[avatar user= »israeltavor » size= »thumbnail » align= »left »]Israël Tavor[/avatar]

Se faire dépasser dans la file du supermarché…
Se faire demander l’heure sans un « bonjour », un « s’il vous plait » ou un « merci »…
Se faire appeler pas son banquier directement par son prénom…
Se faire interrompre d’un geste de la main sans un seul « excusez-moi »…

L’inexistence du vouvoiement, délicate marque de distanciation entre soi et son interlocuteur…

Je continue ou ce n’est pas assez clair?

La politesse n’est pas le fort des Israéliens… mais pas du tout. Surtout si l’on vient de France ou la politesse a été élevé au rang d’art de vivre (on parle même de savoir-vivre), la marque ultime d’une civilisation: le lubrifiant social qui adoucit la rudesse des rapports entre individus… en Israël, on l’oublie. Les Israéliens manquent ils donc réellement de savoir-vivre?

Je vais commencer par une petite anecdote: un Français qui était en Israel me racontait comment dans une file d’attente il a voulu laisser sa place à une femme. Choquée, elle refusa catégoriquement en lui reprochant une attitude machiste. La galanterie des uns est le machisme des autres.

Et si au fond, ce n’était pas tant les Israéliens qui manquait de savoir vivre que les Français qui en avaient trop?

J’écoutais sur France Culture (je sais, ça fait intello) une émission d’Alain Finkielkraut intitulé « Traité de savoir vivre à l’usage de toutes les générations » avec Philipe Reynaud et Mona Ozouf, et là, en les écoutant parler de l’histoire de la politesse, j’ai eu comme une révélation.

Et si la politesse française n’était que l’expression d’un déficit de démocratie… ce qui signifierait que le déficit de politesse des Israéliens ne seraient que l’expression d’une hyper-démocratie, une forme d’hyper-franchise.

Petit retour historique:
Un philosophe britannique du 18ème (le siècle, pas l’arrondissement), David Hume, racontait comment la politesse française, n’était que la vaseline pour faire accepter la monarchie et les pouvoirs absolus du roi… Louis XIV en l’occurrence. Le tout était opposé à la vision britannique que Hume voyait comme une forme de quasi-république.
Si la cour française du temps de la monarchie absolue a élevé à ce point les notions de politesse, c’est avant tout car le roi devait faire « avaler » à tous ces petits seigneurs la toute puissance du souverain de France… ce que Philippe Reynaud traduit ainsi « L’inégalité est tempéré par des conventions pour éviter une pure chaîne d’oppression »… en opposition au régime anglais et son « habeas corpus ».
Tout est résumé dans cette formule que je reprends « Les Anglais sont trop honnêtes pour être poli, et les Français sont trop polis pour être honnête »….
Vous aurez compris qui sont les Anglais aujourd’hui… les Israéliens.
Oulà, je vous entends déjà! « Les Israéliens? Honnêtes? »  Calmez-vous, ici, l’honnêteté doit être compris comme une forme de franchise, pas comme un respect absolu des lois (ou la tentative de te faire payer ta course en taxi au double du tarif).

Je reprends l’exemple de ma féministe israélienne dans la queue (et non pas l’inverse)… On était poli et galant afin de ne pas se laisser aller vers ses penchants mauvais, mais aussi car on compensait ce qui était vu comme la faiblesse naturelle des femmes… La galanterie c’était ce qu’on laissait aux femmes pour ne pas leur accorder plus de pouvoir… Et là, vous comprenez tout de suite pourquoi notre israélienne était choqué qu’on lui laisse la place.

Vous comprenez aussi donc que ce que vous aurez pris pour un manque totale de savoir-vivre des Israéliens n’est en fait que la preuve de leur attachement profond à la franchise et à la démocratie… Bref, pas besoin de vaseline pour tout dire, même si ça fait mal.

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