Auriez-vous cru que l’Égypte afficherait un soutien aussi appuyé et décomplexé à Israël pour son Opération Bordure Protectrice ? Certes, on n’en est pas encore au point où les israéliens peuvent passer leurs vacances tranquilles en Égypte, mais un rapprochement stratégique bouleverse actuellement les relations tumultueuses entres les pays du Proche-Orient.
Tout cela est bien sur lié aux multiples rebondissements qu’a connus le pays des Pharaons depuis les révoltes dans le monde arabe survenues en 2011. Le résultat de cette révolution, comme vous avez pu le constater, a été la montée au pouvoir des Frères musulmans.
La situation, déjà très complexe au Proche-Orient, devient alors inextricable. Les Frères Musulmans héritent d’un pays, le 30 juin 2012, épuisé par des longs mois d’émeutes et de révoltes, pénibles pour l’économie égyptienne. Malgré leur hostilité pour Israël, ils ne peuvent donc pas se permettre de rompre les accords de paix israélo-égyptiens, qui entrainerait le gel de l’aide financière américaine.
Les Frères Musulmans, ayant réussi à s’imposer comme alternative à l’ancien président Hosni Mubarak, n’ont pas tardé à inquiéter les aspirants à la démocratie et les militaires. Comme vous vous en doutez, leur politique menaçait quand même d’entrainer une catastrophe économique ainsi qu’une probable guerre avec Israël. Au point que les militants pour la démocratie furent enclins à apporter leurs soutiens à des méthodes assez éloignées du suffrage universel pour parvenir à un changement de régime.
A la suite des manifestations des égyptiens contre l’instauration de lois islamiques dans la Constitution, en juin 2013, le Général Al-Sissi lance un ultimatum aux islamistes, et le 3 juillet 2013, on a assisté à un putsh militaire qui déboucha sur de nouvelles élections en 2014 d’où Sissi sorti largement vainqueur. Le voici désormais à la tête d’un pays de plus de 90 millions d’habitants.
La répression du mouvement islamiste en Égypte bat son plein. La plupart de ses leaders, dont Mohamed Morsi, se retrouvent derrière les barreaux et la justice procède à des jugements de masse condamnant, avec la plus grande des sévérités (peine de mort pour la plupart), des centaines de membres de la confrérie.
Pendant ce temps-là, le Hamas se voit perdre un allié potentiel. En effet, annexe des Frères Musulmans à Gaza, il jouissait d’un soutien et d’une base-arrière non-négligeables en Égypte depuis l’élection de Mohamed Morsi. De plus, le Caire accuse directement le Hamas d’être impliqué dans des attentats terroristes en Égypte, qui n’ont fait qu’augmenter depuis le putsch des militaires.
L’Égypte, chers lecteurs, a toujours eu vocation à être le leader du monde arabe. On se souvient encore de Nasser prôner le Panarabisme dans les années 50 et 60, et des défaites qu’Israël infligea à plusieurs reprises aux pays arabes ligués contre elle sous l’égide de l’Égypte. Dans la situation actuelle, les égyptiens ne peuvent accepter de soutenir le Hamas, alors qu’ils soutiennent la répression à l’encontre des islamistes dans leur propre pays. Ils n’ont aucun intérêt à rompre leur alliance stratégique avec l’Arabie Saoudite, la Jordanie et les Émirats au profit d’un axe Irano-Qatari incluant au passage le pouvoir syrien, le Hezbollah et le Hamas.
Cela se traduit par des résultats concrets sur le terrain : selon l’armée égyptienne, le Caire aurait détruit à peu près 1650 tunnels creusés depuis la bande de Gaza vers la péninsule du Sinaï !
Et les médias égyptiens ? En voici quelques perles réunies spécialement pour vous : Le journaliste Azza Sami du quotidien Al-Ahram en vient à féliciter le Premier Ministre israélien Netanyahu : « Merci Netanyahu, que D-ieu nous donne plus d’homme comme toi pour détruire le Hamas ! »
Dans le quotidien El-Watan, le journaliste Adel Nehaman dit clairement : « Désolé chers Gazaouis, mais je ne vous soutiendrai que lorsque vous vous serez débarrasser du Hamas ».
Le présentateur vedette de la chaine de télé Al-Faraeen, Tawfik Okasha, va encore plus loin, et attaque en direct les gazaouis : « Ce ne sont pas des hommes … si c’était des hommes ils se révolteraient contre le Hamas »
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Les condamnations du Hamas sans concession de la part des journalistes égyptiens, vont-elles déboucher sur un soutien des masses populaires ? Les Israéliens restent sceptiques. On se souvient en Israël des appels trop nombreux de la rue égyptienne à l’annulation des accords de paix signés entre Sadat et Begin, lors du passage au pouvoir de Morsi. De plus, nous sommes tous conscients que le pouvoir égyptien a une main mise sur les médias et que, par conséquent, cela ne reflète pas l’opinion globale de millions d’égyptiens.
Pour aboutir à une véritable paix entre les peuples, il faudrait voir plus loin. Il faudrait que la nouvelle administration égyptienne profite des mutations en cours dans son pays pour instaurer plus de libertés. Ce rapprochement ne sera possible que si israéliens et égyptiens, pour la première fois de leur histoire, partagent un système de valeurs similaires et appellent de leurs vœux une alliance qui va au-delà des intérêts stratégiques.
A.L.
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