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Je viens de le suicider… Il y a trop longtemps que j’en avais envie, et puis un jour, j’en ai eu besoin.
Au bazar de l’avenue Chanzy aux Pavillons-sous-Bois, le pistolet à clous « rafale » à 18 coups avec crosse de bois en plastique est la seule arme qu’on peut se procurer en France. Sans port d’arme, pour 90 euros, auxquels il faut ajouter 34 euros pour les 1400 clous annelés galvanisés, têtes plates en bâtonnet.
J’ai rapporté le lourd et rutilant objet chez moi. Je l’ai caché dans un tiroir de ma table de nuit « MALM » de chez IKEA, à 35 euros, couleur noir laqué. Le lendemain, je l’ai sorti : c’était presque le pistolet de Robocop, dont je rêvais, celui que j’imitais avec mes doigts quand j’étais enfant.
J’ai ouvert le chargeur et placé les longs bâtonnets en métal les uns après les autres. Clac ! J’ai armé le chien. Tchouck ! Et Je me suis couché sur mon lit noir laqué « MALM » de chez IKEA, à 120 euros, sans le matelas.
J’ai réussi à trouver l’adresse de chez lui dans le même fichier que son casier judiciaire hacké quelques semaines avant, ce qui me confortait dans mon idée que je devais mettre fin à ses souffrances.
J’ai attendu sagement contre son immeuble du 6e arrondissement en fumant une cigarette, et juste après une partie de Candy Crush ratée.
J’ai placé l’extrémité du canon juste au-dessus de ma tempe droite, un peu en biais vers le haut du crâne. Et j’ai appuyé sur la détente très dure, froide. J’ai du mal, J’ai mal à la phalange.
J’avais un doute sur la puissance de ce petit objet et à sa capacité de pouvoir pénétrer l’enveloppe protégeant son cerveau, mais en appuyant bien sur le lobe frontal droit j’étais persuadé que ça marcherait.
L’Indien à la caisse m’avait prévenu :
« Attention, elle est très sensible », plaisantait-il.
— Pas autant que moi ! »
D’abord, pas de bruit, on ne l’entend pas, on n’entend rien.
Immédiatement, je me suis senti bien et même mieux.
Je ne voyais plus l’image de cet homme mort sous son talith, les tephillin au bras.
J’aurais aimé être un lecteur VHS pour effacer les pensées, mes souvenirs qui me hantent, ces images du sol de cette synagogue de Jérusalem couvert de sang, ces dégueulis de haine postés sur Facebook.
Les clous sont parfaitement alignés et incroyablement symétriques.
Ça doit lui donner un mal de tête énorme. Le métal peut donner des tumeurs ou infecter le corps humain, entraîner vomissements, migraines, cancer. Peu importe, on n’a jamais vu un mort vomir.
Mais l’être gisant à mes pieds est toujours là. Je vois ses petits yeux encore en vie. Il convulse parfois, pas de sang ou très peu, ça me perturbe encore.
Le voyant s’accrocher je décide de lui pincer délicatement le nez et recouvre sa bouche de son écharpe en tissus ; la sensation de liquide coulant entre mon pouce et mon majeur me donne la nausée mais je tiens bon, quelques secondes et ça sera fini, je pourrais déjeuner.
Je me souviens, dernièrement, elle me disait : « Je ne sais pas si tu vas bien ou si tu vas mal. » Maintenant, elle sait.
C’est si facile de tuer.
Tiens, drôle d’idée d’appeler les pompiers pour un mort. Ils sont quatre, mes lunettes Oliver People ont été brisées, sûrement lui, en essayant de se rattraper une fois le premier coup parti.
Ça s’agite. L’un des pompiers fait la grimace. Un autre, sur son portable, L’autre appelle le Samu avec son portable. « Sauver ou Périr », c’est la devise que je lis sur leur écusson.
Pour la première fois depuis 2 ans j’ai pris une pause déjeuné.
Dire que j’ai attendu si longtemps pour me débarrasser de mes démons.
Je me suis décidé ce matin, après le massacre dans une synagogue de Jérusalem et à la lecture des commentaires sur les différents sites de médias français. Pour faire une pause, je me suis mis à écouter Idan Raichel et Youtube a fait l’erreur de me proposer une vidéo de lui. On ne coupe jamais une chanson d’Idan Raichel.
Moi j’ai tué pour sauver le peu d’humanité qu’il me restait.