[avatar user= »Sara_Cohen » size= »thumbnail » align= »left » link= »file »]SARA COHEN[/avatar]
Il y a quelques semaines je travaillais en tant que « régisseuse »/ »runneuse »/chauffeur sur le tournage d’un film français tourné dans le nord d’Israel, près de Haifa.
Nous sommes un lundi, il est 17h30 , il fait déjà nuit et je dois aller chercher dans un magasin des cartouches d’imprimantes.
Le magasin, situé à 15min en voiture de notre lieu de tournage, fermé à 19h.
Je suis ses indications et redemande mon chemin à un automobiliste à la sortie du tunnel.
Ce à quoi Mahmoud me répond en riant : « Calme toi motek (chérie) calme toi ! Mais dis moi, tu es française ? » Ce à quoi je lui réponds : « A ton avis ? Avec ce putain d’accent qui me colle ?!«
Mahmoud décidément en grande forme, appelle tous ses collègues et met le haut-parleur. Il me dit de lui décrire la route et de demander à la première personne que je vois, de me préciser où je suis exactement. Je lui dis qu’il n’y a personne dans ce bled et que la route ne cesse de monter. Il comprend que je suis sur la bonne route, sauf que c’est celle de CHRA, celle qui fait le tour de tous les bleds. J’entends un des ses camarades émettre un son qui évoquait un certain : « Ouhhhhhhh elle arrivera sûrement dans deux semaines à cette allure ».
Illustration, Sarah Vieille (la plus belle)
Le destin aidant, je sens que je m’approche d’un centre ville. Mahmoud ne cesse de me répéter « demande à quelqu’un« .
J’approche d’une sortie de supermarché et demande de l’aide à un homme debout, un sac plastique à la main. Mon approche était celle-là : « Je vous en supplie je suis paumée, j’ai quelqu’un au téléphone qui peut m’aider mais moi je peux pas l’aider à m’aider alors si vous pouvez l’aider à m’aider ça serait génial« . Mahmoud mort de rire.
Moi aussi parce que je pète un câble. Mon interlocuteur est quant à lui inutile, parce que bourré. Mahmoud me dit « casse toi et demande à un autre« .
Quelques mètres plus loin, un homme charge sa voiture de courses, même approche, il saisit mon portable et parle avec Mahmoud. Avant de lui dire où je me trouve, je l’entends dire : « Oui elle a l’air un peu… » .
Un peu quoi ? Paniquée ? Perdue ? Folle ? Psychopathe ? En vérité les quatre étaient plausibles, car ma tignasse de sauvageonne et mes lunettes de soleil au nez alors qu’il faisait nuit, ne m’aidaient en rien dans ma quête. L’homme raccroche, me redonne le téléphone et commence sa phrase par un « Takshivi ! » (écoute!) sec, dur, effrayant et russe.
Il m’indique encore mieux que n’importe quelle carte le chemin à trois reprises et me dit de rappeler Mahmoud quand j’arrive au niveau de l’université.
Je lui dis que non, mais que je suis extrêmement prudente et une très bonne conductrice. Je le remercie de prendre le temps de m’aider et lui demande si je ne le mets pas en retard pour un dîner romantique avec sa copine.
Erreur de ma vie. Mahmoud me dit que c’est un plaisir de m’aider, que non il n’est pas attendu et qu’il serait ravi de m’emmener prendre un verre. « Oh c’est gentil de ta part mais je dois retourner illico presto sur le tournage après donc non« . Il me fait la blague du siècle en me disant qu’on peut passer notre date au téléphone jusqu’à ce que j’arrive à la boutique.
Miraculeusement je vois pour la première fois depuis une heure, le panneau qui indique la ville (dont je ne me souviens même plus du nom !). Je pousse un cri de déglingo de la tête, lui aussi, ses collègues aussi, et j’arrive enfin au magasin. Par le manque de visibilité, moi la super conductrice, je manque de défoncer la chaîne qui empêche l’accès au parking, mais Mahmoud m’accueille devant ma voiture, 17 ans à tout casser, mignon comme tout et très curieux de voir qui j’étais ! En trente secondes j’avais les cartouches dans ma voiture, un de ses collègues m’explique 4 fois le chemin du retour, que je trouve facilement.
Suis de retour en 13 minutes chrono sur lieu de tournage et reviens comme une superwoman cartouches à la main, mission accomplie, tête haute.
Seul Mahmoud, ses copains, le bourré, le russe et moi-même savons ce qui s’est réellement passé ce soir là.