[avatar user= »Lauriane ITOUA » size= »thumbnail » align= »left » link= »https://rootsisrael.com/auteur/l-i-m/ »]LAURIANE ITOUA[/avatar]
Mon choix littéraire du mois se pose sur un livre dont il m’a semblé naturel de vous parler aujourd’hui.
L’auteur : Marek Halter, rescapé du ghetto de Varsovie, était présent dans la Grande Marche du 11 janvier 2015.
Ce livre, “Les Justes, ces héros inconnus” s’articule autour d’une question : “Pourquoi ?”.
Cette question, Marek Halter l’a posée à des Justes qu’il est allé rencontrer en France, en
Hollande, en Pologne et en Allemagne. Plus que jamais ou presque, il me semble important de connaître aujourd’hui la raison, s’il y en a, qui a poussé ces inconnus à risquer leur vie pour sauver celle des autres, et celle de Juifs en particulier. Qu’aurions-nous fait à leur place ? Honnêtement, moi je ne sais pas.
Ce livre n’est pas un roman, les personnages sont réels mais surtout, ce livre est une oeuvre pédagogique : il a été édité dans la catégorie 13-14 ans des Petits Classiques Larousse, du moins la version que j’ai entre les mains. Il se compose d’extraits de la “Force du Bien”, un hommage rendu à ces êtres d’exception par Marek Halter.
On imagine donc, du moins on l’espère, qu’il a été lu et étudié par des collégiens français au cours des dernières années.
“Que faisait le monde ? Le Bien existe-t-il ? Se manifeste-t-il en tout temps et en tout lieu ?” : telles sont les questions qui hantent l’esprit de l’auteur. Grâce à cette poignée de héros, nous pouvons ne pas nous désespérer de l’humanité car c’est en eux qu’elle se révèle le plus instinctivement. Quelles sont les raisons qui poussent une personne à se mettre en péril pour en sauver une autre ? Qu’elle soit juive ou non, et qu’elle le soit parfois justement.
La tentation de comparer Paris hier et Paris aujourd’hui est facile, inadéquate pour certains, évidente pour d’autres.
En mode optimiste, je vous raconterais que dans un petit village français, tout un commissariat s’est mis d’accord pour sauver ses Juifs, avec la complicité organisée de tous les habitants : ils étaient 900, il y avait une centaine de Juifs et les Allemands se sont fait berner. La fierté de rouler les nazis fut l’une des motivations de certains Justes.
Aujourd’hui à Paris, la police n’est plus de mèche, elle est armée et postée devant les synagogues, les héros ne sont plus les mêmes : ceux d’aujourd’hui font leur boulot, ceux d’hier refusaient de le faire.
En mode pessimiste… Je n’ai pas de mode pessimiste : j’ai pas envie. Revenons-en à nos moutons qui n’en étaient pas et qui, envers et contre tout, n’ont pas cédé à la collaboration, silencieuse parfois, bavarde trop souvent.
Au fil des témoignages on découvre ceux qui ont agi par fierté, pour préserver ce qu’ils estimaient être leur propre dignité. Pour eux, sauver des Juifs était synonyme d’un acte d’opposition, de résistance : ils auraient fait la même chose pour n’importe quelle autre catégorie de la population. En France c’était l’une des motivations principales. Celle de faire bloc, à l’image des Bulgares qui se sont opposés en masse à la déportation de leurs Juifs.
Il y a ceux qui étaient croyants, fervents chrétiens, convaincus qu’ils appliquaient avant tout ce que leur avait enseigné la Bible : aider son prochain et l’aimer. Certains parmi eux considéraient le peuple juif comme leur “frère aîné en Dieu”, témoignant de leur foi par des actes de bravoure en cascades.
Et enfin, il y a ceux qui sont semble-t-il les plus émouvants, les gens du “parce que” comme les appelle l’auteur. Ils n’en parlent jamais, sont muets, n’ont pas d’explication à donner. Ils sont presque gênés d’avouer qu’ils ne supportent pas l’injustice. Ce ne sont pas de grands intellectuels, ils ne font pas de grands discours, ils ne réfléchissent pas à peser le pour et le contre : ils agissent, “c’est comme ça”. Ils y voient tout simplement la plus naturelle des réactions humaines, quitte à mourir, ils n’y pensent même pas.
Le policier Charles Bouy, l’officier Pierre Marie, le commissaire Vigneron, Lucienne Guyollot, Elise Caron, Rolande Virgie, l’abbé Reuzé, François Lançon, Marie-Louise Lefebvre, Raymond Boccard, Monsieur et Madame Mouton, tous les habitants du village du Malzieu-Ville et ceux de Chambon-sur-Lignon, le pasteur Trocmé et sa femme Magda, René Raoul, Jacqueline et Marc Monod, Marie Brottes, les élèves de l’école Cévenole…
Autant de noms qui comptent et dont vous pourrez découvrir l’Histoire dans ce livre.
Parce que le devoir de mémoire est aussi là pour rendre hommage à ces personnes qui méritent des boulevards entiers à leurs noms, tels les Justes du Rwanda qui ont sauvé leurs Tutsis et ceux de Turquie qui ont sauvé leurs Arméniens.
“Les Justes, ces héros inconnus” – Marek Halter (Larousse)