher de voir dans la vivacité des arts en Israël, dans le dynamisme de sa littérature, et dans la distance réelle qui peu a peu se fait entre Israël et la diaspora, surtout américaine, une sorte de clin d’oeil de ses canaanites, qui s’ils n’ont pas pu déraciner le judaïsme de l’hébreu, ont malgré tout apporté leur pierre culturelle à Israël.

Dans une certaine mesure on peut aussi voir dans certains mouvements pacifistes, encore, quelques idées canaanites, celle pour les hébreux de trouver leur place dans ce moyen orient, de s’y fondre et d’en faire partie, meme si chez les canaanites il y’a cette volonté naïve et souvent déconnecté de la réalité, de vouloir faire une union des peuples…

Ce mouvement d’ailleurs n’est pas spécifique aux juifs, car on retrouve ce thème du retour aux origines, à l’ancien dans le néo-paganisme en Europe, et aux USA, et il s’inscrit d’ailleurs, dans une certaine mesure dans cette tendance. Aux USA, certains juifs poussent la logique en ne s’arrêtant pas à un retour culturel au sémitisme ancien, comme le faisait les canaanites, mais en reprenant complètement les cultes païens, comme les micro-mouvements “Primitive Hebrews”, Qadash Kinahnu ou Tel Shemesh.

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