La Kippa! Ah, la Kippa…
La Kippa, alias la calotte que vous trouvez perchée sur la tête de tant de juifs et d’israéliens, constitue en Israël un vrai monde à part. Ce n’est pas seulement un accessoire religieux, ni une simple déclaration de foi: il s’agit d’un vrai article vestimentaire qui, tout comme la montre ou les chaussures, sert non seulement à une fin pratique (professer sa foi) mais aussi à une fin identitaire. La kippa, en effet, est un vrai indicateur de statut.
Allons donc de ce pas analyser les différents types de Kippa que vous trouverez en Israël, et en identifier les porteurs:
1- Le porteur de Kippa noire en velours – C’est l’ultra-Orthodoxe. Donc pas seulement religieux: TRES religieux. Il s’habille comme un gars sérieux: pas de jeans, pas de baskets, toujours en costume noir et chemise blanche, car ce n’est que dans les jours de grande folie et révolte qu’il se permet de porter un pull (pas coloré hein, quand même) au lieu de la veste. Sa kippa noir en velours lui permet de se rappeler constamment que D.eu est là et le protège; c’est d’ailleurs pour cette raison que vous n’allez pas trop en voir à l’armée, enfin pas pour l’instant seulement, car Yair Lapid a un peu foutu tout en l’air.
2- Le porteur de kippa « srouga » (au crochet)/type A – alors lui aussi il est orthodoxe, mais moderne. Sa kippa est colorée et ses vêtements aussi, car il se sent parfaitement occidental et parfaitement Juif en même temps. Certes, sa femme se couvre les cheveux et s’habille un peu moins occidentale que lui, mais globalement il se sent parfaitement intégré dans le monde. En même temps, il se sent tellement intégré qu’en dehors d’Israël il va couvrir sa kippa par une casquette style années ’80, mais ce n’est qu’un détail.
3- Le porteur de kippa « srouga » (au crochet)/type B – c’est le jeune soldat qui vient tout droit du Bnei Akiva et qui se ballade avec son fusil même sans uniforme. Car les autres ont trouvé un moyen de laisser le fusil à la maison ou à la base, mais pas lui: pour lui le fusil c’est comme la kippa, ça se porte toujours. Typiquement né en Israël, ce porteur de type B ne sait pas où se trouve le centre de son crâne: ainsi, sa kippa pend toujours d’un côté, ce qui inclue aussi le front, parfois couvert à moitié par cette kippa qu’on dirait en train de se suicider en sautant dans le vide.
4- Le porteur de kippa « srouga » (au crochet)/type C – c’est le « baba cool », celui dont la kippa est plus grande que sa tête. La kippa srouga de type C est un vrai moyen de s’affirmer en tant que croyant cool, pas croyant moderne (ce n’est donc pas la même chose que la kippa srouga de type A). Le porteur de Kippa srouga de type C n’a pas peur de montrer aussi ses caleçons, car étant lui-même un type cool, il porte aussi les pantalons beaucoup trop bas. Généralement barbu, le porteur de cette kippa affiche une barbe un peu sauvage qui sert la même fonction que les cheveux rasta chez les non-religieux.
5- Le porteur de kippa « srouga » (au crochet)/type D – c’est le Nachman, autrement dit le gars habillé en blanc qui porte une Kippa blanche couronnée d’un pompon blanc qui s’arrête en plein milieu du carrefour pour danser au son d’une musique techno assourdissante le temps que le feu redevienne vert. Si vous n’en avez jamais vu, il suffit d’attendre le jour où vous serez vraiment pressés d’arriver quelque part: normalement la loi de Murphy fait que c’est justement devant vous que la camionnette des Nachmanim va s’arrêter avec son nuage de pompons blancs sautillants, en créant en vous ce sentiment d’angoisse grandissante car il vous semble qu’ils n’arriveront jamais à rentrer dans leur véhicule à temps et vous aller rater un autre vert, c’est sûr. Mais en réalité ils y arrivent toujours, et le secret de leur vitesse réside très certainement dans les pompons blancs de leur kippa de type D.
6- Le porteur de Kippa en soie, genre Kippa de Bar-Mitzva ou de mariage / type A (couleur BLANCHE) – alors là il n’y a pas d’erreur, il n’ y qu’un Français Sef en vacances d’Aout à Tel Aviv qui est capable de porter ça. Couplée à une énorme étoile de David dorée qui ressort des poils de la poitrine à la hauteur du troisième bouton de leur chemise trop ouverte, la Kippa en soie blanche est normalement très glissante et nécessite donc, dans la plupart des cas, une petite pince qui est également offerte à la Bar-Mitzva ou au mariage en question. Sauf dans le cas où le Français en vacances à Tel Aviv se tartine les cheveux de gel, ce qui permet à la Kippa en soie blanche de se coller carrément à la tête de notre héros.
7- Le porteur de Kippa en soie, genre Kippa de Bar-Mitzva ou de mariage / type B (kippa en couleur) – il s’agit dans ce cas non pas d’un Français en vacances à Tel Aviv, mais d’un invité à un mariage ou à une Bar-Mitzva qui a oublié ce qu’il a sur la tête. S’il le savait, clairement, il enlèverait immédiatement cette horreur de kitch et de mocheté, mais comme la kippa en question est toujours cousue de manière à ne jamais vraiment suivre la rondeur du crâne, elle reste du coup suspendue sur la tête du pauvre invité comme le chapeau d’un Schtroumpf, avec en plus la (malheureuse) particularité que l’homme en question n’en sent pas le poids ni, d’ailleurs, le ridicule. Et personne ne lui dit, bien sûr.
Il y aurait d’autres nuances Kippaïques à repérer, mais pour cela nous faisons confiance à votre esprit d’observation une fois que vous serez sur place. Car si pour deux Juifs il y a trois opinions, pour 6 millions de Juifs il y au moins le double de types de Kippot.
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