[avatar user= »israëltavor » size= »thumbnail » align= »left »]israël Tavor[/avatar]
Le journal Le Monde a décidément quelques soucis avec Israël.
Après avoir mis à jour le conflit d’intérêt entre le chef du « desk » Moyen-Orient, Benjamin Barthe et l’objectivité nécessaire au traitement de ce sujet, c’est Christophe Ayad, même s’il semble ne pas avoir les mêmes soucis de conflit d’intérêt que Barthe, qui oriente le lecteur dans un certain sens.
Sa connaissance du Moyen-Orient est réelle (il a été correspondant pour Libération en Afrique et au Moyen-Orient) mais essentiellement arabe.
C’est dans un article sous forme d’un échange de questions/réponses entre les internautes et Christophe Ayad que se construit une certaine image d’Israël.
Attention, Ayad ne raconte pas que des choses fausses ou biaisées. Il faut aussi reconnaître que certaines de ses réponses sont aussi parfaitement correctes. Ce n’est pas par principe que je critique Le Monde et je n’ai pas de réflexe pavlovien me faisant critiquer Le Monde dès qu’un article paraît sur le sujet, je ne fais que relever les erreurs factuelles ou les manques de précautions de langage.
Un exemple, la réponse d’Ayad sur les manifs à l’étranger et leur influence sur les Israéliens est parfaitement correcte.
Je ne reprendrai donc que les questions et les réponses posant problème.
QUESTION DE RJ : » pouvons-nous nous attendre à des sanctions de la communauté internationale contre l’état d’Israël, à la suite de l’indignation suscitée ? »
LE MONDE :
Non. Il y a très peu de chances qu’Israël fasse l’objet de sanctions. Ses relais diplomatiques et médiatiques restent très puissants et, face au Hamas, il ne peut pas apparaître comme le seul responsable des violences. »
ISRAEL TAVOR :
Des sanctions ne sont pas simplement décidées à la suite d’une « indignation », ça serait aussi ridicule que de condamner une personne sur un simple soupçon. A l’heure actuelle, aucun rapport de l’ONU n’a encore été remis et l’on ne peut pas encore juger. De plus en ce qui concerne les relais diplomatiques et médiatiques, le véritable relais diplomatique d’Israël sont les U.S.A. et dans ce conflit une alliance hétéroclite avec l’Egypte, l’Arabie Saoudite, etc… mais il faut aussi mettre dans la balance, de l’autre côté le Qatar, avec Al Jazira, ainsi que la Turquie, sans négliger l’ensemble des pays sud américains. En terme de relais médiatique pour le Hamas, Al Jazira est loin d’être négligeable.
QUESTION DE FAYCAL : » les Israéliens ont-ils des preuves solides que le Hamas utilise des boucliers humains ? »
LE MONDE :
Il y a eu plusieurs cas avérés de tirs de roquettes effectués depuis les environs immédiats de bâtiments publics, comme des écoles ou des hôpitaux. Mais la rhétorique israélienne sur les boucliers humains utilisés par le Hamas relève aussi d’une mauvaise foi certaine lorsqu’on connaît Gaza, qui est l’un des territoires les plus densément peuplés au monde. »
ISRAEL TAVOR :
De plus en plus de journalistes sur place, de plus en plus d’images commencent à sortir sur l’utilisation des zones civiles et des populations comme bouclier humain.
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Mais surtout, encore une fois, nous avons le droit à « Gaza, l’un des territoires les plus densément peuplés du monde ». La densité de population à Gaza est de 5046 hab/km
Pour comparaison:
Malé, l’île capitale des Maldives a une densité de 18 000 hab/km carré
Singapour, 7126 hab/km carré
Hong Kong, 6544 hab/km carré
Macau, 18534 hab/km carré
Mais il faut comparer ce qui est comparable. J’ai donc pris des configurations « équivalentes » avec un espace limité. Ce type de configuration n’est pas très commune, et donc dans ce genre de configuration, Gaza est loin d’être le territoire le plus densément peuplé. Pour avoir une idée de ce que donne 5046 hab/km carré, il faut savoir que Paris est à 20 000 hab/km carré et Bordeaux à 4900 hab/km carré.
QUESTION D’UN VISITEUR : « l’Etat israélien a justifié le début de l’intervention par le kidnapping et l’assassinat de trois jeunes civils qu’elle a immédiatement attribués au Hamas. Il semblerait que l’enquête ait démontré que le Hamas n’ait rien avoir avec cette affaire. Comment ces évolutions de l’enquête sont perçues par l’opinion israélienne ? »
LE MONDE :
Pour l’instant, l’opinion israélienne ne semble pas accorder beaucoup d’importance à ces révélations. Mais il est vrai que ce n’est pas le Hamas comme organisation mais bien plus une cellule, semble-t-il indépendante, qui a enlevé et tué les trois jeunes étudiants. »
ISRAEL TAVOR :
Oui, une cellule du Hamas, sachant que le Hamas fait l’apologie de l’enlèvement d’Israéliens afin d’avoir à nouveau une monnaie d’échange pour libérer d’autres prisonniers. Mais cette minimisation est aussi ridicule que de minimiser la responsabilité morale du FN quand ses colleurs d’affiches tirent sur un jeune d’origine comorienne… Mais, de plus, « pas de chance », une nouvelle information est arrivée peu après (et il aurait été utile alors de faire un addendum qui n’est pas encore intervenu à l’heure où j’écris ces lignes): « Le chef de la cellule terroriste responsable de l’enlèvement des 3 adolescents israéliens a été arrêté et avoue le financement de l’opération par le Hamas de Gaza (Aroutz 10) » Bien sur cette information doit encore être confirmée, mais il est utile de la communiquer.
QUESTION DE JMPAPA : « pensez-vous que le Hamas est un parti politique tel que nous l’entendons dans nos démocraties, ou un groupe terroriste ? »
LE MONDE :
Tout comme le Hezbollah libanais, le Hamas est les deux à la fois : un parti politique qui a remporté les élections législatives palestiniennes de 2006 à la régulière ; mais aussi une milice dont le credo est la résistance armée. Cela dit, ce parti, qui s’est prêté au jeu démocratique et a été privé de sa victoire, n’a jamais caché son projet qui est, au final, la destruction de l’Etat d’Israël. »
ISRAEL TAVOR :
Et l’extermination de tous les Juifs (cf article 7 de la charte du Hamas)
QUESTION D’EMMANUEL : « est-il vrai que le Hamas essayait de convaincre les habitants de rester chez eux malgré les avertissements de l’armée israélienne dans un but de maximiser le nombre de victimes et ainsi d’ameuter l’opinion internationale ? »
LE MONDE :
Cela ne me paraît pas crédible. Si certains Palestiniens sont restés chez eux au risque de se faire tuer, c’est qu’ils n’avaient pas de lieu sûr où aller. N’oubliez pas non plus que les Palestiniens sont traumatisés depuis 1948 par le syndrome du réfugié : beaucoup se sont promis de ne pas quitter une deuxième fois leur domicile et leur terre. »
ISRAEL TAVOR :
Sur un point, Christophe Ayad a une vraie connaissance (il connaît Gaza pour y être allé) et le traumatisme du réfugié est réel, mais qualifier de « peu crédible » les intimidations du Hamas sur la population…
Un exemple:
http://www.liberation.fr/monde/2014/07/24/tu-dois-quitter-gaza-au-plus-vite-et-arreter-de-travailler_1069701
Si vous voulez avoir accès à l’article IMPOSSIBLE car apparait ce message « Cet article, qui décrivait les tentatives d’intimidation à l’encontre du journaliste palestinien Radjaa Abou Dagga, correspondant de «Ouest France» et ancien collaborateur de «Libération», a été dépublié à sa demande. »
Donc le Hamas ne serait pas crédible pour tenter de « convaincre » les habitants d’être des boucliers humains, mais assez pour qu’une menace sur un journaliste force Libération de censurer un article pour des raisons de sécurité?
Le « peu crédible » d’Ayad n’est pas forcément très crédible. Seul une enquête pourra le déterminer.
QUESTION DE J-F : « pourquoi Israël bénéficie d’une totale impunité de la part de la communauté internationale ? «
LE MONDE :
C’est une question très juste mais qui nécessite de se pencher sur l’histoire récente pour en comprendre tous les tenants et aboutissants. L’Etat d’Israël est né à la suite de la Shoah, il a été conçu comme le refuge de tous les juifs ayant échappé au génocide commis par les nazis. Cette origine en fait un Etat à part, du moins aux yeux des pays occidentaux qui portent une lourde part dans l’avènement d’un Etat juif. Quant aux pays arabes et aux Palestiniens, ils n’ont jamais compris ni accepté, à raison, de faire les frais d’une injustice qu’ils n’avaient pas commise.
Mais ils ont souvent commis l’erreur de recourir à une rhétorique qui pouvait faire penser que le peuple juif, rassemblé en Israël, était à nouveau menacé dans son existence alors que ce n’était pas forcément le cas. Cela a porté un lourd préjudice à la cause palestinienne sur la scène internationale même si, aujourd’hui, la nécessité et le droit de disposer d’un Etat pour les Palestiniens ne font plus débat. »
ISRAEL TAVOR :
C’est sur cette question que les erreurs les plus graves sont commises. Ayad omet de nombreux faits. Bien avant la Shoah, la création d’un état juif était déjà largement mise en place. On parle souvent des infrastructures d’un état avant même sa proclamation. Le projet était tellement avancé, qu’en 1936, la commission Peel avait déjà proposé un plan de partage pour la création de deux états.
Si Israël a été aussi vu comme un refuge pour les Juifs, il était aussi et avant tout l’expression du droit du peuple juif à disposer d’un état, à l’instar de tous les autres peuples.
Le vote pour la création d’Israël ne peut pas être regardé avec les yeux modernes. De nombreux facteurs ont motivé le vote, et le vote des USA n’étaient pas gagné (Patton, par exemple était contre, et c’est Truman qui a mis toute son influence dans le vote pour, de même l’URSS voyait ainsi un bon moyen de mettre un peu plus en pièce l’empire britannique, nul philosémitisme de la part de Staline).
Ainsi Ayad commet une grave erreur en parlant de la création d’Israël comme d’une injustice pour « réparation » de la Shoah, alors que sa création était prévue avant même la Shoah!
Illogique et incompréhensible, Ayad reprend, sans prendre la distance nécessaire, la rhétorique arabe à ce sujet.
QUESTION DE CRIMMERS : « y a-t-il aujourd’hui une solution politique ? «
LE MONDE :
Laurent Fabius l’a dit assez clairement hier dans son communiqué : la solution politique est connue de tous, il s’agit de deux Etats, palestinien et israélien, vivant côte à côte. Seulement il y a deux problèmes majeurs. Le premier est l’incapacité des principaux acteurs à s’entendre sur une solution, doublée d’un manque de volonté de la communauté internationale d’imposer cette solution. Le second est la multiplication des faits accomplis israéliens sur le terrain rendant quasiment impossible l’existence d’un Etat palestinien viable et disposant d’une continuité territoriale.
L’accélération de la colonisation ces dernières années rend presque illusoire désormais la solution des deux Etats. Je ne sais pas qui aura le courage de finir par le dire à haute voix, car cela implique qu’Israël en tire les conséquences et traite à terme sur un pied d’égalité tous les citoyens vivant dans les territoires qu’il revendique. »
ISRAEL TAVOR :
On peut voir dans les constructions dans les implantations un obstacle réel à une négociation, c’est tout à fait vrai, mais cet obstacle n’est pas insurmontable, contrairement à ce que l’on pense… Israël a su évacuer Gaza, même si les proportions ne sont plus les mêmes en Judée et en Samarie. Près d’un tiers des habitants des implantations sont prêts à rentrer dans les lignes d’armistice de 49 si nécessaire, et il peut tout à fait y avoir une minorité juive dans un état palestinien…
Le soucis vient surtout de convaincre une opinion israélienne qui est prête à faire des sacrifices territoriaux pour la paix, mais pour qui le dernier exemple de retrait, celui de Gaza, s’est révélé être un échec.
L’un des autres obstacles lors des négociations et qui a été largement minimisé, voir moqué, est le refus de la reconnaissance d’Israël comme état juif par les Palestiniens, car Israël veut s’assurer par cette reconnaissance qu’il ne s’agit pas simplement pour les Palestiniens de voir la paix comme une étape pour au final voir Israël se transformer en état non-juif à côté d’un état palestinien, lui, arabe, et au final voir Israël disparaître.
Sur les 20 questions posées à Christophe Ayad, 7 réponses posent des soucis (soit une majorité de réponse acceptable, ce qui n’est déjà pas si mal), pas simplement d’interprétation, mais sur des faits rappelés partiellement et qui auraient exigés soit une vérification soit une réponse plus complète.
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